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Vendredi 5 mars 2010

Nous avons été chassés de la ville. Nous entrions dans les bars, commandions un café et dans l’après-midi la salle était à nous, chaise ou banquette, journal, miroir, rares discussions de comptoir dont nous notions des bribes parfois, croyant donner le change. Que ces notes servent ou non ne comptait pas. Il s’agissait de rester dans la ville loin des salles de cours, des bureaux et supermarchés. Que quelqu’un parle ne gênait pas. Par l’oreille on se glissait dans la conversation, pouvait en réchapper – sauf si l’homme ou la femme se mettait à hurler, mais c’était alors autre chose. Il s’agissait de regarder les arbres, le canal, les bancs, de s’y absorber sans désir de fiction. Il s’agissait très jeune de faire partie des vieux (entendez inutiles). D’être près de leur voix, de leurs sous-entendus, de leurs phrases mâchonnées qui ne s’adressant à personne s’adressaient à nous, ceux de la salle - ceux qui, à table, payaient deux fois plus cher le café du comptoir mais n’auraient pu s’offrir ces verres bus debout. Être d’accord ou non avec ces phrases secrètes, douleurs, colères, manques, n’était pas la question.

Texte écrit par Anne Savelli, qui invite sur son blog Fenêtres Open Space, ma promenade géolocalisée, dans le cadre du projet de vases communicants : « le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour
> produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre. »


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