La tentation est parfois grande d’utiliser à nouveau mon vieux Minolta et de prendre avec des photographies argentiques. Cet été, deux de mes amis, qui n’utilisent que cet appareil, m’ont communiqué leur passion pour ce mode de prises de vues. J’ai commencé à prendre des photographies ainsi avant de passer au numérique il y a une vingtaine d’années. Aujourd’hui, j’utilise principalement deux appareils, un Reflex Canon et mon iPhone.
L’heure est à l’ubiquité de l’information, des données comme des supports. L’époque est à l’immédiateté, on veut tout, tout de suite – c’est d’autant plus normal que c’est désormais possible. Il y a une époque où il fallait rester de longues heures dans une chambre noire avant de pouvoir visualiser son négatif, puis voir enfin son cliché sécher sur papier. Et si l’on n’avait pas de chambres noires, on faisait tirer ses photos chez un professionnel.
Aujourd’hui on prend sa photo d’un clic, en moins d’un instant la voici retouchée (quand on n’y ajoute pas de filtres), diffusée, partagée, aimée, commentée, critiquée, oubliée. L’application 1-Hour Photo, reprend le concept des magasins qui développaient vos photos en moins d’une heure.
Dans One Hour Photo (en français Photo Obsession), thriller psychologique de Mark Romanek, Robin Williams interprète Sy Parish, solitaire et mal à l’aise en société, employé dans un laboratoire de développement de photos d’un centre commercial. Il a l’habitude de voir défiler clients et photos de familles. Son travail est méticuleux, exempt de reproches. La vie privée de ses clients s’étale au grand jour sur sa visionneuse. L’une d’elle l’intéresse jusqu’à l’obsession : celle des Yorkin. Des parents jeunes, sans histoire, un enfant adorable, une belle maison. Sy se fait pour lui-même des doubles de chacun des arrivages. Mais, derrière les apparences d’une famille parfaite, riche et aimante, la vie des Yorkins est loin d’être aussi idyllique que Parish le croit. Quelque chose va se casser en lui lorsqu’il va s’en rendre compte.
1-Hour Photo joue sur l’attente (le temps qu’il faut avant de pouvoir consulter la photo que vous venez de prendre et qu’elle soit visible dans votre album photos). On souhaiterait pouvoir déterminer le temps d’apparition de la photo, mais l’application est assez sommaire, avec notamment un seul mode de prise de vue (vertical). Au final, la photographie est teintée d’un noir et blanc profond, contrasté, et d’un grain précieux proche de l’argentique. Bien sûr l’attente est factice, on peut très bien se passer d’une application pour attendre de regarder les photographies qu’on a prises. Mais l’expérience vaut d’être tentée même si l’on sait qu’il s’agit d’un gadget bien loin de ce qu’en dit son éditeur : « à l’heure où vous visualisez votre photo, le moment immortalisé est déjà devenu un souvenir, ce qui en change votre perception à jamais. »
J’ai testé l’application lors de notre promenade dominicale et annuelle à la Cabane Vauban de Carolles (notre Roche de Solutré familiale), une petite randonnée le long de la mer dans un cadre préservé, la vallée du Lude, avec des vues magnifiques sur la baie du Mont-Saint Michel.
Vigie postée au Nord de la Baie du Mont Saint-Michel, la cabane Vauban est un petit bâtiment de pierre avec aussi une toiture en pierre.
Et les amoureux qui se prennent en photo en cadrant dans le fond la silhouette du Mont Saint-Michel, dans combien de temps pourrais-je voir leur photo ? Je l’imagine en attendant, et celle-ci se révèle lentement en moi sans être complètement certain de voir un jour cette image.