La semaine dernière, en me rendant rue de l’Université pour mon atelier d’écriture avec les élèves de Sciences Po, j’ai fait un petit détour par la rue de Verneuil et j’ai pris cette photographie du mur de l’ancienne maison de Serge Gainsbourg.
En réaction à la diffusion de cette photographie, le photographe Yannick Vallet m’envoie une photographie de la rue de Verneuil, provenant de sa série Un jour, en France l’année dernière en me disant : avant c’était comme ça : Chez Serge (diptyque).
Et comme je lui faisais remarquer que chaque fois que je passe rue de Verneuil, je vois le graffiti du mur de l’hôtel particulier de Serge Gainsbourg changer, et que j’espérais que quelqu’un en garde la trace palimpseste, il m’a fait parvenir le lien du film d’Arnaud Jourdain, sorte de voyage dans le temps à travers les superpositions de graffitis entre 2005 et 2009. :
Les graffitis des fans effacés de Serge Gainsbourg :
Le 1er juillet, la façade pleine de graffitis en hommage au chanteur, a été entièrement repeinte.
La famille de l’artiste a décidé de rénover la maison. Et ces travaux ont commencé par la peinture des murs de la façade en blanc, effaçant du même coup les dessins, paroles de chansons, déclarations d’amour ou témoignages nostalgiques qui recouvraient le mur. La demeure n’avait pas été entretenue depuis très longtemps. Mais si la perspective d’ouvrir le lieu aux visites avaient été envisagé, cela n’est plus d’actualité pour le moment.
Mardi dernier, je suis allé visiter les entrepôts de la chambre de commerce de Paris à Pantin, au bord du Canal de l’Ourcq. Le bâtiment, que j’avais déjà photographié l’année dernière, est à l’abandon depuis de nombreuses années, est recouvert de graffitis. Accédant par le seul escalier à près de 30 mètres de hauteur, au 4e étage, on peut découvrir une trame très simple de poteaux et de poutres dont les murs accueillent aujourd’hui les œuvres des graffeurs qui ont pris possession des lieux désaffectés. De larges baies permettent d’admirer les vues proches et lointaines sur la ville.
Comme nous le rappelle la guide qui fait la visite du bâtiment, dans le cadre des Journées européennes du patrimoine, les entrepôts de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris (CCIP), parfois nommés Magasins
Généraux, s’installent sur les rives du canal de l’Ourcq en 1929 après l’élargissement du canal pour la création du port de Pantin. La plate-forme portuaire est constituée du remblai de l’ancien lit du canal. Le site se composait, à l’origine, de deux entrepôts monumentaux en ciment armé situés du même côté du canal. Certains ont été détruits par un violent incendie en juin 1995.
Chaque étage desservi par des coursives extérieures, présente une hauteur différente selon la fonction des plateaux et les surcharges admissibles. la taille des poteaux décroît, quant à elle, à mesure qu’on s’élève comme s’il s’agissait d’exprimer la transmission des efforts et des surcharges dans le squelette de l’édifice. En façade, l’effet produit est singulier puisqu’à chaque niveau la section des poteaux change laissant au dernier étage davantage de place aux éléments de remplissage en briques polychromes et aux surfaces vitrées.
Les entrepôts de la CCIP à Pantin cessent peu à peu leur activité aux débuts des années 2000. Rachetés par la commune de Pantin, les magasins de béton seront transformés, sur un étage, en bureaux pour une grande agence de publicité BETC, et deviendront, selon l’architecte Frédéric Jung, en charge de la reconversion du bâtiment, la figure de proue d’un nouveau quartier de Pantin, cherchant à lancer une nouvelle dynamique urbaine le long du canal.
Si l’on en croit le document de L’Ourcq en mouvement, le Service de la Coopération Territoriale de la Seine-Saint-Denis et de la Mairie de Paris Mémoires du canal et des territoires - Seine-Saint-Denis : Comment reconstruire les territoires du canal en se
réappropriant le passé tout en valorisant le patrimoine industriel : Le projet envisage de conserver le socle du bâtiment pour y implanter des commerces, de grandes salles d’exposition une salle de spectacle, ainsi que le restaurant d’entreprise et les locaux de production et tournage.
La « peau » de tags qui s’est progressivement créée ne pourra en revanche être conservée, en dépit de son intérêt. Il faudrait cependant trouver comment en conserver la mémoire.
Le paradis des graffeurs vit ses dernières heures, selon Le Parisien.
À Pantin, des graffeurs signent la métamorphose de l’ancien entrepôt.
L’année dernière, lorsque nous sommes allés en famille à New York, nous avions été visiter le 5 Pointz. Depuis 20 ans, ce lieu extraordinaire est un espace d’exposition d’art urbain en plein air dans le Queens, à New York. 5 Pointz est un peu la la Mecque du graffiti, où les artistes les plus variés réalisent des œuvres hautes en couleurs sur les murs d’un bâtiment d’une usine de 20 000 m².
Mais j’ai lu récemment que le 5 Pointz, le temple du graffiti à New York, risque de disparaître très prochainement lui aussi.
Très bientôt en effet, les artistes ne pourront plus y utiliser leurs bombes aérosols. Après avoir été autorisés depuis 1993 sur les murs du bâtiment, le propriétaire de l’immeuble prévoit de le démolir d’ici la fin de l’année pour y faire construire deux tours de grande taille pour y aménager des logements. Bien que les promoteurs se sont engagés à préserver une place pour des œuvres de street art dans les nouveaux bâtiments, les artistes répondent qu’ils n’accepteront pas n’importe quel espace. La BBC a rencontré les artistes et les promoteurs qui s’opposent autour du lieu et de son avenir.
L’art urbain est un art éphémère qui reflète parfaitement l’esprit de son temps. Né de la volonté d’expression d’une génération pour laquelle se rendre visible au plus grand nombre, laisser sa signature visuelle, quitte à s’affranchir des lois et des règles communes, c’est exister et faire société. C’est également faire la ville, la dessiner et la révéler dans son palimpseste, cette création qui se construit par destruction et reconstruction successive, en dénonçant au passage l’ultralibéralisme de nos sociétés, la ville laissé à l’abandon par le néolibéralisme lorsqu’il prône la déréglementation des marchés et la disparition progressive, partielle ou totale, des services publics au profit du secteur privé.