J’ai une longue histoire de lecture (et d’écriture) avec le livre de Marcel Proust, À la recherche du temps perdu, j’ai donc suivi avec grand intérêt de la travail artistique de Véronique Aubouy autour de l’œuvre de Proust, Proust lu tout d’abord (enregistrant une lecture dans l’ascenseur du Centre Georges Pompidou, quel souvenir !), puis Le baiser de la matrice. Véronique Aubouy relance le second projet pour le clore enfin :
Le Baiser de la Matrice fonctionne depuis 853 jours, 2433 pages (sur 3424) ont été lues, soit 71,06% de la Recherche, Par 972 lecteurs différents, La durée intégrale du film est à ce jour de 128 heures 48 min et 11 sec, Mais sur 2357 inscrits, 1385 n’ont pas encore lu leur page !!!
« Néanmoins 71,06%, cela signifie que nous approchons d’un dénouement... Afin de fêter dignement cette fin du Baiser de la Matrice, je propose à ceux qui l’ont déjà fait de recommencer cette expérience, et à ceux qui se sont inscrits de se lancer enfin... Avec cette idée de terminer l’œuvre, que dans chaque plan, on sente - comme on sent dans les dernières pages de La Recherche la jubilation du Narrateur qui a trouvé son roman - une joie et une envie de finir en beauté ! Cela peut se traduire en images, en mots. Soyez libres et joyeux, profitez de cet espace de partage festif qu’est devenu ce livre lu par vous tous. »
C’est l’occasion rêvée de réunir l’ensemble des textes écrits autour de ce passionnant travail sur la lecture qui s’inscrit, comme j’aime, dans le temps et au cœur même du texte, mais avec d’autres moyens que l’écrit.
Proust lu, par Véronique Aubouy
« Les lectures, par exemple, c’est extraordinaire, déclare Jean-Luc Godard en 1967. Finalement, je crois que ce qu’il y a de plus extraordinaire à filmer, ce sont des gens qui lisent. Pourquoi aucun cinéaste ne le fait-il ? Filmer quelqu’un en train de lire, ce serait déjà beaucoup plus intéressant que la majorité des films qui se font. Et pourquoi ne ferait-on pas ça à la télévision, maintenant surtout qu’on ne lit plus du tout. »
« Je fais lire À la Recherche du Temps perdu devant ma caméra depuis le 20 octobre 1993, précise-t-elle sur son site. C’est une action et une situation propre à ma vie. Tous les mots de ’’La Recherche’’ sont lus à voix haute devant ma caméra. Il faudra des dizaines d’années pour tous les enregistrer. Un engagement pour la vie. Je filme des personnes de tous horizons, de toutes générations. En tous lieux et à toutes saisons. Les lecteurs lisent dans l’ordre. Le choix des lecteurs se fait au gré de rencontres, de voyages, de recommandations. Et il y a mes proches. Ce film est aussi une autobiographie. Chaque lecteur est libre de se mettre en scène. Chaque lecture (environ deux pages) est un portrait. Celui que je filme prête son visage et sa voix au narrateur qui n’en a pas. Un télescopage entre l’écrit et l’oral. Par le rythme de sa lecture, par les pauses qu’il marque, il dévoile un temps qui lui est propre. Un temps qui le définit comme personne. Proust Lu est une somme d’actions et de mémoire. Dans la répétition ad vitam de ce geste (appuyer sur le bouton record, geste fait à ce jour 602 fois), se trouve mon temps à moi. Je décline cette action comme on respire, comme on mange. C’est plus une liberté qu’une utopie, c’est me prouver que cette œuvre est une œuvre impossible. Ce qui anime ce travail, comme ce qui animait Proust, c’est la conscience d’une aliénation. Encore 30 ans pour en avoir fini. Je rêve du jour à je n’y arriverai pas... »
Véronique Aubouy s’engage à répondre dès que possible et à envisager un tournage en fonction de ses disponibilités et de la faisabilité géographique de la proposition des lecteurs volontaires.
