Créer à partir de textes des images conçues par le biais de l’artefact génératif DALL-E, écrire un texte en regard de ces images.
Anima Sola #12
Je veux revenir à la maison. La voiture file à travers le paysage nocturne, dans la pénombre du désert. Je disparais la nuit dans le réservoir piqueté d’étoiles. Les phares de la voiture illuminent le ruban bleu de la route. La signalisation peinte au sol scande la mesure de ses battements réguliers. Les flancs de la montagne se découvrent au rythme du véhicule, dans la succession des vallons dont la silhouette se révèle et se transforme sans cesse. Malgré la fatigue, je poursuis ma route. Je veux aller le plus loin possible. Je me dis qu’après tout ça peut être une belle expérience. J’ai trop peur de devoir m’arrêter en chemin. Tout est si aride et sec. Sur le bas-côté de la route, c’est à peine si j’ai le temps d’apercevoir la fuite des animaux apeurés par les bruits du moteur, par la lumière aveuglante des phares. Je devine qu’ils s’éloignent en courant pour se cacher dans les buissons, ils se carapatent très vite, ce ne sont que des silhouettes évasives, peut-être même des illusions, les ombres projetées de la végétation au bord de la route, accentuées et déformées par la vitesse. La fatigue également. Je me sens lasse, à bout. Les paupières lourdes. J’essaie à tout prix de garder les yeux ouverts. Il faut que je reste éveillée, que je ne sombre pas dans la somnolence. J’ai conscience que pendant quelques secondes il m’arrive parfois de fermer les yeux un court instant, au risque de perdre le contrôle du véhicule, de faire une sortie de route. À la vitesse à laquelle je roule, le moindre écart pourrait être fatale. J’imagine l’accident. La voiture se déporte légèrement sur la droite, le brutal changement de surface, passant du bitume rugueux de la route à la poussière volatile du bas-côté, la roue rebondissant sur une ornière invisible, le frôlement des arbustes épineux, des cactus, sur la carrosserie, la voiture heurte le remblai et quitte brusquement sa trajectoire. Je me réveille en sursaut. La peur me gifle et me réveille avec la virulence d’un choc électrique. Je relève brusquement la tête, me cramponne nerveusement au volant pour me rassurer. Je finis par laisser échapper un petit rire. Un rire nerveux mais néanmoins un rire bouche ouverte, un rire sonore. Je suis ailleurs, distraite. Je traverse le désert mais j’imagine une ville lointaine. J’abandonne les chemins déjà parcourus. J’attends sur une place vide. En retrait. La coïncidence me fait rire sur le moment. Le souffle coupé, je construis l’horizon en rampant. Les images se succèdent dans le désordre. Je dois les organiser pour tenter d’y voir clair. Savoir où je vais. Si je les fais défiler mentalement je risque de m’endormir à nouveau. Je dois parler à voix haute pour tromper ma solitude. Je m’emporte dans une langue morte. Je recherche la tangente qui fait voler le mystère en éclats. Les mots remplacent les images sans parvenir à coller exactement à la réalité. Ce que je dis n’est pas ce que je vois. Je glisse sur un toboggan humide de feuilles mortes. J’arrache les rares herbes entre les pavés. Les mots que je prononce me surprennent. sa voix me manque mais ses mots sont là. Je parle vite et superpose par peur de perdre le réel. J’efface une décalcomanie tremblée où prédomine un violet sale et une espèce de crépitation. Je ne m’y reconnais pas. Je disparais en eux. Les courbes des montagnes s’adoucissent à la lumière du jour naissant. La douceur des matières de la roche, leurs plis aux creux de lignes qui rappellent les rides, la surface d’une peau. Dans le bleu du ciel, l’annonce de l’arrivée prochaine. Soulagée. Je suis sensible au rythme du jour.
« Un homme est capable de dialoguer avec soi-même. Une machine aussi. »
Parole de machines, Alexei Grinbaum, humenSciences