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L’espace comme une feuille blanche

Un homme, cravate beige et casquette de base-ball rouge, surgit du désert mexicain pour regagner le Texas. Il boit les dernières gouttes d’eau que contient un bidon en plastique, puis l’abandonne sur place. Il reprend son chemin, marche dans le désert, rien ne peut l’arrêter. Son pas est régulier, hiératique. La fatigue et la chaleur le rendent fragile, fébrile, incertain, par instant déséquilibré, mais il poursuit sa route, coûte que coûte, il continue son chemin. Il ne s’agit pas de découvrir, mais de retrouver... Au-dessus de lui, dans le ciel bleu, un aigle l’observe. L’homme ne voit rien, il n’a qu’un objectif, avancer droit devant, vers l’horizon, son but est simple et clair, il avance tout droit vers l’horizon, sans s’arrêter de marcher.



L’histoire de Travis, surgi du Mexique où il a trouvé refuge pendant quatre ans d’absence, quatre ans d’amnésie, de mutisme peut-être. Son histoire d’amour avec Jane, plus jeune que lui, a mal fini. Il a tout abandonné, femme, enfant. Et le voilà qui revient, sans un mot, sans une bribe d’explication.

Juste avant sa publication, Sam Shepard a envoyé à Wim Wenders le manuscrit de Motel chronicles. Le cinéaste était enthousiaste, sentant qu’il tenait là ce qui pourrait être son premier « vrai » film américain, celui dont il rêvait à distance, depuis l’Europe. Il a pris des notes pour un scénario, mais Sam Shepard ne voulait pas s’éloigner du livre. Le scénario raconte donc le parcours d’un homme dans le désert qui traverse l’espace comme une feuille blanche.



« Ce qui sauve Wenders de sa propre facilité, écrit Serge Daney dans Libération en septembre 1984 : c’est la certitude qu’il doit y avoir une distance (une seule) à partir de laquelle toute chose (homme et paysage) n’apparaît pas seulement comme étrangement « distanciée » mais comme la promesse affectueuse d’un secret... »

Elle entre dans la chambre 1520 du Meridian Hotel, hésitante, tâtonne comme un fantôme, touchant l’un des murs de la pièce comme pour s’empêcher de tomber. À l’autre bout de la pièce, la tête du gamin, minuscule, apparait tout en bas de l’écran, à gauche… Quand il aperçoit sa mère, il se lève, s’approche d’elle, lui frôle les cheveux, puis s’agrippe à elle comme un animal. L’image est si intense qu’on en oublie le père. Travis est reparti dans sa nuit.



Une histoire simple et bouleversante sur des amours perdues et des familles disloquées. Comme un souvenir-fantôme.


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