Ce projet Proust lu est aussi régulièrement diffusé dans des durées de film qui augmentent toujours poursuivant ainsi son statut de word in progress.
Les lecteurs apparaissent comme autant de personnages inédits de ce livre-monde qu’est La Recherche du Temps perdu. Il faut les imaginer à la fin du projet, fantômes d’un univers dans lequel ils se sont peu à peu inscrits, grâce à la persévérance de Véronique Aubouy, qui les filme inlassablement, en des lieux très divers, avec la même richesse de paysages au fond que celle de La Recherche. Faire un film proustien sur la sensation et le temps, sur la mémoire, ce n’est pas faire de la littérature, ni même devenir écrivain, mais pouvoir vivre une relation avec cet auteur si singulier. Si l’on résume parfois le livre de Proust ainsi : Marcel devient écrivain alors peut-être peut-on dire de Proust lu de Véronique Aubouy, en convoquant au passage la mémoire de Raymond Queneau, que c’est en lisant que l’on devient liseron.
Il y a quelques mois j’évoquais le projet de Véronique Aubouy, filmer des lecteurs lisant à haute voix quelques pages d’ À la Recherche du temps perdu : Proust lu. Véronique Aubouy récidive en lançant un nouveau projet baptisé d’un beau titre énigmatique : Le baiser de la matrice.
Avec Le Baiser de la Matrice Véronique Aubouy propose à plus de 3000 personnes du monde entier de lire devant leur webcam une page de À la Recherche du temps perdu de Marcel Proust. Au terme de cette expérience, tous les mots de la Recherche auront été lus en français, par des personnes de tous horizons, en un film de 170 heures environ. Le tournage se déroulera en direct sur Internet à partir du 27 Septembre 2008. Il est ouvert à tous. Pour y participer, il suffit simplement de
s’inscrire sur le site mais vous pouvez aussi inviter vos amis et connaissances à tenter l’aventure du Baiser de la Matrice.
À ce propos, le réseau social Facebook, à la réalisatrice a créé un groupe sur le projet
, caché sous les traits d’ ‚Émilie Daltier, pourrait être un bon moyen pour une plus large diffusion de son vaste projet. À ce jour : 490 inscrits seulement.
La lecture sera visible en direct ou en différé sur le site Internet, ainsi qu’au Théâtre Paris-Villette pendant le temps du tournage.
Proust lu et Le Baiser de la Matrice, Proust Lu sur Internet sont des projets qui mettent en œuvre la participation de lecteurs, chargés chacun de lire une page de À la Recherche du temps perdu. Lire l’intégralité de cette œuvre en un minimum de temps et avec un maximum de voix : c’est le projet que Véronique Aubouy a conçu avec Le Baiser de la Matrice, web-tournage d’une lecture collective et mondiale, ouverte à tous les internautes francophones dotés d’un micro et d’une webcam. Le web-tournage se déroule en direct sur Internet à partir du 27 septembre 2008 et à l’Hôtel d’Albret pendant la nuit blanche de 19h à 7h.
Je découvre aujourd’hui un autre projet passionnant sur l’ouvrage de Proust : In search of lost times, vidéo de Rebecca Bournigault visible à la Galerie Frédéric Giroux, du 18 octobre au 29 novembre 2008.
La vidéo d’une durée de 60 heures montre un jeune homme lisant un livre À La recherche du temps perdu en temps réel. Le tournage a duré près de quatre mois, mais Rebecca Bournigault n’a choisi de filmer que les moments de lecture, laissant le reste du temps invisible. Cependant, c’est bien quatre mois de la vie d’un homme que l’on peut voir. Comme le narrateur, Rebecca Bournigault nous fait voir ce qu’elle a vu. Ainsi en plaçant le temps au centre de l’œuvre, Rebecca Bournigault redéfini le rapport que l’on a avec la vidéo contemporaine : la longueur, l’attention, la visibilité‚ Ce rapport au temps est aussi une façon de revenir à l’un de ses sujets de prédilection qui est le rapport aux autres. L’homme qui lit n’est pas hors du monde, au contraire, il est un acteur de la vie ‚ on le voit chez lui, dans la rue, dans un café, dans un jardin, et se sont à la fois ses gestes et son regard qui font exister les autres. La vidéo passera en boucle tous les jours pendant la durée de l’exposition ce qui suppose qu’à moins de venir tous les jours pendant plusieurs jours, le visiteur n’en verra lors de son passage qu’une partie. En s’émancipant de l’idée de la durée Rebecca Bournigault a voulu que le spectateur devienne libre de rester ou de partir, de regarder ou de voir, de quitter puis de revenir.
