Il a imaginé un monde clos, hermétique, qui fonctionne avec ses lois, un monde rose bonbon où le mal n’arrive pas. Il doit y avoir moyen d’en jouer sans exclure tout le monde ; c’est ce que j’essaie de faire. C’est quand même drôle ou finalement il ne voulait rien dire. Ce qui est peut-être le fond de l’affaire. Totalement. C’est très fragile, il n’y a rien d’écrit.
Quand un orateur prend la parole à la fin d’un banquet, il y a toujours quelqu’un pour crier "plus fort". Et une petite voix pour dire "plus drôle"... Désorganiser, aussi joyeusement que possible, le lieu qui accueille son épanouissement et jouer les cartes de la mobilité et de la surprise permanente. Un monde intermédiaire sur une voix qui cherche un corps pour survivre. Il faut disloquer les visages et les corps. On entend en bande son les bombardements et les cris. Ce qui ne suffit pas à faire adhérer à cette histoire. Tout en contrastes, en nuances, mais nullement en paradoxes, comme on pourrait faussement le résumer. Le mouvement, encore et toujours.
Pour désamorcer la colère des protestataires, qui réclament la chute du régime. Avec un seul mot d’ordre à l’adresse du Président : "Va-t’en !" L’ampleur du mouvement. La bataille des chiffres. Dans la longue file d’attente de la morgue. Moi, j’ai peur tout le temps, notre cousin s’est déjà fait tuer. Certains vont lancer le mouvement, d’autres vont nous rejoindre plus tard. Chaque détail s’ajoute aux autres, la distance procède d’une lecture lente et patiente, et à la fin, l’image apparaît dans le tapis, pour reprendre la formule d’Henry James.
Ce n’est pas tout à fait le genre de la maison, mais on pourrait, une fois n’est pas coutume, rêver qu’un autre monde accompagne ce film. Un cinéma qui ne serait plus celui de la contemplation mais celui de la vitesse, de l’action et du mouvement. Cet arrêt brutal alors que nous étions sur le point de repasser à autre chose me rend triste. Corps figés, lumières blafardes, diction lente. Ils sont assis à table l’un en face de l’autre, c’est comme un fou tire à l’envers, et à peu près le seul moment de tendresse du film. S’installer dans un temps mort, quasi inerte, pour observer les faits avec précision, à l’horizontale, comme si le monde se livrait sans ciel, sans dieu, ni terre.
Do it yourself. À partir de ce simple fragment, on crée l’histoire qui ne se compose pas de dialogues mais d’un synopsis découpé en une dizaine de séquences. L’idée c’est que tout est plié en trois heures. Se montrer créatif ensemble et en tirer une certaine joie. L’idée c’est que l’énergie accumulée par un certain nombre de personnes est suffisante pour satisfaire précisément ce nombre de personnes-là. Quelque chose comme le souvenir de ce qui pourrait être perdu. Et puis le processus a fini par mettre tout le monde dans une bonne attitude.
La contagion ne sera pas uniforme. Le voyage est en soi, il commence quand on s’arrête. Les espaces de liberté pourraient progressivement s’élargir. Il y a là matière à réflexion.
Étrange de lire ces bribes de textes relevés depuis Paris dans le journal Libération du 16 février, alors qu’on passe les premiers jours de son séjour au Japon à Kyoto.