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Les Chemins électroniques #7

Les lignes de désir est un projet d’édition est protéiforme. J’imagine un texte dont la publication ne retiendrait qu’une sélection aléatoire dans l’ensemble des fragments écrits (et à chaque nouvelle impression, une nouvelle version créant ainsi autant de versions collectors de ce récit), mais aussi une version sous forme de cartes à jouer (tirage limité façon livre d’artiste), un site (avec des promenades sonores (ambiance ville lecture de fragments du texte et création musicale)), des diaporamas de trajets à rejouer à travers la ville, une application iPhone/iPad (permettant une écoute mobile de ces parcours poétiques), une installation avec pièce sonore et des performances sous forme de visites guidées de la ville.

La Commanderie de La Commande, dans les Pyrénées-Atlantiques

À l’invitation de l’association accès(s) j’ai animé en avril 2013 un atelier d’écriture numérique au Collège d’Arthez-de-Béarn : Autobiographie de profil. Cette résidence d’une semaine débouche sur cette invitation à participer à la manifestation Les Chemins électroniques, qui investit le 15 juin 2013 tous les espaces de la Commanderie le temps d-’une après-midi et d’-une soirée autour d’œuvres, de musiques et de voix célébrant le récit, le voyage réel ou intérieur, intime ou collectif. Un temps convivial ouvert à tous, à partager avec les artistes et les vignerons indépendants..

Mur en ruine préservé devant La Commande de La Commanderie

Les murs ont des oreilles : installation, pièce sonore et performance.

Cette expression est apparue vers 1622 sous la forme les murailles ont des oreilles. Les murailles sont devenues des parois pour en arriver à la forme actuelle de murs vers 1690. Elle signifie qu’une conversation risque d’être entendue et de causer des ennuis à ses auteurs. Il s’agit alors de donner le sens de l’ouïe à des pierres, ce qui est tout à fait extravagant. Cependant, on utilise également cette expression dans un sens plus figuré lorsque deux personnes discutent en privé, mais avec des gens autour d’eux. Même si ceux-ci semblent occupés et ne pas prêter attention à la conversation, il peut arriver que les interlocuteurs se sentent gênés par cette présence, car les murs ont des oreilles. Autrement dit, ces personnes qui semblent ne pas écouter peuvent tout de même entendre quelques bribes de la conversation, brisant ainsi la confidentialité de l’entretien.

Salle de la Commanderie de La Commande, dans les Pyrénées-Atlantiques

Dispositif :

Quand il pénètre dans la salle du 3ème étage de La Commanderie, le visiteur n’entend qu’un tumulte de voix dont il ne parvient qu’à peine à distinguer ce qu’elles disent, par bribes. Au centre de la pièce nue, posées sur un lutrin, les pages du récit Les lignes de désir, sont disponibles à la lecture des visiteurs. Si le public s’éloigne du milieu de la pièce et longe les murs de la pièce sur lesquels des haut-parleurs sont disposés sur chacun des murs, il entend le fragment d’une conversation entre un homme et une femme. Une conversation entre un couple dans la nuit de la ville, et une autre qui se déroule avec un autre couple, en pleine journée.



Sur l’un des haut-parleurs, on entend donc la voix d’un homme qui parle à quelqu’un dont on n’entend pas la voix. Sur le mur d’en face, le hautparleur
diffuse la partie manquante de la conversation. La voix d’une femme qui parle avec quelqu’un dont on n’entend pas la voix.

De l’autre côté de la pièce, même dispositif, avec un autre dialogue, celui d’un homme et d’une femme, discutant dans la journée.

Le public ne peut jamais vraiment entendre l’intégralité des dialogues entre ces deux couples.

Sur chaque enceinte les voix des deux dialogues sont diffusées à tour de rôle, leur vis-à-vis toujours diffusés simultanément sur le haut-parleur disposés sur le haut-parleur du mur opposé.

La diffusion est interrompue à plusieurs reprises dans la journée pour des interventions de l’auteur, programmées à l’avance, qui après s’être placé au centre de la pièce, derrière le lutrin, lit une dizaine de pages du récit des Lignes de désir choisies au hasard, après les avoir battues plusieurs fois devant le public présent au moment de la lecture, pour bien les mélanger, respectant ainsi le principe d’écriture de ce récit à circulation aléatoire.

Quatre haut-parleurs :

Le premier : L’homme dans la nuit




Le second : La femme dans la nuit




Le troisième : L’homme dans la journée




Le quatrième : La femme dans la journée




Performance :

Au centre de la pièce, au fil de la journée, l’auteur vient lire régulièrement des fragments du texte Les lignes de désir extraits au hasard dans l’ensemble des feuillets du récit encore en cours d’écriture.




Extraits :

Un couple dans la nuit. Derrière leurs fenêtres, ils regardent la ville en contrebas. Ils parlent et imaginent ce qui se passe dans la pénombre. Des volets clos sur des fenêtres aveugles. Debout dans l’embrasure d’une nuit sans voix, désirant, ils cherchent leur souffle. Des rues, une nuit, vides. Des histoires, ce qu’on se dit pour commencer. Nous vivons ainsi. Un renversement, ce vertige d’être au monde. Une chose que nous sentons vaguement, ombre ou petite lueur, dont la silhouette fantomatique s’élève dans la nuit. Un désir, une émotion, un lieu, de la lumière et des bruits.