Mes lectures de Proust pour Le Baiser de la Matrice :
Lecture d’une page de Du Côté de chez Swann de Marcel Proust Page 198 / Tome 1
« Je ne savais pas la raison du plaisir que j’avais eu à les apercevoir à l’horizon et l’obligation de chercher à découvrir Cette raison me semblait bien pénible ; j’avais envie de garder en réserve dans ma tête ces lignes remuantes au soleil et de n’y plus penser maintenant. Et il est probable que si je l’avais fait, les deux clochers seraient allés à jamais rejoindre tant d’arbres, de toits, de parfums, de sons, que j’avais distingués des autres à cause de ce plaisir obscur qu’ils m’avaient procuré et que je n’ai jamais approfondi. Je descendis causer avec mes parents en attendant le docteur. Puis nous repartîmes, je repris ma place sur le siège, je tournai la tête pour voir encore les clochers qu’un peu plus tard, j’aperçus une dernière fois au tournant d’un chemin. Le cocher, qui ne semblait pas disposé à causer, ayant à peine répondu à mes propos, force me fut, faute d’autre compagnie, de me rabattre sur celle de moi-même et d’essayer de me rappeler mes clochers. Bientôt leurs lignes et leurs surfaces ensoleillées, comme si elles avaient été une sorte d’écorce, se déchirèrent, un peu de ce qui m’était caché en elles m’apparut, j’eus une pensée qui n’existait pas pour moi l’instant avant, qui se formula en mots dans ma tête, et le plaisir que m’avait fait tout à l’heure éprouver leur vue s’en trouva tellement accru que, pris d’une sorte d’ivresse, je ne pus plus penser à autre chose. A ce moment et comme nous étions déjà loin de Martinville en tournant la tête je les aperçus de nouveau, tout noirs Cette fois, car le soleil était déjà couché. Par moments les tournants du chemin me les dérobaient, puis ils se montrèrent une dernière fois et enfin je ne les vis plus. Sans me dire que ce qui était caché derrière les clochers de Martinville devait être quelque chose d’analogue à une jolie phrase, puisque c’était sous la forme de mots qui me faisaient plaisir, que cela m’était apparu, demandant un crayon et du papier au docteur, je composai malgré les cahots de la voiture, pour soulager ma conscience et obéir à mon enthousiasme, le petit morceau suivant que j’ai retrouvé depuis et auquel je n’ai eu à faire subir que peu de changements : Seuls, s’élevant du niveau de la plaine et comme perdus en rase campagne, montaient vers le ciel les deux clochers de Martinville. »
Lecture d’une page de Le Côté de Guermantes de Marcel Proust Page 1434 / Tome 3
« Teigne ? glissa à mon oreille Albertine, me laissant charmé par la vivacité familière avec laquelle, me prenant à la fois pour maître et pour complice, elle insinua Cette affirmation psychologique dans le ton interrogatif d’une question grammaticale. Quand Françoise fut sortie de la chambre et Albertine rassise sur mon lit : Savez-vous ce dont j’ai peur, lui dis-je, c’est que si nous continuons comme cela, je ne puisse pas m’empêcher de vous embrasser. Ce serait un beau malheur. Je n’obéis pas tout de suite à Cette invitation, un autre l’eût même pu trouver superflue, car Albertine avait une prononciation si charnelle et si douce que, rien qu’en vous parlant, elle semblait vous embrasser. Une parole d’elle était une faveur, et sa conversation vous couvrait de baisers. Et pourtant elle m’était bien agréable, Cette invitation. Elle me l’eût été même d’une autre jolie fille du même âge ; mais qu’Albertine me fût maintenant si facile, cela me causait plus que du plaisir, une confrontation d’images empreintes de beauté. Je me rappelais Albertine d’abord devant la plage, presque peinte sur le fond de la mer, n’ayant pas pour