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Sable et solde | 11

Le sentiment d’accéder à cette profondeur obscure.

C’était l’effervescence des enfants qui accompagnent exceptionnellement leur grand-mère à la bibliothèque, et la liberté de ces instants de l’enfance où, sans ses parents, l’impression d’une plus grande autonomie.

La grand-mère avait des questions à me poser sur une recherche qu’elle ne parvenait plus à faire depuis chez elle sur le site de la Médiathèque de l’Astrolabe. J’essayais de l’aider, de trouver ce qui clochait dans sa recherche qui pouvait expliquer qu’elle ne parvenait pas à obtenir la réponse désirée.

Pendant que je lui parle et recherche son renseignement, je vois le jeune garçon qui l’accompagne un peu en retrait, chétif, maigre, il est un peu en arrière des autres, ses deux sœurs, plus vives, délurées, souriantes, lui est en retrait près de la vitre. Il fait deux pas en arrière, son dos cogne la vitre et je l’aperçois tomber en arrière, je pense tout d’abord qu’il a été déséquilibré, surpris par cet obstacle qu’il n’avait pas remarqué. Il tombe par terre, tout doucement, ralenti par la vitre et le rideau qui accompagne doucement sa chute et la ralentit, l’accompagne. Autour de lui, personne ne remarque vraiment sa chute, pas très spectaculaire i est vrai, on dirait qu’il est coutumier du fait, cherchant à attirer l’attention mais plus personne ne tombe dans son piège, indifférent à force. La grand-mère continue à me parler un instant encore tout en se retournant lentement vers son petit-fils désormais au sol, ses sœurs le regardent également, sans savoir quoi faire, comment réagir. Je m’approche de lui pour voir ce qu’il a, j’ai remarqué le blanc de ses yeux un temps révulsé, et un léger mais passager tremblement de son corps. La grand-mère emboite mon pas en voyant que je m’inquiète pour lui, mais elle reste étrangement distante, sur la réserve. Je m’inquiète de sa santé, lui demande s’il a bien mangé ce matin, s’il veut boire ou manger quelque chose. Je l’invite à s’asseoir. Il a l’air tout pâle, les yeux dans le vide. Il me répond qu’il ne se sent pas très bien. Sa tête tourne, dit-il.

Nina, ma plus jeune fille, est habitué à ces pertes de conscience passagère, la première fois, c’était avec sa sœur qui s’était fait très mal et criait de douleur, ce qui l’avait tellement impressionnée qu’elle s’était mis à son tour à trembler, les yeux partant en arrière, libérant le blanc de ses yeux, la sclère éclatante, avant de tomber en arrière, et de perdre conscience.

L’année dernière, à notre arrivée à San Francisco, après de longues heures d’avion et une nuit de sommeil perturbé par le décalage horaire et la fatigue du trajet, Nina prit le lendemain matin un bon bain chaud avec sa sœur. La chaleur de l’eau, l’excitation de leurs jeux et de leurs rires ; en sortant du bain, encore ruisselante d’eau, elle tomba de tout son long sur le sol de la salle de bain.

Le malaise vagal ou syncope vagale s’il y a perte de conscience, est un malaise dû à une activité excessive du système nerveux parasympathique. Ce malaise est la traduction d’un ralentissement du rythme cardiaque associé à une chute de tension artérielle, aboutissant à une hypoperfusion cérébrale.

L’apaisement que nous apportent les mots. Mettre un mot sur ce que l’on ne connait pas, ce qui nous dépasse, nous fait peur, nous inquiète, nous paralyse habituellement. Se rassurer ainsi, et pouvoir aider les autres parfois, ne pas sombrer comme avant, à leur âge, la tête tournait, ou la seule vue du sang, d’un malaise, nous faisait tourner de l’œil.

Dans mon enfance, on disait tomber dans les pommes dont l’origine m’amusait : l’expression être dans les pommes cuites, dans une lettre de George Sand à Madame Dupin affirmant être dans les pommes cuites : être très fatigué, expression elle-même sans doute l’amplification plaisante de celle-ci : être cuit, de même sens.

Photographie Planche-contact du lundi 23 avril 2012, 11h30, au Mount Tamalpais State Park, près de Muir Woods, Californie.


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