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Sentiment de suspension propice au retour sur soi-même

Lucien Suel est un écrivain tendance post-dada, poète beat, poète à contraintes (avec ses poèmes justifiés et ses poèmes express), romancier, blogueur, épistolier, collagiste, musicien, jardinier, buveur de bière, grand lecteur, performeur, mais avant tout poète.

William Brown, Approaching Storm, Guarbecque 1.

Ses œuvres imprimées tout comme ses prestations scéniques couvrent un large registre, qui vont des coulées verbales beat à l’expérimentation de formes arithmogrammatiques (poèmes composés de lignes à nombre de caractères typographiques égal), du collage et du caviardage (poèmes express) à la performance notamment avec le groupe de rock Potchük.

Chaque livre doit surprendre, se distinguer des autres, être le même et pareillement.

Couverture "Théorie des nuages" de Lucien Suel sur Publie.net

On retrouve donc sur Publie.net, Théorie des Orage , qui avait été publié par Pierre Courtaud dans la collection La Main Courante, en 1998.

William Brown, Approaching Storm, Guarbecque 2.

« Ma poésie vient du vide avide vibrant dans ma tubulure corporelle. Et c’est l’enveloppe superficielle de ce tuyau qui accepte les chocs, les frictions, les agressions, les informations, les caresses, le bruit et l’odeur. Cosmos miniaturisé, un infini dans l’infini. »

Irrévérencieuse et ludique, son écriture et ses expressions empruntent des chemins multiples, burlesques

« D’abord, le ciel du Nord, écrit François Bon dans sa présentation sur Publie.net. Ce Pas-de-Calais où, entre mines et usines, la dureté de vivre est plus à nu. Lucien Suel est des voix de là-bas, de ceux qui arpentent la poésie à voix haute, mêlant l’expérience Internet aux performances et musiques.

Mais toujours, sous les mots qui s’assemblent ici en semblance de la bascule du temps, accumulations noires, et ce sentiment de suspension propice au retour sur soi-même, l’ancrage est perceptible : le canal qu’on distingue sur les deux toiles Approaching Storm de William Brown qui accompagnent le texte, c’est là qu’est né Suel, là qu’il vit toujours. »

Canal d’Aire à Guarbecque

Pêle-mêle d’extraits du livre et de mon journal de lecture :

« J’avance en tâtonnant sur la courbure de l’espace-temps. »

Il fait froid. Le ciel s’ouvre, sa déchirure bleue. Il faudrait d’abord que l’espace-temps s’ouvre, car c’est dans le temps qu’on place un mot dans l’espace.

« L’humble jardinier est sans doute aussi éloigné que le conducteur de cet endroit où l’espace devient le temps, de cette expansion où le temps devient l’espace. »

Une manière quand même de figer l’espace en bloc.

« Le temps et l’espace sont autre chose qu’un pas de deux. Au centre de leurs caractéristiques réciproques, se love l’infinité d’un univers sans bord qui n’a ni commencement, ni fin sur l’axe du temps imaginaire dans une région à multiples dimensions. »

Cette rumeur transmissible à l’infinité dans les deux directions.

« Le papier condense la chaleur dans la texture de ses fibres. »

« Le papier condense la valeur dans le glacis des lignes. »

« La parole s’envole ; l’écrit crépite. »

« C’est une ellipse de l’infini. Nous sommes sortis de cette imagination. »

Apprendre à s’émerveiller corps et âme et phrase à phrase du moment. Il appelle ça l’épiphanie.

« Le récit impose sa règle de fer, sa structure idéale. La seule concession possible est l’usage privé du lavabo en lieu et place du bain de ménage. Il ne sert à rien de compiler le rituel du sens, de compliquer sans raison l’état initial. C’est à la fin du conte que l’opération se solde. Le héros a perdu sa langue dans la chute de l’histoire, une mauvaise chute. Il ne lui reste plus qu’à prendre la vie par les oreilles en tournant les yeux vers le plafond constellé de gouttes. »

Tourner la page. Par concrétion ce trajet dans le temps et dans l’espace. Une ellipse bouclée dans laquelle une histoire soit racontée et que les bouts des fils soient disposés et tiennent comme si l’air recommençait une autre histoire, encore une. D’autres mots viennent ouvrir les lieux inconnus à j’entre jusqu’à la nuit.

« Ma poésie vient du vide avide vibrant dans ma tubulure corporelle. Et c’est l’enveloppe superficielle de ce tuyau qui accepte les chocs, les frictions, les agressions, les informations, les caresses, le bruit et l’odeur. Cosmos miniaturisé, un infini dans l’infini. »

Le temps est d’un gris fatigué, d’une lucidité lasse, d’une pâleur qui permet de distinguer précisément des objectifs qu’on n’atteindra jamais. Pour qui aime l’expérimentation et le bruit des mots qui s’entrechoquent. A chaque mot qui arrive, tu entres en même temps dans le monde et le vide. L’équilibre d’un jour dans la parole qui tourne.

Deux ateliers d’écriture élaborés à partir de textes de Lucien Suel :

Coupe Carotte, éditions Derrière la Salle de Bain, 2002. Visions d’un jardin ordinaire (poèmes et photographies), Lucien et Josiane Suel, Marais du Livre, 2004.


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