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En souvenir de Pierre

Ce matin je suis sorti me promener le long du canal de l’Ourcq là où avec Pierre nous avions l’habitude d’aller courir tous les deux, tous les dimanches, jusqu’à Pantin, poussant dans nos meilleurs jours jusqu’aux Magasins généraux des douanes abandonnés dont j’ai visité le bâtiment cette année avant sa restructuration. Et comme je l’avais souligné à l’époque, en rappelant les similitudes entre cet immeuble abandonné et le 5 Pointz, le temple du graffiti que nous avions visité lors de notre voyage à New York, j’ai découvert hier que l’ensemble de ses peintures murales avaient été effacées, et que le propriétaire allait le détruire pour construire à sa place des immeubles.

Pierre était malade depuis quelques mois, avec Caroline nous l’avions vu récemment et malgré son affaiblissement et ses douleurs (il avait beaucoup maigri, sa barbe poivre sel mangeait son visage amaigri), nous avions bus et mangés ensemble, nous avions discutés et ris, ce fut un émouvant moment passé ensemble avec Magali. Mardi j’ai été surpris par son appel téléphonique en pleine journée, il subissait une transfusion à l’hôpital, il m’a brièvement demandé de lui envoyer un texte qu’il avait écrit à l’occasion des ateliers que j’ai menés au Centre Château-Landon, en 2010, auxquels il avait beaucoup apprécié participer et dont nous reparlions souvent lorsque nous nous voyions.

J’ai été très ému de relire son texte ce jour-là. En reprenant ce matin le parcours que nous suivions tous les deux lors de nos promenades ou de nos courses, tous les souvenirs en commun remontaient à la surface dans ce froid dimanche de novembre, dans un dialogue complice, amical, désormais muet, confirmation encore une fois que la ville se transforme en nous. Je reproduis ci-dessous ce texte qu’il a voulu relire avant de partir. Ce texte qui parle si bien de lui, sensible, gourmand, déterminé, et généreux.

Lit de mousse

Sous-bois dans les contreforts du Vercors. Le lit de mousse verdoyante et gorgée d’eau vous accueille avec ses odeurs profondes et mystérieuses.

Père de famille à la recherche de chanterelles, village paisible en fond de vallée au pied de la station de fond d’Hurle.

Mousse verdoyante et humide.

Je m’y vautre, je rampe au rythme des gouttelettes d’eau qui dévalent de leurs feuilles et je m’y vautre d’autant plus.

Julia est ragoutée par ce climat, les chanterelles sont en nombre, ça mouille à droite, ça mouille à gauche.

Alexandre rentre là dedans en défiant cette nature, arrache les chanterelles à pleine main, pousse les buis, évite les gouttes, se lasse et s’en va.

Romain trempé, le pouce de la main droite dans la bouche, le lobe de l’oreille dans la main gauche, roule par terre avec plaisir et jouissance.

Mousse verte et humide, les coccinelles décorent l’ensemble avec les chanterelles oranges, les feuilles de chêne noircies, les glands et les pics de pin.

Mousse verdoyante et humide, pas des chiens de chasse, arrêt sur image, silence, les chanterelles sont également immobiles.

Les chenilles et divers insectes, petits, gros, noirs, lents ou rapides, gluants, volants.... La brise dans les buis et le cageot qui se remplit de champignons, odeur de terre, sur les doigts, dans les narines, les oreilles se laissent bercer par un bruit incessant.

Dernier rayon de soleil qui éclaire avec parcimonie la mousse verte devenue multicolore, mousse tachetée de jaune, d’orange, gouttes d’eau de douceur.

Soleil couchant, humidité pénétrante, frisson dans le dos, clochettes des moutons qui rentrent à l’étable, derniers vols d’oiseaux avant la nuit.

Feu de bois, champignons séchants, clairette de Die, ail et fromage de chèvre et toujours, et toujours dans mon esprit cette mousse verdoyante, accueillante et humide, une bonne nuit en perspective.

Pierre Baldini


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