Tu m’avais fait une surprise pour mon anniversaire que je n’ai pas oubliée, tu disais souvent que tu n’aimais pas les papiers cadeaux, inutiles selon toi, vu que nous nous empressions de les déchirer, sans le respect des Japonais et leur furoshiki nouant un carré de tissus. Tu avais disséminé un ensemble de cadeaux dans tout mon appartement, un livre caché dans ma bibliothèque, une photographie glissée dans le cadre d’une autre, une bouteille de Chasse-Spleen dans ma cave improvisée, une lettre à mon attention au milieu de la boîte dans laquelle je range habituellement mon courrier, dans ma penderie une chemise que je n’avais jamais portée et un nouveau parfum au milieu de mes produits de beauté. Quand tu étais arrivée chez moi, j’avais été surpris de te voir les mains vides, et tu m’avais demandé de parcourir l’appartement en me guidant, tu chauffes, dans les différentes pièces, tu brûles, pour que je trouve, tiède, ce qui était caché, froid, et pourtant visible, sous mes yeux, trouvé.
Tous les endroits dans lesquels nous sommes allés ensemble, tous les lieux où tu as passé un moment, le lit où tu as dormi à mes côtés, la douche où tu t’es lavée, le fauteuil dans lequel tu aimais lire ou dessiner, les cafés, les cinémas, les musées où nous passions nos journées en compagnie l’un de l’autre, aujourd’hui, en ton absence, j’ai l’impression que certains objets de notre quotidien, certains endroits de notre vie, gardent en mémoire ta présence enfouie, fidèle, semblent me rappeler à ton souvenir à chaque fois que je m’approche d’eux, ton image apparaît éphémère, se révèle spectrale et la ville se transforme alors en un véritable portrait vivant. Un artiste a créé une étrange machine montée sur un ancien grille-pain, qui selon sa géolocalisation, révélait grâce à un procédé thermo-réactif son portrait sérigraphié à chaque fois qu’il s’approchait physiquement du lieu où se situait l’objet. Ce portrait disparaissait lorsqu’il s’en éloignait. L’image chauffait et refroidissait.
Dans le noir, avancer dans l’incertitude. Ce sont des cartes assez petites. Je pense aux vieilles photographies de leurs enfants que nos parents gardaient bien au fond de leur portefeuille, qui vieillissaient avec nous, mais sans qu’on s’en aperçoive puisqu’elles restaient soigneusement cachées, dissimulées, images à portée de main, disposées sur son cœur, l’objet de nos pensées dont le support s’écornait, se froissant, se salissant avec les années. Notre visage sur l’image par contre ne changeait pas du tout, seulement le regard que nous portions sur lui, sur nous, lorsqu’il nous arrivait d’en retrouver une, de la regarder à nouveau, ne nous reconnaissant pas, sans souvenir de cette photographie, avant que tout nous revienne. Des cartes de petit format posées sur la table, noires et mates. Si on les touche ou les frotte, avec la chaleur de nos doigts, un portrait apparaît. Cette image disparaît ensuite en l’absence de contact. Cet effet est dû a un procédé d’impression thermochromique.