« Faire ressortir l’âme sous l’esprit, la passion derrière la machination, faire prévaloir le cœur sur l’intelligence en détruisant la notion d’espace au profit de celle du temps. »
Montage, mon beau souci, Jean-Luc Godard
Je me dresse en soupirant de bonheur.
J’attends avec des petits rire et des grimaces.
Je suis secoué par un ordre, un désir irrésistible de lui fermer la bouche.
Je remarque les visages, les boissons, la chaleur.
Je m’égare avec un air de probable satisfaction.
Je rentre incapable d’attendre plus longtemps.
J’articule comme si chaque mot était une bouchée qu’il fallait savourer longuement.
Je m’accoude à ma table avec mon air tranquille.
Je mange une pomme avec plus d’application que d’envie.
J’espère une main caressant un cou, la fin d’un baiser.
J’essaie de tirer le meilleur parti possible de quelques échanges.
Je continue secoué de frissons et de soupirs.
J’explique les faibles gémissements avec les murmures de consolation.
Je saisis un nouveau morceau fragile et précaire de toi-même.
Je perçois un tremblement qui ne vient pas de la chair.
Je crois que l’amour véritable ne connaît pas de barrières.
J’observe son désir dans ses yeux.
Je pense que s’aimer cela n’explique jamais rien.
Je recherche la tangente qui fait voler le mystère en éclats.
J’inventorie la variété des instruments de supplice.
Je la touche des deux mains, de tout mon corps.
Je la chasse d’un revers de main désespéré.
Je repousse la terreur d’une deuxième attaque.
Je m’éparpille en une perpétuelle confusion d’actes et d’impressions.
Je me défends de sa terreur, de sa grâce haletante.
Je connais des moments où je voudrais qu’il soit déjà mort.
Je disparais sur le fond mauve et garance du crépuscule.