moi une existence plus réelle que ces visions de théâtre, à on ne sait pas si on a affaire à l’actrice qui est censée apparaître, à une figurante qui la double à ce moment-là, ou à une simple projection. Puis la femme vraie s’était détachée du faisceau lumineux, elle était venue à moi, mais simplement pour que je pusse m’apercevoir qu’elle n’avait nullement, dans le monde réel, Cette facilité amoureuse qu’on lui supposait empreinte dans le tableau magique. J’avais appris qu’il n’était pas possible de la toucher, de l’embrasser, qu’on pouvait seulement causer avec elle, que pour moi elle n’était pas plus une femme que des raisins de jade, décoration incomestible des tables d’autrefois, ne sont des raisins. Et voici que dans un troisième plan elle m’apparaissait, réelle comme dans la seconde connaissance que j’avais eue d’elle, mais facile comme dans la première ; facile, et d’autant plus délicieusement que j’avais cru si longtemps qu’elle ne l’était pas. »
Lecture d’une page de Sodome et Gomorrhe de Marcel Proust Page 1706 / Tome 1
« Personne d’ailleurs, dans le café à ils ont leur table, ne sait quelle est Cette réunion, si c’est celle d’une société de pêche, des secrétaires de rédaction, ou des enfants de l’Indre, tant leur tenue est correcte, leur air réservé et froid, et tant ils n’osent regarder qu’à la dérobée les jeunes gens à la mode, les jeunes lions qui, à quelques mètres plus loin, font grand bruit de leurs maîtresses, et parmi lesquels ceux qui les admirent sans oser lever les yeux apprendront seulement vingt ans plus tard, quand les uns seront à la veille d’entrer dans une académie et les autres de vieux hommes de cercle, que le plus séduisant, maintenant un gros et grisonnant Charlus, était en réalité pareil à eux, mais ailleurs, dans un autre monde, sous d’autres symboles extérieurs, avec des signes étrangers, dont la différence les a induits en erreur. Mais les groupements sont plus ou moins avancés ; et comme l’Union des gauches diffère de la Fédération socialiste et telle société de musique Mendelssohnienne de la Schola Cantorum, certains soirs, à une autre table, il y a des extrémistes qui laissent passer un bracelet sous leur manchette, parfois un collier dans l’évasement de leur col, forcent par leurs regards insistants, leurs gloussements, leurs rires, leurs caresses entre eux, une bande de collégiens à s’enfuir au plus vite, et sont servis, avec une politesse sous laquelle couve l’indignation, par un garçon qui, comme les soirs à il sert les dreyfusards, aurait plaisir à aller chercher la police s’il n’avait avantage à empocher les pourboires. C’est à ces organisations professionnelles que l’esprit oppose le goût des solitaires, et sans trop d’artifices d’une part, puisqu’il ne fait en cela qu’imiter les solitaires eux-mêmes qui croient que rien ne diffère plus du vice organisé que ce qui leur paraît à eux un amour incompris, avec quelque artifice toutefois, car ces différentes classes répondent, tout autant qu’à des types physiologiques divers, à des moments successifs d’une évolution pathologique ou seulement sociale. »
Lecture d’une page de La Prisonnière de Marcel Proust Page 2696 / Tome 5
