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Éclipse de soleil en collier de diamant

Le 17 avril 1912 eut lieu une forme assez rare d’éclipse de soleil dite perlée, visible notamment sur Paris. La suivante n’aurait lieu que le 11 août 1999.

La terre tourne autour du soleil. Mais la lune, tournant autour de la terre, se trouve par moment entre la terre et le soleil et nous cache en partie ce dernier. Le diamètre réel de la lune est incomparablement plus petit que celui du soleil mais comme elle est beaucoup plus près de nous, lune et soleil nous paraissent avoir sensiblement le même diamètre apparent.

Lors de cette éclipse, le cône d’ombre coupait la surface du sol suivant un cercle qui décrivait une mince bande d’autant plus étroite que l’éclipse était à peine totale. Pour profiter de cette éclipse, les spectateurs devaient se placer sur cette bande car en dehors de cette zone ils n’avaient accès qu’à une éclipse partielle.

C’est à l’heure du déjeuner, dix minutes après midi, que près de deux millions de Parisiens ont levé les yeux au ciel, derrière des verres noircis, pour admirer le spectacle rare de cette éclipse de soleil en collier de diamant. C’est une entreprise de vente de combustibles, la Maison Bernot, qui fit produire un million de verres noircis tenus par un carton circulaire portant son nom qui furent distribués gratuitement aux Parisiens, s’assurant ainsi au passage un énorme coup publicitaire.

Les terrasses des cafés parisiens étaient bondées à cette heure de la journée. La température est subitement descendue de plusieurs degrés d’un coup.

Des gens louaient l’accès à un seau d’eau, pour y voir le reflet du soleil mangé par la lune.

L’événement de cette éclipse fut telle à l’époque que Le Figaro lui consacra la majeure partie de la une du journal, repoussant le naufrage du Titanic en bas de page. La veille en effet, le monde venait d’apprendre le naufrage de l’insubmersible dans l’Atlantique nord.

Le terme d’éclipse en « anneau de diamant » fut employé la première fois par le New York Times en 1925. Mais la primeur de cette métaphore revient en fait au Figaro du 18 avril, qui témoigne du phénomène avec lyrisme : « Le disque du soleil n’est plus qu’un mince croissant, et que paraît repousser le disque mince de la lune. Elle entre dans cette lumière comme un boulet de canon, elle monte, obliquement, de droite à gauche. Et le croissant s’amincit, n’est plus. Une jeune fille dit soudain : On dirait un anneau de fiançailles ! »

Le photographe Eugène Atget immortalisa les foules de Parisiens se pressant place de la Bastille, pour observer le fugace passage de la Lune devant le Soleil.

Man Ray possédait une vaste collection de photographies d’Eugène Atget. Les deux photographes avaient habité dans la même rue pendant quelques années et Man Ray lui avait acheté certains tirages qu ’il pensait proches de l’univers des surréalistes. C’est l’assistante de Man Ray, Berenice Abbott, elle aussi photographe, qui achètera le reste du fonds de son atelier ainsi que les albums de référence et son carnet d’adresses. Elle fera découvrir le travail photographique d’Eugène Atget et vendra toute sa collection en 1968 au Museum of Modern Art de New York.

Cette photographie intitulée Pendant l’éclipse, a été prise le 17 avril 1912. On y voit un groupe de personnes qui protègent leurs yeux pendant qu’ils essaient d’observer l’éclipse sur la place de la Bastille, à Paris. Atget était bien plus connu pour avoir pris des images de Paris. Des scènes de rues souvent prises tôt le matin et sa méthode faisait qu’il y a généralement peu de personnes dans ses images. Une des choses que l’on peut dire au sujet d’Atget est que ses images sont presque sans époque. Donc celle-ci est assez inhabituelle dans le sens où il y a là une foule de gens, et aussi qu’elle concerne un événement particulier. C’est une photo d’une éclipse solaire. Donc ça veut dire que la Lune passe entre le Soleil et la Terre et bloque la lumière du Soleil. Et vous voyez les petits appareils de visionnage que les gens tiennent pour le voir. Il est important de se rappeler que cette photographie a été prise deux jours après le Naufrage du Titanic et ce sentiment d’appréhension, de mystère, d’incertitude relative à l’avenir aux phénomènes naturels, que ce soit les icebergs ou les éclipses. Comment ne pas penser que cet événement devait être dans la tête de beaucoup de personnes rassemblés sur place pour observer l’éclipse. Atget travaillait avec une grande chambre sur un trépied. Le négatif utilisé par Atget est un négatif sur plaque de verre. C’est l’image d’une éclipse, qui est d’une certaine manière, une image de la Lune, bien que ni la Lune, ni le Soleil, ne figurent dans le cadre de l’image. Mais c’est une image sur le fait de regarder la Lune, ce qui a été une source de fascination sans fin, non seulement pour les photographes et les astronomes, mais aussi pour les gens de la rue. Et si on observe attentivement la photographie, on remarque très rapidement une jeune fille qui se détache de la foule, elle nous regarde bien en face, nous fait signe à distance, nous sourit. Elle parvient à s’éclipser de la foule, attire notre attention et tous les regards sur elle, au centre de cette image, son point aveugle, sa perle, son portrait secret, comme une rencontre à travers le temps.

Le soleil a rendez-vous avec la lune Mais la lune n’est pas là et le soleil l’attend Ici-bas souvent chacun pour sa chacune Chacun doit en faire autant...

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