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Contacts successifs #8

J’ai l’impression de commencer. Chaque jour à peine.

Écrire seul. Des heures durant, hors du temps. Se demander comment il est encore possible d’écrire ainsi devant tout le monde. Se mettre à nu.

Qu’est-ce qui se cache sous cette crispation ?

Le monde n’est pas simple ni incompréhensible, entre les deux mon cœur balance.
Trouver le temps et l’opportunité d’écrire alors que les autres travaillent autour de soi. Se souvenir qu’on y arrivait plus jeune. Aujourd’hui, c’est devenu intenable. Attendre que la nuit tombe, pour parvenir enfin à entre en contact avec la page, le rythme d’une écriture.

Écrire quand les autres dorment.

Écrire en marge.

Pour réussir à trouver le sommeil.

Non plus noir sur banc. Derrière l’écran blanc.

La violence a une durée que l’on ne peut pas défaire. Lutter en vain. Elle a eu lieu. Elle est ce qui est mort. Ce qui est passé. Intouchable, s’il y a lieu. On ne peut pas la défaire, l’atteindre, la dissoudre, dés lors qu’elle a eu lieu. C’est terminé.

Je vois ma fille écrire chaque jour, en plein jour (sans doute la nuit aussi très souvent) et je l’envie de plus en plus.

La curiosité comme autre nom du désir.
 L’engourdissement du ralenti.
 La délicatesse en réserve. 
 Être à l’écoute.

Les pages s’accumulent autour d’elle, sur le canapé du salon ou sur son lit utilisé comme banquette. Quand elle tape son texte sur l’ordinateur, ses doigts frappent en mesure et rythment sur le clavier de l’ordinateur, je l’envie et si je m’approche de l’écran sans forcément chercher à lire ce qu’elle est en train d’écrire, pour l’encourager d’un signe tacite, elle hausse les épaules pour m’empêcher de lire. Et je comprends cela parfaitement désormais.

Aucun silence ne s’enregistre.

Comme si laisser lire ce qu’on était en train d’écrire pouvait l’effacer, ce risque à prendre et dans une certaine mesure c’est assez juste, puisque ce regard vient nous retarder, nous interrompre dans le mouvement de l’écriture, qui est justement un temps où nous marchons dans l’écriture, anticipant un peu, juste avec un léger temps d’avance, ce qu’on va écrire, sans jamais l’avoir totalement prémédité.

Il suffit d’une marque, d’une encoche pour qu’une chose demeure. Il n’y a ni témoin ni personne avec qui la partager.

Comme un écheveau dont on tire la ficelle, découvrant au fur et à mesure où il nous mène.

À quoi bon tout ça si ce n’est l’idée d’être bien ?

Osaka, Japon, le 26 octobre 2015

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