« Seulement, maintenant encore, je m’imaginais que le souvenir que je garderais d’elle serait Comme sorte de vibration, prolongée par une pédale, de la dernière minute de notre séparation. Aussi je tenais à choisir une minute douce, afin que ce fût elle qui continuât à vibrer en moi. Il ne fallait pas être trop difficile, attendre trop, il fallait être sage. Et pourtant, ayant tant attendu, ce serait folie de ne pas attendre quelques jours de plus, jusqu’à ce qu’une minute acceptable se présentât, plutôt que de risquer de la voir partir avec Cette même révolte que j’avais autrefois quand maman s’éloignait de mon lit sans me redire bonsoir, ou quand elle me disait adieu à la gare. À tout hasard, je multipliais les gentillesses que je pouvais lui faire. Pour les robes de Fortuny, nous nous étions enfin décidés pour une bleu et or doublée de rose, qui venait d’être terminée. Et j’avais commandé tout de même les cinq auxquelles elle avait renoncé avec regret, par préférence pour celle-là. Pourtant, à la venue du printemps, deux mois ayant passé depuis ce que m’avait dit sa tante, je me laissai emporter par la colère, un soir. C’était justement celui à Albertine avait revêtu pour la première fois la robe de chambre bleu et or de Fortuny qui, en m’évoquant Venise, me faisait plus sentir encore ce que je sacrifiais pour elle, qui ne m’en savait aucun gré. Si je n’avais jamais vu Venise, j’en rêvais sans cesse, depuis ces vacances de Pâques qu’encore enfant j’avais dû y passer, et plus anciennement encore, par les gravures de Titien et les photographies de Giotto que Swann m’avait jadis données à Combray. La robe de Fortuny que portait ce soir-là Albertine me semblait comme l’ombre tentatrice de Cette invisible Venise. Elle était envahie d’ornementation arabe, comme les palais de Venise dissimulés à la façon des sultanes derrière un voile ajouré de pierres, comme les reliures de la Bibliothèque Ambrosienne, comme les colonnes desquelles les oiseaux orientaux qui signifient alternativement la mort et la vie, se répétaient dans le miroitement de l’étoffe, d’un bleu profond qui, au fur et à mesure que mon regard s’y avançait, se changeait en or malléable par ces mêmes transmutations qui, devant la gondole qui s’avance, changent en métal flamboyant l’azur du grand canal. »
Lecture d’une page du Temps retrouvé de Marcel Proust - Lecture : Page 3191 / Tome 7->http://www.lebaiserdelamatrice.fr/]
Moi qui me doutais à Cette croix avait été oubliée (cependant si Saint-Loup s’était distrait ce soir-là de Cette manière, ce n’était qu’en attendant, car repris du désir de revoir Morel, il avait usé de toutes ses relations militaires pour savoir dans quel corps Morel se trouvait, afin de l’aller voir et n’avait reçu jusqu’ici que des centaines de réponses contradictoires), je conseillai à Françoise et au maître d’hôtel d’aller se coucher. Mais celui-ci n’était jamais pressé de quitter Françoise depuis que, grâce à la guerre, il avait trouvé un moyen, plus efficace encore que l’expulsion des sœurs et l’affaire Dreyfus, de la torturer. Ce soir-là, et chaque fois que j’allai auprès d’eux pendant les quelques jours que je passai encore à Paris avant de partir pour une autre maison de santé, j’entendais le maître d’hôtel dire à Françoise épouvantée : « Ils ne se pressent pas, c’est entendu, ils attendent que la poire soit mûre, mais ce jour-là ils prendront Paris, et ce jour-là pas de pitié ! - Seigneur, Vierge Marie ! s’écriait Françoise, ça ne leur suffit pas d’avoir conquéri la pauvre Belgique. Elle a assez souffert, celle-là, au moment de son envahition. - La Belgique, Françoise, mais ce qu’ils ont fait en Belgique ne sera rien à côté ! »
Et même, la guerre ayant jeté sur le marché de la conversation des gens du peuple une quantité de termes dont ils n’avaient fait la connaissance que par les yeux, par la lecture des journaux et dont en conséquence ils ignoraient la prononciation, le maître d’hôtel ajoutait : « Je ne peux pas comprendre comment que le monde est assez fou... Vous verrez ça, Françoise, ils préparent une nouvelle attaque d’une plus grande enverjure que toutes les autres. »