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Sable et solde | 9

S’abreuver surtout, dans la rue, à ceux des visages qui sont entrevus.

Un banal exercice incendie au Collège Corisande d’Andoins d’Arthez-de-Béarn où j’anime cette semaine un atelier d’écriture numérique. Tous les élèves sortent des classes en toute décontraction, sous un beau soleil. Ils remontent tranquillement la route du Foirail, en pente sinueuse, qui les conduit jusqu’à la place du village, la Place du Palais, un peu en surplomb, où il est prévu qu’ils se regroupent en cas d’incendie. Tout le monde discute, plaisante, tout sourire et bonne humeur.

Impossible de savoir si c’est un feu dans un jardin voisin qui produit cette fumée noire, âcre, ou si cela fait partie de la mise en scène imaginée par l’administration du Collège ou le Rectorat pour cet exercice d’évacuation. L’odeur de fumée nous accompagne en tout cas sur quelques mètres mais se dissipe très rapidement, les élèves comme le personnel enseignant semblant prendre cet exercice très à la légère, loin des recommandations du Ministère de l’éducation :

Ces exercices ont pour objectif d’entraîner les élèves et le personnel sur la conduite à tenir en cas d’incendie. Pour cela ils doivent être représentatifs d’une situation réaliste préparée à l’avance et être l’occasion d’une information des élèves et du personnel. Les conditions de leur déroulement et le temps d’évacuation doivent être consignés sur le registre de sécurité.

Les élèves se regroupent par classe sur la placette. Je les prends en photo.

Je diffuse cette photographie sur mon compte Instagram et une lectrice, Anne Charlotte me demande si cela a voir avec les tous récents attentats de Boston.

La veille, en rentrant en voiture avec Pauline Chasseriaud, la responsable de l’association Accès(s) qui m’a invitée à mener ces ateliers, après un agréable repas au restaurant Le Berry, à Pau, avec sa collaboratrice, elle me reconduit nuitamment jusqu’aux anciens Abattoirs de Billère où je suis logé pour ma résidence. Alors que Pauline coupe le contact du véhicule, le silence se fait autour de nous, et nous entendons l’annonce des attentats de Boston à la radio. Un court silence dans un temps suspendu, sans commentaire possible. Nous nous saluons et elle me laisse là.

Sur la place d’Arthez, personne n’en a même parlé lors de l’exercice d’évacuation où le plus gros risque était sans doute celui d’un semi-remorque tentant de faire une manœuvre sur la place où les élèves s’étaient regroupés.

« Le drame est encore – pour combien de secondes, de minutes, en attendant quelle explication, quelle revendication – un mystère, mais un faux mystère bien sûr. Car quand le feu se produit en Amérique, il n’y a que deux explications : un fou ou un arabe. Mais pour l’instant, le drame est un drame, et en tant que tel il irrigue, il va, vient. On sait qu’on assiste, via l’internet, à quelque chose de réel. Dans un presque direct. Des gens courent, puis soudain de la fumée. Des victimes ? Des morts ? Combien ? La presse, demain, va moudre. Ce sera son gagne-feuille. Cent experts y iront de leurs expertises. Pour l’instant, le drame n’appartient qu’aux témoins, direct ou lointains. A nous aussi, à notre ignorance et savoir global. Une info. Vide de sens, qui continue de courir, dans un marathon absurde contre l’information. Demain, je saurai (ou pas) qui a. Pourquoi. Comment. Ou quelles pistes. Quels suspects. Mais pour l’instant je n’ai, en lecture, en guise d’images et d’informations, que ça : un drame. »

Boston Burning, de Claro

Attentat de Boston : « Les premiers éléments pointent vers une piste domestique. »

Photographie Planche-contact du lundi 16 avril 2012, 9h30 : Castro Street, San Francisco, Californie.


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