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Contacts successifs #5
Affiche lacérée, avril 2011

Ce que tu cherches à fuir, jamais tu ne l’atteindras. Le but est ailleurs mais tu ne le sais pas encore. Le parcours est fléché, la voie tracée, discipliné tu suis le chemin indiqué sans en comprendre le sens. Rien de logique. Rien de normal. Rien à dire. Tu dois continuer ton chemin en laissant croire que tu suis l’ordre qu’il t’impose. La logique des événements et leur enchainement.

Libéré d’un poids, sentir celui du temps s’abattre sur tes épaules. Le poids de l’âge. Les habitudes tenaces. Ce caractère difficile à cerner. On t’assigne une mission qu’il te faut mener à bien même si tout t’indique un grand danger. Tu ne peux pas fuir. Nous ne pouvons pas y échapper. Comme notre ombre. Et l’ombre de notre ombre. Bien sûr nous ne pouvons qu’accepter comme toi la tâche qui nous incombe, de toutes façons refuser est interdit, impossible, en cas contraire retour immédiat à la case départ. La menace est terrible, pesante. Nous sommes pris au piège. La fuite pour seule issue.

Dans l’action pas une minute pour réfléchir. On avance sans penser à ce qu’on fait. Le mouvement se forme dans cet impensé. Ce no man’s land de la fuite en avant. La beauté d’un geste qu’on ne peut reproduire à la perfection. Dès que nous nous arrêtons, dès que nous réfléchissons à notre action, celle-ci perd de sa fluidité, de son dynamisme et jusqu’à son mouvement même. Le corps se fige brusquement. Il faut savoir réfléchir en marchant. Au rythme de ses pas. C’est la seule solution. Créer en mouvement. Ne jamais s’arrêter mais rester vigilant sur ce que nous sommes en train de réaliser. Trouver un équilibre entre le mouvement et sa pensée. Et même un peu d’avance sur ce que nous faisons et ce que nous allons faire, léger décalage qui permet la réflexion. Je suis sûr que tu comprends ce que je veux dire.

Dans la fuite, se projeter en avant pour anticiper sur ce qui va arriver. Un film qui défile sous nos yeux dont nous connaissons déjà les images suivantes. Mais pas l’issue. La fin n’est pas connue. Juste quelques images d’avance. En léger décalage. La fin du film reste à découvrir. Toujours en suspens. A suivre…

Savoir que tu es visé. Dans le viseur. Le voir sans même regarder ou lever les yeux. Mais rester invisible. Ne rien laisser paraître. Quelques secondes d’avance. Et cette liberté d’en faire ce que tu veux, ce qui est en ton pouvoir, même si le mot te paraît impropre, inapproprié. Déplacé. Sentir cette arme braquée sur toi. Ce danger, cette menace constante. Posséder cependant cette marge de manœuvre, ce laps de temps, même minime, pour s’en éloigner, et peut-être en réchapper. Anticiper. Improviser. Changer de cap au dernier moment. Pour faire durer l’instant. Le prolonger. Fuir à nouveau, mais libéré d’un poids, d’une culpabilité. La farce du destin. Cette prison.

Plage de Saint-Malo, mai 2017

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