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Rythm is it vs. Rêves dansants

Hier soir je découvre sur Arte le documentaire Rythm is it d’Enrique Sánchez Lansch et Thomas Grube. Le chef d’orchestre du Philharmonique de Berlin sir Simon Rattle s’est lancé en 2003 dans une expérience inédite : diriger Le Sacre du Printemps d’Igor Stravinski, en contrebas d’une scène où évoluent 250 jeunes danseurs de 6 à 20 ans.

Sous la houlette de leur professeur, des adolescents à la vie chaotique répètent cette chorégraphie afin de danser ce ballet sous la direction énergique de l’Anglais Royston Maldoom.

Le film suit l’élaboration du projet, au fil des répétitions. L’occasion de voir sir Simon Rattle, vibrant d’énergie, tenant de retrouver avec ses musiciens la force et la pulsation primitives de l’œuvre de Stravinski [1].

« À l’école, pour jouer au foot, on tapait dans un ballon. En dessin, malgré mon horrible prof, on dessinait et on peignait. Mais en musique, on nous disait : « Écoutez sans rien faire. » Et j’ai toujours trouvé ça anormal », témoigne le chef d’orchestre. Persuadé que la musique classique appartient à tout le monde et pas seulement aux « hommes d’affaires et à leurs épouses. »

Aujourd’hui je vais voir en famille, avec ma femme et mes deux filles Nina et Alice qui aiment danser, le film Rêves dansants : sur les pas de Pina Bausch d’Anne Linsel et Rainer Hoffmann.

Pièce phare des débuts de la chorégraphe Pina Bausch : Kontakthof, créée en 1978, expose l’âpre relation entre les hommes et les femmes, la quête de l’amour et de la tendresse. En l’an 2000, Pina Bausch la transmet à des hommes et des femmes d’âge mûr, faisant apparaître d’autres vérités des corps marqués ou délaissés. En 2008, elle la confie à de jeunes danseurs, originaires de Wuppertal, ville où elle a monté sa compagnie, le Tanztheater, en 1973.

« Kontakthof est un lieu où l’on se rencontre pour lier des contacts, disait Pina Bausch de sa pièce. Se montrer. Se défendre. Avec ses peurs. Avec ses ardeurs. Déceptions. Désespoirs. Premières expériences. Premières tentatives. De la tendresse, et de ce qu’elle peut faire naître. »

Dans un décor immense, une grande salle de bal fanée, quasi vide, un piano, des chaises et une large vitre, des danseurs rejouent les rapports de séduction, l’hypocrisie des sentiments aussi.

Les réalisateurs Anne Linsel (qui est proche de la chorégraphe depuis son installation au Tanztheater de Wuppertal) et Rainer Hoffmann suivent avec bonheur, des premières répétitions à la représentation finale, l’évolution de ces adolescents âgés de quatorze à dix-huit ans, tous issus de milieux différents, danseurs singuliers qui n’avaient, pour la plupart, jamais dansé. Le film est l’histoire de leur rencontre avec la danse, mais va bien au-delà.

Comment appréhender la danse quand on n’en a jamais fait ou que l’on n’est pas très bien dans son corps, timide, mal à l’aide dans sa vie, et que l’on est pas du tout familier avec le corps des autres en mouvement avec eux ? Les corps se cherchent, se cajolent, se consolent, se déshabillent. La danse de Pina Bausch, ce n’est ni masculin ni féminin. Diagonales vertigineuses, solitudes atroces, rondes poignantes, duos féroces. Les mains palpent, caressent, frappent, les jambes traînent, frottent, courent, la vie va, le temps passe, la danse s’envole et nous délivre.

On découvre Joy, mal assurée, un peu déséquilibrée, si frêle mais tellement élégante, qui glisse sur le sol. Joy perdue dans « cette terre inconnue » qu’est la danse comme elle l’avoue, qui « perd le mouvement », comme lui dit Jo Ann Endicott qui tenait le rôle titre de la création de Pina Bausch, Kontakthof, il y a 30 ans. Aujourd’hui répétitrice, elle guide Joy et une quarantaine de jeunes gens pour remonter cette pièce.

On admire le sourire radieux de Kim, les joues de l’enfance, son regard mutin et son rire grave qu’elle a un peu de mal à faire sortir, réservée et désorientée quand elle doit s’élancer en courant dans une ronde effrénée sur les planches de la salle de répétition, main dans la main avec Jo, dans un même élan et un cri unique.

On est attendri par l’hésitation timide et la délicate maladresse avec laquelle Marina fait lentement glisser sa robe et dévoiler une épaule dans son duo d’effeuillage, émouvante, ses yeux fuyant de part et d’autre.

Ce film est un très bel hommage à la danse, un portrait en creux de Pina Bausch, filmée simplement en toute humilité. Les sentiments dansent. Ici se joue le théâtre de l’amour et de la mort. De la danse et de ce qu’elle peut faire naître en nous.


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