Je suis très heureux d’avoir été invité à Montréal les 07 et 08 avril 2022 dans le cadre du Colloque Les iconothèques d’écrivain·e·s contemporain·e·s, de l’Université du Québec à Montréal. Cet événement est organisé dans le cadre du programme de recherche HANDLING, avec l’aide de l’Institut INCAL de l’UCLouvain, et en partenariat avec la Chaire de recherche du Canada sur les arts et les littératures numériques (ALN/NT2), que je remercie chaleureusement.
Je reviens pour la troisième fois à Montréal invité par l’Université du Québec à Montréal, et c’est une grande fierté. La première fois, en mai 2017, j’avais présenté mon projet des Lignes de désir, dans le cadre du colloque Littérature et dispositifs médiatiques : pratiques d’écriture et de lecture en contexte numérique. En mai 2019, je suis revenu pour parler du livre de Philippe Annoque, Seule la nuit tombe dans ses bras, dans le cadre du colloque « Raconter l’Internet et les réseaux socionumériques », à l’Université Concordia. Je devais intervenir à nouveau à l’Université de Montréal avec Anne Savelli pour le colloque international La route et ses bas-côtés (imaginaire des lieux autoroutiers liminaires), mais il a été reporté en décembre 2020 et s’est tenu en distanciel.
Cette année je présente trois de mes textes publiés, Les accolades (Contre mur, 2014), Laisse venir, co-écrit avec Anne Savelli (La Marelle éditions, 2017) et L’esprit d’escalier (La Marelle éditions, 2020) et l’un de mes tous derniers projets encore en cours : L’espace d’un instant.
À la suite de cette présentation, je lirai un extrait inédit de mon projet en cours d’écriture sur Liminaire L’espace d’un instant et dont on peut écouter une première lecture en mode podcast.
Une discussion au téléphone.
Les pleurs d’une inconnue.
Les lignes de la main.
Un homme endormi au petit matin dans une chambre d’hôtel.
Le paysage qui défile à travers les fenêtres d’un train.
Les jeux de regards complices entre amis dans le rétroviseur d’une voiture.
Le regard que l’on porte sur soi dans un miroir.
Le sentiment de liberté ressenti par des enfants dans une course effrénée.
Caresser de son doigt les lèvres d’une femme qui sourit.
Un homme qui progresse dans la jungle à l’aide de sa seule lampe torche.
Fumer une cigarette allongée dans son bain.
Un paysage traversé comme un rêve éveillé.
La proximité inédite, insolite de deux personnes dans un métro bondé, face à face.
La photographie ancienne d’un portrait d’enfant.
Les sensations liées au lavage de ses cheveux chez le coiffeur.
L’odeur de brûlé encore tenace bien après l’incendie d’une forêt.
L’attente du départ sur le quai d’un port.
Un baiser insistant sur la joue.
L’ombre d’une silhouette se détachant derrière une porte en verre.
Une femme traverse son jardin à l’aube en longeant les murs de sa maison.
La main qui plonge à l’aveugle dans l’eau du lavabo pour en déboucher la bonde.
Un feu de cheminée.
Un homme songeur la nuit derrière la fenêtre de sa maison silencieuse.
Un homme qui se cache le visage avec ses mains libérant l’un de ses yeux pour continuer à voir ce qui se passe malgré tout dans la pièce.
Un jeune homme arrose ses plantes vertes le matin.
Un poisson rouge inerte dans son bocal.
Jouer avec sa fourchette pour se distraire lors d’un repas en dessinant des traits sinueux sur la nappe blanche.
Les mains ouvertes d’un vieil homme comme en offrande, ce qu’elles peuvent révéler de lui.
Dans un immeuble plongé dans la pénombre une seule fenêtre allumée.
Une femme attend dans leur voiture son compagnon qui téléphone à l’extérieur, au milieu de la route.
Une femme marche sur le trottoir sous le regard insistant des hommes.
Le cadavre d’un cerf mort dans la neige.
Un homme malade sort précipitamment de sa voiture pour vomir sur le bord de la route.
Se couvrir le visage avec son pull pour tenter vainement de se réchauffer.
Dans la violence des gestes d’un couple amoureux, la fougue de leur tendre passion.
Une ombre fantomatique derrière un drap blanc.
Une vieille boite d’allumette qui sert à cacher de menus trésors.
