Les Napolitains aiment faire parler la poudre de leurs feux d’artifice.
Les Napolitains se hèlent de la rue au balcon, d’une maison à une autre. Et quand la parole ne suffit pas, le geste vient à la rescousse.
Les Napolitains utilisent des seaux comme monte-charge artisanal (pour monter leurs courses, faire descendre des clefs oubliées, acheter des cigarettes de contrebande, il suffit de déposer l’argent dans le seau, en échange le dealer y dispose les paquets souhaités).
Les Napolitains roulent en scooter, parfois seul, souvent à deux, toujours en pleine discussion (des bribes de leurs conversations nous entrent subrepticement dans les oreilles quand ils passent à notre hauteur), voire à trois, et plus rarement, mais ça arrive tout de même, à quatre (quand de jeunes enfants sont à bord), dans toutes les ruelles, sur les trottoirs, en contresens, et à vitesse élevée dans les quartiers piétonniers.
Les Napolitains circulent aussi en voiture. Sur la route, chacun donne sa propre interprétation du code, conduire à Naples revient à klaxonner et à se faire klaxonner. Comme le geste accompagne la parole, on ponctue sa conduite de son avertisseur avec l’idée qu’il faut que ça avance.
Les Napolitains disposent des chaises dans tous les coins de la ville, comme une invitation à rester là et discuter. La plupart du temps elles restent accrochées à une grille, un poteau, pour qu’on ne les vole pas, elles s’usent et s’abiment passant tout le temps dehors. On ne les remarque que lorsqu’elles sont vides, abandonnées. Les chaises semblent n’appartenir à personne en particulier. Un bien commun ? Mises à disposition suppléant à la carence des bancs ?
Les Napolitains annoncent la mort de leurs proches en collant des faire-parts de décès sur le mur de la ville, même s’il est clairement écrit sur de petits panneaux d’acier fichés dans les murs, juste au-dessus de ces affichettes, qu’il est interdit d’afficher : Divieto di Affissione.
Les Napolitains vivent au pied du Vésuve, dans la zone où le risque sismique est le plus élevé au monde, le volcan, porte son ombre sur eux chaque matin mais agit de loin comme une figure tutélaire de la ville. Tout l’inconscient de Naples est bâti sur le drame qui peut survenir à tout instant.
Les Napolitains sont croyants et superstitieux mélangeant allégrement profane et sacré, on trouve ainsi dans toute la ville une présence ostensible du religieux, que ce soit dans les innombrables églises, chapelles, couvents et monastères dont regorge la ville, ou dans un registre plus profane, dans les innombrables autels ou oratoires qui ornent chaque coin de rue.
Les Napolitains parlent le Napolitain, en tout cas 800.000 d’entre eux. Parler est un jeu, ça n’engage à rien qu’à parler, l’important, c’est de participer. La parole s’accompagne de gestes et de mimiques. Le verbe se porte haut.
Les Napolitains croient en Dieu, en la Vierge, en Jésus, en Padre Pio, en San Gennaro, en quelques autres saints encore, au Père Noël, au Lotto, ainsi qu’à leur équipe de football.
Les Napolitains vivent beaucoup sur le pas de leur porte, sur leurs balcons, sur leurs terrasses, dehors, à la frontière entre l’espace public et le privé. La ville devient avec eux une scène à ciel ouvert. L’espace public est privatisé par tous. Dans certains quartiers populaires, les vêtements des habitants du rez-de-chaussée sèchent sur le trottoir à la vue de tous.
Les Napolitains sont des hommes et des femmes volubiles, indisciplinés, trépidants, bruyants et passionnés.
Naples leur ressemble.