Tous les mois, faire échange de vidéo. S’emparer des images et de la bande son, entrer en dialogue avec, sans nécessairement modifier le montage de la vidéo mais en ajoutant selon ses préférences (voix off, texte lu, improvisé, écrit sur l’image, ajout de sons, de musique), puis envoyer sa propre vidéo à son correspondant pour qu’il s’en empare à son tour.
Le premier vendredi du mois, chacun diffuse le mixage/montage qu’il a réalisé sur la vidéo de l’autre et découvre à son tour son montage mixé sur la chaîne YouTube de son invité.
La vitesse des rêves
Images : Laurent Givelet / texte et musique : Pierre Ménard
La question qui se pose c’est : par où commencer ? Admettre le commencement comme continuation. Les matins semblent voler avec les merles, les soirs me crient : tu devrais chercher ailleurs. Chacun cherche à échapper à sa solitude, à ses souvenirs, à son passé, à sa folie. Dans ma défaite de chaque jour, une organisation, un dispositif. Comme un poisson dans l’eau, évoluer dans sa forme. Le gémissement des temps manqués. À une vitesse impossible, la vitesse des rêves. Les formes se confondent avec les signes. Des ombres se coulent dans l’oubli. On ne sait pas à l’avance ce qui peut arriver. Nous sommes en ce moment près de la frontière. Le silence emporte la parole vers les profondeurs.
Jeté dehors
images et musique : Pierre Ménard / texte et voix : Laurent Givelet.
Tu as été jeté au-dehors. C’est là, t’avait-on dit, le seul lieu possible. Tu avais marché, pas après pas tu te détournais des appels et pourtant tu te retrouvais au centre des signaux. Ils étaient émis pour toi. Alors tu as cherché la réalité derrière ces signes. Celle qui n’est pas une simple ombre, ni une inquiétante doublure. Cette réalité dont on t’avait parlé, du temps où tu étais à l’abri. Une réalité évidente et accueillante, celle qui te tend la main et dont tu éprouves la présence. Celle qui dans le dehors trop ouvert t’enveloppe sans condition. Cette réalité dont tu savais qu’elle te satisferait.
Lentement tout s’était assombri. Comme l’image a son grain, la réalité a ses gouttelettes diffractantes, son humidité révélatrice, son ruissellement luisant. La lumière venait au-devant de toi. Elle t’envoyait des images de la réalité avec son manteau de présence. Mais elle se moquait de toi, jouait à te répondre tout en te fuyant. Elle te plongeait dans la nuit, te recouvrait d’ombre, désespérait ta recherche. Tu ne savais où courir et rester sur place te paraissant absurde.
Revenaient alors les ombres, les enseignes lumineuses te cherchaient, les phares te traquaient. Tu allais tête baissée, longeant les murs. Tu te gardais d’entrer dans les lumières. Tu désirais l’ombre maintenant afin qu’elle te dérobe cette réalité que tu voulais atteindre, afin que tu ne reconnaisses que le plus tard possible que la réalité ne te tendrait pas la main et qu’elle est souriante comme la danse artificielle des lumières de la nuit.