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La lecture comme travail créatif, selon Moyra Davey

Moyra Davey, née en 1958 à Toronto, au Canada, vit à New York. En 2008-2009, Davey était en résidence au studio du Conseil des Arts du Canada, à la Cité des Arts, à Paris, où elle a produit le vidéo My Necropolis. Les livres de Moyra Davey comprennent Copperheads (Bywater Bros. Editions, 2010), Long Life Cool White (Yale University Press, 2008), et The Problem of Reading (Documents Books, 2003). Elle a également conçu et publié un livre de textes sur la maternité, Mother Reader : Essential Writings on Motherhood (Seven Stories Press, 2001. Avec son mari, Jason Simon, elle a accueille chaque année, pendant dix ans, un festival du film d’une minute à partir de son domicile, à Narrowsburg, New York. Moyra Davey est représentée par Murray Guy, de New York, et la Goodwater Gallery, à Toronto.

Life without sheets of paper to be scribbled on is masterpiece, de Moyra Davey

Le travail de Moyra Davey traite souvent de la lecture et de l’écriture ou du point de leur rencontre, dans ce que l’artiste appelle, dans un essai publié en 2003 : « la lecture comme travail créatif. »

« Je veux faire des photographies, mais je souhaite qu’elles prennent racine dans les mots »

De tailles modestes, souvent réalisées dans son propre espace domestique, ses photographies documentent la vie des objets – notamment livres, disques et appareils divers – et leur accumulation au fil du temps comme autant d’indices d’une vie intérieure se construisant au fil des lectures, des activités du quotidien, des moments de réflexion et d’inactivité.

Dans son exposition Life without sheets of paper to be scribbled on is masterpiece (la vie sans feuilles de papiers destinées à être griffonnées est un chef d’œuvre) qui se termine le 29 juin au Camden Arts Center de Londres, il y a une étonnante série de photographies de gens écrivant dans le métro de New York.

Life without sheets of paper to be scribbled on is masterpiece, de Moyra Davey

Les photos de Moyra Davey ont été pliées et acheminées par la poste vers les lieux où elles vont être exposées. Les pliures du papier créent une grille qui oblitèrent l’image, et l’interrompent comme le font les petits morceaux de scotch colorés tenant la feuille lorsqu’elle est pliée, timbrée, et envoyée par la poste, sans compter les étiquettes où sont placées les noms et adresses d’envoi et de réception. Ces images soulignent ainsi leur propre matérialité, leur relation à la notion d’accident ainsi que leur nature épistolaire.

Davey donne à l’image un revêtement formaliste pour nous rappeler qu’une photographie n’est pas seulement une image mais une chose faite en papier. La photographie est aussi le document de deux voyages différents, celui de l’artiste dans le métro et celui de son image dans le système postal.

Le café, la bibliothèque, par Moyra Davey

La tasse à café et sa soucoupe, objet de méditation de Jean-Luc Godard dans Deux où trois choses que je sais d’elle, l’environnement du café, les objets accumulés, la carte et les papiers griffonnés sur les sépultures des cimetières parisiens jonchés de souvenirs personnels et de ticket de métro, témoignent précisément d’un lieu émotionnel, fusionnant espace domestique et espace d’exposition, lieu de repos et lieu de de prose, d’accueil et de recueillement, avec ce qui arrive et ce qui est déjà passé.

« Peut-être qu’un objet est ce qui permet de relier, de passer d’un sujet à l’autre,
donc de vivre en société, d’être ensemble. Mais alors, puisque la relation sociale est toujours ambigüe, Puisque ma pensée divise autant qu’elle unit, Puisque ma parole rapproche par ce qu’elle exprime et isole par ce qu’elle tait, Puisqu’un immense fossé sépare la certitude subjective que j’ai de moi-même
et la vérité objective de ce que je suis pour les autres, Puisque je n’arrête pas de me trouver coupable alors que je suis innocent, Puisque chaque événement transforme ma vie quotidienne, Puisque j’échoue sans cesse à communiquer, je veux dire à comprendre, à aimer, à me faire aimer, et que chaque échec me fait éprouver ma solitude, Puisque je ne peux pas m’arracher à l’objectivité qui m’écrase, ni à la subjectivité qui m’exile, Puisqu’il n’est pas permis de m’élever jusqu’à l’être ni de tomber dans le néant, il faut que j’écoute, il faut que je regarde autour de moi plus que jamais... le monde... mon semblable... mon frère. »


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