Ne rien écrire, mais tout signer. Pierre Ménard est un nom d’emprunt. Tout un programme, comme une déclaration d’intention, un cahier des charges. C’est un signe. Une signature. Rien de plus "signé" qu’une écriture qui refuse elle-même d’écrire.
Employer et transformer tour à tour, dans mes différentes œuvres, la citation, l’emprunt, le centon, le cut up, l’échantillonnage, le collage, autant de lieux textuels où se pose de manière décisive la question de l’origine, permet de voir comment son écriture s’articule par ce biais à une interrogation capitale sur le sens même du sens de la littérature.
L’art de la ponction. Effectuer des prélèvements. Capturer des choses et les travailler. C’est un moyen de souligner la problématique de l’origine.
L’origine est à la fois constamment exhibée et mise sous rature (on sait que toutes les phrases de ces œuvres sont citées, ce sont des bribes d’autres films, des fragments de conversations, d’images prélevées, on ne sait pas vraiment d’où elles viennent). Il en résulte une quête doublement impossible à clore : on ne saura jamais identifier toutes les sources (cela dépasse tout simplement les capacités de n’importe quel lecteur ou spectateur), on ne saurait pas non plus s’abstenir de les chercher (ne fût-ce que parce que très régulièrement on bute sur des sources, différentes selon les personnes bien entendu, qu’on reconnaît ou croit reconnaître).
Dans les deux cas, mon attitude de lecture est en parfait unisson avec le thème de l’origine, plus exactement du goût et de l’amour des origines : c’est un "plus" qu’il faut essayer de prendre en considération, quand bien même la réponse l’identité ou au sens des origines reste obscure ; c’est aussi un tremplin vers davantage, puisque le parti pris de l’origine suggère qu’il ne faut jamais se contenter d’aucun sens fermé sur lui-même.
On gagne toujours à se souvenir, même si l’on ne sait pas toujours de quoi exactement l’on se souvient, ni quoi mène l’effort que le souvenir nous demande.