Un incendie dont les flammes dévorent une maison devant ses habitants impuissants.
Un feu d’artifice à la fin de l’été.
L’attente à l’aube, devant la voiture chargée de meubles, lors d’un déménagement.
En haut d’un immeuble, regarder l’agitation de la ville en contrebas.
Une liste de courses dont on rature au fur et à mesure les achats effectués.
La nuit, un homme court dans la rue pour tenter d’échapper à son poursuivant.
Les enfants jouent dans la fraîcheur de la maison aux volets fermés.
Se coiffer comme on coiffe ses enfants.
Pénétrer lentement dans une grotte sombre.
Un tissu humide posé sur les yeux pour calmer sa migraine.
La lumière rasante de début de soirée sur les motifs du tapis du salon.
Une ombre passagère, fuyante, glisse de manière furtive devant la fenêtre voilée sans faire de bruit.
Se laisser flotter avec la sensation de l’eau qui nous porte au-dessus de l’eau.
La beauté éclatante, la jeunesse rayonnante, d’une jeune femme qui distribue du thé aux visiteurs de passage.
Les volutes de fumée, écran aérien derrière lequel les visages disparaissent soudain.
Une fête de village.
Poser la tête sur le col de son cheval pour entendre battre son cœur.
Jeter en mer les cendres de son père mort quelques semaines plus tôt.
Une jeune femme consulte son portable dans la pénombre de son appartement, la lumière bleutée de l’écran illuminant son visage.
Une femme s’abrite du soleil, un parapluie au-dessus de sa tête.
Se contempler dans un miroir brisé.
Une jeune femme nue se dirige vers le ponton d’un lac pour s’y baigner.
Transformer le mur en écran, la ville en salle de cinéma à ciel ouvert.
Deux enfants s’amusent à grimper dans les arbres.
La clarté qui se glisse à travers les lattes de bois des volets fermés.
Un homme, étendu en plein milieu de la route, inanimé, trois hommes à ses côtés tenatnt de lui porter secours.
Passer le balai dans son appartement.
Le corps lâche prise, les yeux se ferment, assommé de sommeil.
Le geste de consoler, la tête sur l’épaule.
Une grenouille dans le creux de la main.
Le ciel constellé d’étoiles, confettis de lumière au-dessus de nos têtes.
Le reflet de son visage en miroir dans une vitre sombre.
Une femme donne le sein à son enfant.
Regarder une vieille photographie d’un lieu oublié.
Avancer dans le noir les mains devant soi pour se protéger.
Sur le plan de la ville tracer le chemin parcouru ce matin là.
Poser sa main sur la courbe de ses hanches, les rondeurs enjouées de son visage. S’allonger lentement, se coucher dans l’ombre de son ombre, et s’offrir à cet inconnu.
Une étoile de mer échouée sur le sable.
Le menton au creux de la paume de sa main, laisser son regard se perdre au loin, sans but.
Les gestes coordonnées, chorégraphiés de jeunes filles à leur cours de danse.
Ouvrir un livre dans une bibliothèque pour en lire quelques lignes en diagonale.
Placer ses mains devant les yeux de quelqu’un pour lui faire une surprise et le laisser deviner qui l’on est.
Un groupe de pigeons apeurés qui s’envolent dans un grand bruit d’ailes.
Ne plus retrouver ses clés devant sa voiture garée dans le froid de la nuit.
En classe, se concentrer sur ce qu’on écrit.
Écouter la radio le poste collé à son oreille.
Tenter de rester le plus longtemps possible sous l’eau sans respirer.
Caresser tendrement de ses doigts effilés le buste imberbe de l’homme que l’on désire.
Un petit garçon vient de mourir sous les bombardements.
Dans la nuit, les ombres des silhouettes se projettent sur le silo du Port.
Recouvrir ses ongles avec des pétales de fleurs.
Une rangée d’arbres aux troncs fins, à l’écorce noueuse.
La tête lourde, les yeux rouges d’avoir tant pleuré.
Une femme étreint son fils toute à la joie de leurs retrouvailles.
La tourmente d’une tornade.
Avancer dans le dédale d’une librairie plongée dans le noir.
S’endormir, couché sur le gazon, un livre ouvert sur la poitrine.
L’enregistrement vidéo de la table ronde du 8 avril à Montréal avec Valérie Cordy, Michaël Trahan et moi-même, animée par Bertrand Gervais est disponible en ligne.