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390 photos d’arbres de Noël

Comme chaque année, une fois Noël passé, des millions de sapins sont lâchement abandonnés au bord des routes, des rues et des ruelles des pays de tradition chrétienne. La tradition chrétienne veut d’ailleurs qu’il reste dans son habit de fête jusqu’au 6 janvier, jour de l’Épiphanie. Mais dès le début janvier j’en ai vu de très nombreux traîner en ville.

À Lille notamment, derrière la Mairie, Porte de Paris :

Dimanche, alors que je me promenais derrière les Buttes-Chaumont, dans le 19ème arrondissement de Paris, j’ai assisté au manège du recyclage des sapins obsolètes qui perdent leurs épines, nus parfois

Certains le promenant dans la rue à l’aide d’un caddie, le traîne derrière eux ou dans leurs bras, dans un grand sac doré, le sac à sapin biodégradable et compostable mis en vente par Handicap International.

La Mairie de Paris a disposé de son côté des enclos boisés façon western pour que les habitants y jettent leurs épineux.

Dans le Parc des Buttes-Chaumont, comme dans une centaine de parcs et jardins parisiens, des affiches signalent les points recyclage des sapins à l’aide une signalétique spécifique.

Elle semble visiblement très efficace, les sapins débordent des enclos. « On dirait que les sapins sont au zoo, fait remarquer Gaétane Laurent-Darbon : ils se pressent derrière les barrières, et regardent les humains encagés. »

Les habitants viennent s’en débarrasser à la hâte.

Gergo Gosztom a lancé depuis 2011 une série de photographies intitulée « After Christmas ». Ce photographe hongrois qui avoue avoir une sainte horreur des sapins de Noël jusqu’au point de les trouver totalement inutiles a donc choisi de les faire revivre après leur abandon dans les poubelles et autres terrains vagues en les décorant pour la postérité de guirlandes illuminées le temps d’une prise de vue.

Qu’est ce que tu vas faire de 390 photos d’arbres de Noël ? Cette nouvelle, écrite en 1964 par Richard Brautigan, est issue de son recueil Tokyo Montana Express. C’est Karine Maussière qui m’en a rappelé l’existence en diffusant sur son profil Facebook une série de sapins abandonnés dans les rues de Marseille. « Je crois que nous étions encore sous le coup de l’assassinat du président Kennedy, écrit Brautigan. Peut-être que ces photos d’arbres de Noël, ça avait quelque chose à y voir. »

Gaétane Laurent-Darbon qui connaît également le texte de Brautigan a créée un album sur Facebook : Our 390 Christmas Trees.

« Qu’est-ce que tu vas faire de 390 photos d’arbres de Noël ?

Je n’en sais rien…

… J’étais à descendre une rue sombre et silencieuse qui conduisait à la maison lorsque j’aperçus un arbre de Noël abandonné à coté d’une bouche d’incendie. L’arbre avait été dépouillé de ses décorations, et gisait là, tristement, tel le soldat mort après la défaite. Une semaine auparavant, on avait pourtant dit du héros. On était loin des attentions que l’enfant prodigue à son arbre de Noël adoré…

…Tous ces arbres de Noël tristes et abandonnés me firent mal à la conscience, vraiment. Ils avaient donné tout ce qu’ils avaient pu à ce Noël et voilà qu’on se contentait de les balancer, qu’on les condamnait à dormir à même la rue, tel des clodos…

En arrivant chez moi, j’appelais un de mes amis. Il était presque une heure du matin. Je l’avais réveillé. Il eut la voix d’un réfugié du sommeil.

Qui est à l’appareil ?

Les arbres de Noël.

Quoi ?

Les arbres de Noël.

C’est toi, Richard ?

Ouais !

C’est quoi cette histoire d’arbres de Noël ?

Écoute, si on prenait des photos de centaines d’arbres que les gens ont abandonnés dans la rue ? Comme çà le désespoir et la solitude de Noël, y aurait qu’à les montrer à la façon dont on fout son arbre à la porte de chez soi !

Je commence demain.

…Ainsi se passa une journée qui, rampants, nous conduisit à 390…

…Nous étions tous très heureux. C’était la première semaine de l’année. En Amérique, les temps étaient bizarres. »

Richard Brautigan

Mathieu Tremblin inventorie Dans Vert sapin publié aux éditions ULS en photographie des sapins de noël échoués dans les rues après les fêtes, posés à même le sol ou enveloppés dans des « sacs à sapin » comme des cadavres.

« Vert sapin » tire son nom de la référence chromatique du papier de couverture. Il se présente sous la forme d’un bloc vert dont la figure récurrente, le sapin, est le motif et la trame d’un journal photographique qui livre au lecteur une vision décalée du traditionnel arbre de Noël. Au travers de mini-séquences narratives, le sapin abandonné dans l’espace urbain, tantôt dénudé, tantôt ensaché, est amené à disparaître. Non sans ironie, la présence humaine manque. Sur le mode du relevé, Mathieu Tremblin témoigne d’une attitude urbaine ancrée dans la réalité et générée par la société de consommation.

La capture du sapin après les fêtes, dépouillé de son titre de noblesse, fondu dans la masse jusqu’à s’y perdre, engendre face au déterminisme de la ville des images paisibles et mélancoliques.

L’Agence de design 5.5 a lancé en 2008 une édition limitée de 10 lampes réalisées à partir d’arbres de Noëlabandonnés sur les boulevards parisiens : Mon beau sapin.


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