ELLE : On peut le dire comme ça si vous voulez. Des histoires pour commencer. Nous vivons ainsi. Un renversement, ce vertige d’être au monde. Une chose que nous sentons vaguement, ombre ou petite lueur, dont la silhouette fantomatique s’élève dans la nuit. Un désir, une émotion, un lieu, de la lumière et des bruits.

LUI : Ces échos d’autres paroles qu’on entend là à longueur de journée.

ELLE : Derrière cette fenêtre, regarder la ville en contrebas. Imaginer ce qui se passe dans la pénombre.

LUI : C’est ça, continuons...

ELLE : Je regarde souvent vers lui comme on se délecte de la fragilité des jours, mais lui jamais. L’air d’avoir absorbé en lui toutes les nuits.

LUI : C’était avant, c’était ailleurs.

ELLE : Dans la cabine téléphonique, il regarde sa montre avant de répondre. Elle ne termine pas sa phrase.

LUI : Les lumières ne prennent reflet que sur le translucide. Mais à l’intérieur tout est bel et bien vide.

ELLE : Il a fait beau aujourd’hui contrairement à ce que je croyais.

LUI : Le ciel était bleu. Voir la lumière contrainte à la géométrie. Voir le vent en contact avec la pierre. Voir la mémoire des pierres agitées par l’apesanteur.

ELLE : Le reste est fictif, comme la vie privée. Les amis réunis dans le secret de l’appartement, la joie illumine leur visage. Un couple dans la journée. Ils marchent l’un à côté de l’autre et discutent ensemble. Ce dialogue n’est pas celui d’un voyage, mais d’un parcours.

LUI : Je sors dans la rue et m’y promène comme on ouvre un livre au hasard, je tire au sort pour savoir où je vais, dans quelle direction, toujours aucun but précis, à ville ouverte. Je lis la page qui me tombe sous les yeux et c’est là ce qui m’intéresse.

ELLE : Un homme avance dans les rues de la ville, il marche vers un but dont on ne devine que peu à peu ce qu’il est, un rendez-vous avec une femme. De cette femme on ne sait rien.

LUI : Parfois, dans une rue, vous entendez un bruit lointain. Ce que l’on ne raconte pas à sa femme ni à son ami, il faut le raconter à un étranger.

ELLE : Les mots tournoient dans sa tête au rythme de ses pas. Ce qu’il observe en marchant, ce qu’il veut dire à cette femme qu’il rejoint, ce qu’il a sur le cœur.

LUI : Ce vide, voilà ma réponse. C’est la chance des rencontres.

ELLE : Il avance en se parlant à voix haute.

LUI : Je veux tourner la page.

Affiche de la manifestation Les Chemins électroniques #7

Programme des Chemins électroniques du 15 juin : Installations, projections, performances, concerts et dégustations.

16h30 > 19h30

Last room / Dépli - Pierre Carniaux et Thierry Fournier

Last room / Dépli - Pierre Carniaux et Thierry Fournier : Un dialogue entre cinéma et art numérique

Tourné au Japon par Pierre Carniaux, le film Last Room est une fiction et un documentaire. Des histoires intimes et rêveuses, entremêlées de voyages à travers les paysages de l’archipel, résonnent avec une histoire collective : celle de Gunkanjima, île fantôme à l’abandon au large de Nagasaki, puis celle du Japon tout entier. Créée sur iPad par Thierry Fournier, Dépli propose une nouvelle forme d’expérience du cinéma : une navigation à travers le film Last Room. Un cinéma « jouable » et sensuel qui permet au spectateur de réécrire le film par le toucher.

Les murs ont des oreilles - Pierre Ménard : Installation sonore et lectures performées

L’écrivain Pierre Ménard poursuit un projet de fiction prenant tour à tour la forme d’un récit à lecture aléatoire, d’un entrelacs d’histoires, de promenades sonores et musicales, d’une cartographie poétique de flâneries anciennes, de déambulations quotidiennes et de voyages exploratoires.

19h30

Démolécularisation - Jérôme et Jean-François Blanquet : Performance narrative pour « sons visuels » et « images sonores »

Un film fabriqué dans l’instant où les rôles sont inversés : l’image montre ce qui est sonore en utilisant les codes du sous-titrage (norme Antiope et sous-titrage pour malentendants) tandis qu’une voix au micro décrit ce qui est visuel (extraits d’autres films, enregistrements réalisés sur le lieu en amont). Progressivement les rôles se brouillent dans un univers de cut-up généralisé texte-image-son, propice à l’accident et au débordement. Intérieurement, le spectateur compose son propre film.

22h

Live électronique - Bérangère Maximin

Live électronique - Bérangère Maximin

Avec un goût de la trituration rythmique qui renvoie autant à des abstractions ethniques, aux musiques improvisées qu’à un sens de la composition électronique, Bérangère Maximin opère un savant mélange entre les traditions. Chaque son, chaque effet de voix apporte son lot de précision mais aussi de pure poésie. Ici, le temps n’a plus d’emprise.

Live électronique - Baron Rétif et Concepción Perez : Quelque part entre Dr. Dre, Sun Ra, Liquid Liquid et The Roots

Une électro sous codéine aventureuse qui, subtilement, emprunte selon les morceaux à la house, au funk, au hip-hop, au dub ou au jazz. Sur scène, Baron est en mode opération coup de poing sur ses batteries pendant que l’immaculé Concepción opère derrière les machines.

Quelques images de cette belle et très riche journée :




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