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Récit poétique à partir d’images créés par procuration

Créer à partir de textes des images conçues par le biais de l’artefact génératif DALL-E, écrire un texte en regard de ces images.


Anima Sola #6

Je me dresse en soupirant de bonheur. Dans le contrejour de cette fin de journée sur la plage, rythmée par le bruit des vagues, le ressac incessant. Je ne parviens pas à identifier la femme regardant l’horizon devant moi. Je crois la connaître mais je n’en suis pas certaine. Les traits de son visage s’effacent sous la trop forte luminosité. La chaleur fait trembler l’air, trouble transparence. Je prends conscience de l’impression de douleur causée par cette perte. Je ne peux plus essayer de dormir, je ne peux pas fermer les yeux. J’ai peur de tout oublier. J’effleure son bras valide pour vérifier quelque chose. S’il résiste, s’il s’agite, j’existe. Si je le touche, il me caresse. Si je l’attrape, il m’agrippe. Si je l’embrasse, il m’enserre. Je sens l’eau de la mer sur ma peau. Le soleil en ravive l’odeur ambrée. Les grains de sable sur la peau, le frisson sous l’air chaud. Le mouvement répété des vagues, la mer étincelante, semblent m’envoyer des signes. Des appels secrets et mystérieux. Suis-je la seule à les percevoir ? À en saisir le sens ? Ces gestes discrets dont on ne perçoit sur le moment ce qu’ils veulent dire. Traces évanescentes. Des cicatrices ? L’image de la vague se déplace dans le monde, elle vibre telle une onde sur une tonalité parallèle. Je finis dans un matelas de sable et d’eau. Je ne peux pas relier un grain de sable à l’autre. C’est impossible. Pourtant cela forme un ensemble. Elle me disait : Regarde bien la mer et l’horizon. Imagine une vie sans mer et sans horizon. Et s’il y a des vagues, parce qu’il y a des vagues, il y aura toujours des vagues, et s’il y a des vagues à la mer, on appellera les nageurs, alors les nageurs verront que la mer est basse. Son rythme et sa manière. Ses traits et ses traces. Dans l’éclat de l’argent, du sable humide. Quelques grains sur ma peau, à moins qu’il s’agisse de gouttes d’eau, de la sueur saline s’alliant au sel de mer. Est-ce qu’il reste quelque chose de moi lorsque je m’éloigne ? Les traces de mes pas sur le sable laissent-ils des marques plus profondes que celles que j’imagine ? Le sable qui glisse entre mes doigts, combien de temps prend il pour inverser son cours ? Puis-je me mesurer à lui ? Lorsque je ferme les yeux, est-ce que le monde s’arrête de tourner ? Est-ce que tout disparaît comme en dehors de moi ? Si la mer monte est-ce que je dois parler à voix basse ? Est-ce que tu reviendras ? Traces du mouvement de l’eau sur la laisse de mer. Dans les plis de ses soubresauts. Les lignes de partage se dessinent tendrement. Les glissements incertains. Irréguliers. Avec le temps. Je me laisse submerger par l’éclat lustré, par la tension légère de ce jour à peine commencé qui finit déjà. Plusieurs jours en un. La tête contre son épaule, je me laisse aller. Signe de tendresse et d’abandon. Complicité ravie. Je me sens soulagée. Dans l’air du soir, la mer devient grise et scintillante. Elle aveugle celui qui la fixe trop longtemps. Il faut savoir baisser les yeux. Je pense à une image transparente contre l’ombre bleutée des fenêtres. Je crois que c’est soudain comme un vent, une liberté qui nous prend par la main. Dans un souffle. Un léger frisson. Sur le front de mer, la nuit tombée, les maisons se détachent à l’horizon. Découpes de dentelles noires. Frise chronologique. Je longe le sentier dans les ténèbres.

« Au fil des années, le Web est devenu le territoire liminal de nos mémoires, là où une autre humanité, qui n’existe plus que sous forme de traces spectrales, poursuit son chemin jusqu’au point où les réseaux récursifs de neurones s’en alimentent pour produire des mémoires de mémoires, des textes des textes, des images d’images, réitérant nos productions culturelles non pour les répéter à l’identique mais pour les différer. »

Gregory Chatonsky, Intelligence Artificielle et extinction, AOC


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