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Un jour sans fin dans l’éternel retour

Jeudi matin, en marchant dans la rue à Melun, pensant être en retard à la réunion de services de la médiathèque à laquelle je dois assister, pressant le pas, j’avise un horodateur pour vérifier quelle heure il est. Quelques mètres plus loin, un deuxième horodateur, je vérifie à la hâte que la marche est régulière, un détail m’intrigue cependant mais je ne dois pas fléchir, je sais que si je continue au même rythme je pourrais arriver à temps, je reste concentré, un pas devant l’autre, ne pas ralentir, maintenir le rythme, la cadence. Au bout de la rue, un troisième horodateur me confirme l’incroyable situation : je suis en train de remonter le temps. Comment est-ce possible ? Envisageable ? L’heure que je lis sur chaque horloge - 8h27 - est à chaque fois différente - 8h23 - et plus j’avance dans la rue - 8h21 - plus j’avance dans le temps. Je croyais être en retard et c’est l’inverse qui se produit.



En poursuivant mon chemin vers la médiathèque, j’ai repensé avec tendresse au film Un jour sans fin d’Harold Ramis qui vient de mourir. Ce film que j’ai déjà vu plusieurs fois, ouvre la réflexion à plusieurs niveaux. Sur le temps, le quotidien et sa routine, sur la considération des autres, la tolérance, l’égoïsme et les préjugés. Un homme cynique peut devenir un héros si les circonstances le lui permettent. Mais il doit progresser humainement en découvrant que chaque personne, même la plus anonyme, a son identité, son histoire et sa raison d’être, ce qui l’amène à considérer l’autre, et à l’apprécier pour ce qu’il est, différemment de son premier regard.

Pour Nietzsche, et son concept d’éternel retour, tout individu doit chercher à mener son existence de façon à vouloir la revivre à l’identique et dans les moindres détails une infinité de fois, si cela était possible. Il s’agit d’une véritable épreuve, à laquelle Phil Connors échoue dans un premier temps. Son salut n’apparaît que lorsqu’il prend conscience que la journée qu’il a passée pourrait enfin être vécue indéfiniment sans que cela constitue une malédiction, mais au contraire une forme de bonheur suprême.

La vie n’est qu’une succession de sensations (joie, tristesse, excitation, mélancolie, colère, interrogations) qui reviennent inlassablement nous envahir, tout le temps. Au fur et à mesure que le temps passe nous devons donc apprendre à identifier ces éléments de l’éternel retour.

Lors de ma réunion de services, trouvant le temps un peu long, j’ai voulu vérifier l’heure qu’il était, impatient, jetant un œil vers le mur où pendant longtemps l’horloge indiquait une heure faussée, s’arrêtant parfois sans raison, dont il ne restait aujourd’hui que la trace ancienne de son contour. J’ai souri en repensant au film d’Harold Ramis, aux horloges et à leurs décalages temporels, dans la rue ce matin alors que j’accélérai l’allure de mon pas (comme si marcher vite pouvait agir sur la vitesse de défilement du temps et nous permettre de remonter le temps comme on remonte une montre).


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