Chaque mois, un film regroupant l’ensemble des images prises au fil des jours, le mois précédent, et le texte qui s’écrit en creux.
« Une sorte de palimpseste, dans lequel doivent transparaître les traces - ténues mais non déchiffrables - de l’écriture “préalable” ».
Jorge Luis Borges, Fictions
J’admire la Seine en silence. Je ne peux m’empêcher de penser à la cérémonie d’ouverture des Jeux Olyympiques qui doit avoir lieu sur le fleuve. Dans les coulisses de l’événement à venir. Le voir lentement se mettre en place, fabriquer de nouveaux espaces, des perspectives inédites. Entre impressionnants ralentissements et accélérations inattendues. La ville en travaux. Découvrir ses transformations. À moins d’un mois de l’échéance l’impression que la métamorphose n’est pas totalement achevée. Jeux de construction dont on peine à comprendre le plus souvent l’intérêt, qui restent en arrière-plan de notre quotidien. Gradins vertigineux. Escaliers suspendus au-dessus du vide. La ville en pleine transformation révèle peu à peu sa nature uniforme de décor. Le spectacle déforme le cadre du réel. Parfois pour le meilleur. Je me souviens par exemple de l’effet produit par l’emballement du Pont neuf par les artistes Christo et Jeanne. Je n’ai plus jamais regardé ce monument historique parisien sans le considérer augmenté du souvenir de sa métamorphose temporaire, de sa transformation artistique. Mais la performance du sport n’a rien à voir avec celle dans l’art.
La ville devient décor. Circulation des corps aux allures diverses, danse improvisée. Jeux des lumières qui agrandissent l’espace. La musique envahit tout de son rythme répété, improvisé. Chaque passant, plus ou moins pressé, touristes ou travailleurs, flâneurs ou badauds, devient le personnage d’une mise en scène urbaine qu’il ne maitrise pas mais qu’il invente. Un élément parmi d’autres. Il fabrique la ville autant au moins qu’elle l’infuence en agissant sur lui. Par ses déplacements coordonnés ou non, ses mouvements imprévisibles, ses sautes d’humeur, ses joies secrètes, ses moindres désirs, ses rêves, ses pensées, ses brusques changements de direction, d’allures, ses chemins de traverse.
Au niveau du Pont de Crimée, une étrange ligne de bulles zèbre la surface du Canal de l’Ourcq. Pour limiter les déchets flottants de toutes sortes (principalement des herbes aquatiques, mais aussi des emballages, des bouteilles et des canettes) dans le canal de l’Ourcq et dans le bassin de la Villette, le service des canaux de la Ville de Paris a mis en place un rideau de bulles. Ce système facilite le nettoyage du canal en limitant la dispersion des déchets flottants. Il empêche les pollutions en hydrocarbure de se déplacer vers l’aval du canal. Il contribue à la bonne oxygénation de la masse d’eau et réduit le risque d’asphyxie du milieu. Il préserve la biodiversité du canal et limite la prolifération des espèces végétales envahissantes. Il lutte contre la présence des déchets plastiques.
La forêt est le symbole de la nature à l’état sauvage, dans les récits traditionnels elle incarne l’espace de l’épreuve ou du rite initiatique. Le lieu de la rencontre avec soi-même. Chacun en garde un souvenir : un lieu, une histoire. Dans les contes, on s’y perd, on s’y retrouve. Dans la vie aussi. Les forêts des mythologies nordiques si importantes auparavant ont disparu. Il s’y joue très souvent un rapport à l’enfance. La forêt est marquée par la nostalgie. Dans la forêt, on n’a ni horizon ni repère. En regardant devant ou derrière soi, tout est caché. Le monde est transformé.
« qui peut comprendre qu’on soit parfois dans les villes
comme en des forêts où chaque arbre vous ressemble
où chaque mouvement est vôtre où chaque cri
chaque regard se perdent dans la touffeur de l’air
où les craquements des choses
étouffent les battements du cœur
où l’odeur même du sol
est celle de votre corps
planté là sur une dalle en béton
usée par le vent et chacune de vos pensées »
Raymond Bozier, L’être urbain : De l’homme dans la ville, hiérarchie, ordres, combats, Publie.net
Nina me raconte un souvenir d’enfance. Un papillon de nuit d’une taille impressionnante entre dans sa chambre, il bat ses grandes ailes, vole dans la pièce en frôlant la surface du plafond. Elle le regarde, entre fascination et crainte. Il finit par entrer à l’intérieur. Elle passe un long moment avant de pouvoir s’endormir, attendant qu’il sorte du placard, mais il n’en ressort pas. Jamais. Elle s’imagine, me raconte-t-elle qu’il y est toujours, depuis ce temps-là. Je ne peux m’empêcher, en l’entendant me raconter cette histoire, de penser aux fillettes un peu timides qui l’autre jour à la bibliothèque n’osaient venir me poser une question. Elles finissent par se rapprocher de moi, accompagnée par leur mère. Je remarque les ailes de papillon bleu dessinée sur leur tempes, de chaque côté de leurs yeux. Timide à mon tour, je n’ose pas leur avouer que je trouve cela très beau. Et je repense au papillon de Nina. J’imagine qu’il est resté sur l’étagère du haut de son placard, j’entrevois de jour les traces de poussière des ailes du papillon de nuit.