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Les lignes de désir

La nuit litanie est un texte que j’ai écrit à la demande de Mathieu Brosseau pour le numéro 23/24 la revue L’étrangère, numéro dont il assure la direction et qui est paru à l’automne 2010.

Un large extrait du texte écrit pour la revue, dont une partie a également été diffusé sur mon site, a été lu à l’occasion de la lecture à laquelle m’a invité Anne Savelli dans le
cadre de la fin de sa résidence au 104.

Ce texte a été complètement retravaillé pour l’émission de Thomas Baumgartner.

Les passagers de la nuit et la séquence qui clôt l’émission : 2 voix 5 minutes (Deux contraintes : deux comédiens et une durée de 5 minutes), de quatre épisodes.

Un couple dans la nuit. Derrière leurs fenêtres, ils regardent la ville en contrebas. Ils parlent et imaginent ce qui se passe dans la pénombre. Des volets clos sur des fenêtres aveugles. Debout dans l’embrasure d’une nuit sans voix, désirant, ils cherchent leur souffle. Des rues, une nuit, vides. Des histoires, ce qu’on se dit pour commencer. Nous vivons ainsi. Un renversement, ce vertige d’être au monde. Une chose que nous sentons vaguement, ombre ou petite lueur, dont la silhouette fantomatique s’élève dans la nuit. Un désir, une émotion, un lieu, de la lumière et des bruits.

ELLE : On peut le dire comme ça si vous voulez. Des histoires pour commencer. Nous vivons ainsi. Un renversement, ce vertige d’être au monde. Une chose que nous sentons vaguement, ombre ou petite lueur, dont la silhouette fantomatique s’élève dans la nuit. Un désir, une émotion, un lieu, de la lumière et des bruits.

LUI : Ces échos d’autres paroles qu’on entend là à longueur de journée.

ELLE : Derrière cette fenêtre, regarder la ville en contrebas. Imaginer ce qui se passe dans la pénombre.

LUI : C’est ça, continuons...

ELLE : Je regarde souvent vers lui comme on se délecte de la fragilité des jours, mais lui jamais. L’air d’avoir absorbé en lui toutes les nuits.

LUI : C’était avant, c’était ailleurs.

ELLE : Dans la cabine téléphonique, il regarde sa montre avant de répondre. Elle ne termine pas sa phrase.

LUI : Les lumières ne prennent reflet que sur le translucide. Mais à l’intérieur tout est bel et bien vide.

ELLE : Il a fait beau aujourd’hui contrairement à ce que je croyais.

LUI : Le ciel était bleu. Voir la lumière contrainte à la géométrie.
Voir le vent en contact avec la pierre. Voir la mémoire des pierres agitées par l’apesanteur.

ELLE : Le reste est fictif, comme la vie privée. Les amis réunis dans le secret de l’appartement, la joie illumine leur visage.

LUI : Mais nous ne sommes pas des témoins neutres.

ELLE : L’ennui c’est que le langage n’explique pas le monde. Il en fait partie.

LUI : Nous étions vivants.

ELLE : Nous nous amusons de nos croyances tout en continuant à les mettre en pratique quotidiennement. Notre seule ambition est d’arriver au soir. Se débarrasser de la nuit.

LUI : Une parole nous sortirait d’affaire, un geste, un mouvement.

ELLE : Il glissait sa main dans mon dos.

On peut écouter l’émission en ligne sur le site de France Culture avant d’écouter le deuxième épisode de la série ce soir vers 23h40. Le podcast de l’émission sera très prochainement disponible en ligne.


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