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Disparition des fresques de l’artiste Blu à Berlin

Anne Savelli m’apprend hier soir sur mon profil Facebook, que la célèbre œuvre de l’artiste italien Blu, une des fresques emblématiques du street art à Berlin, a été recouverte de peinture noire par l’artiste lui-même.

La fresque de Blu, dans le quartier de Kreuzberg à Berlin en octobre 2014

Lors de notre voyage familial à Berlin en octobre dernier, Anne m’avait rappelé qu’en 2007 elle avait vu cette fresque, il y avait une photo sur son blog et le titre de son article Ma peau contre rien rétrospectivement assez troublant. L’appartement que nous avions loué était situé juste en face de cette œuvre, devant l’immense terrain vague au bord de la Spree, au cœur du quartier de Kreuzberg en pleine gentrification. Quelques semaines avant que nous arrivions, en septembre, le squat, habité par une communauté de marginaux, d’alternatifs, avait été évacué, suite à un incendie, le terrain avait ensuite été rasé et totalement fermé, encerclé par une grille qui en empêchait l’accès, un important projet immobilier devant voir le jour à cet endroit prochainement.

En juillet 2007, Blu avait réalisé une première fresque dans la Cuvrystraße avec JR :

En novembre 2008, Blu revint peindre une deuxième fresque à Berlin.

Ce terrain devrait accueillir 250 appartements, un supermarché et une crèche. Un projet qui est loin de faire l’unanimité à Kreuzberg, quartier alternatif qui s’embourgeoise depuis quelques années. Une pétition sur Internet circulait lors de notre séjour, elle a recueillie plus de 7 000 signatures pour sauver la fresque de Blu, en demandant son classement en monument historique, en vain.
Deux camions grues ont en effet recouvert de peinture noire les deux gigantesques fresques de street art, dans la nuit du jeudi 11 au vendredi 12 décembre, rapporte le site Kombini.

Fresque de Blu à Berlin recouvertes de peinture noir

Avant d’être totalement recouverte, une partie de l’œuvre encore intacte, visible, montrait ironiquement une main faisant un doigt d’honneur vers deux mots Your city (votre ville), traces persistantes d’une inscription ancienne. La fresque a ensuite été entièrement effacée.

Les murs de "votre ville" se couvrent de noir. Photographie de Giovanni Blandino

L’artiste a envoyé un message aux promoteurs immobiliers, leur expliquant qu’il avait préféré détruire son œuvre avant qu’elle soit cachée ou détruite.

Le street art est un art éphémère, un art du palimpseste qui s’inscrit parfois durablement dans l’espace urbain au point de s’imposer comme symbole d’un quartier, d’une ville. Mais la ville évolue, les quartiers se transforment avec le temps, constructions, aménagements, restructurations, démolitions. La ville efface de ses murs certaines œuvres maîtresses mais des gestes artistiques comme celui de Blu, capable avec ce panache de venir lui-même effacer l’œuvre qui avait fait sa renommée, et participer en un sens à celle de ce quartier de Kreuzberg, et de Berlin, d’achever son travail, sept ans sa création, inscrivent cet art urbain dans une durée inédite, une liberté réjouissante, une indépendance rare, une précieuse lecture de la ville, beaucoup plus importantes que n’importe quelle exposition, contre-nature dans sa forme avec cet art à l’air libre.


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