Texte écrit à deux mains avec Caroline Diaz, dans le cadre des ateliers d’été Pousser la langue de François Bon.
pour parvenir à se raconter dehors c’est l’hiver encore le soleil de février éclabousse où se balancent les portes coupe-feu un jour sans masque il faut du temps s’esquiver à peine abandonner le groupe sous un fallacieux prétexte se retrouver tous les deux se retrouver après tant d’années se retrouver pour ne plus se quitter marcher l’un à côté de l’autre dans le silence nous quittons le bal de l’atelier vidéo dans les couloirs la lumière d’un samedi pâle et froid sentir le trouble de l’attente dans la lumière rasante de l’hiver au bout du couloir devant la porte de la salle d’art plastique du lycée de Montgeron jambes molles c’est peut-être de revenir sur les lieux comme on entre dans un secret tourner autour des évidences un jour où tout est fermé le grincement de nos pas sur le parquet le bois brut tu portes un lourd manteau de laine brune le soleil éclabousse encore chauffe le lainage tu t’es appuyé contre le mur je me suis glissée dans le manteau je me suis glissée contre toi nous sommes restés debout derrière les carreaux de la vitre dans la lumière la poussière tourbillonne dans l’air nous dansons dans le même mouvement glissant l’un vers l’autre dans l’inconnu le désir de nous retrouver nous avons fixé le noir qui nous séparait mon épais manteau marron pèse sur mes épaules nous sommes restés immobiles longtemps l’un contre l’autre dans la lumière dans février pâle nos souffles en un seul la danse se transforme en étreinte silhouette dans la montée appel d’air à chaque mouvement révolu puis dans la réserve capharnaüm un tube de gouache bleu outremer bleu Klein je veux jouer avec la couleur du tube ouvert surgit l’odeur de la couleur du bleu outremer nous attendions un nouvel ordre une nouvelle vague dans un court-circuit qui annule non seulement l’écoulement du temps mais jusqu’à son annulation même et sur tes doigts des traces de peinture je sens encore l’odeur de métal mouillé la peinture sur les doigts avons nous peints avec nos doigts je veux laver le bleu dans les toilettes pour filles en ouvrant le robinet c’est un concert de cuivres les instruments résonnent dans les toilettes nous tournons encore le robinet pour accorder les cuivres cette couleur qui deviendra la notre bleu outremer comme nouvel horizon couleur qui envahit tout autour de nous les mots les idées la moindre pensée les mains bleues sous l’eau froide la peinture s’éloigne en tourbillons sur l’email abimé j’ai soif je bois la bouche au robinet je fais mine de vouloir t’arroser avec l’eau froide qui se balade d’une joue à l’autre mais je ris alors je bois encore je m’approche de toi je fais glisser l’eau fraîche de ma bouche à la tienne nous nous embrassons tandis que dure l’ombre de la nuit son propre bonheur mains fraîches contre peaux tièdes nous sommes restés y compris et surtout l’un près de l’autre depuis