« Faire ressortir l’âme sous l’esprit, la passion derrière la machination, faire prévaloir le cœur sur l’intelligence en détruisant la notion d’espace au profit de celle du temps. »
Montage, mon beau souci, Jean-Luc Godard
J’imagine que les visages vont naître de l’instant.
Je montre les limites de son monde.
J’aperçois le geste incrédule et contrarié de son père.
Je retiens une cadence heureuse où peuvent enfin entrer les mots, des lambeaux d’images.
Je contourne la méticuleuse réalisation de ses désirs.
J’évite ce miroir aveugle d’une tension insupportable.
Je pense à une image transparente contre l’ombre bleutée des fenêtres.
Je présume un moment de réalité.
Je joue un rôle dans cette comédie.
J’admets la dérision de vivre comme un mot entre parenthèses.
Je mémorise les gestes et les distances, comme après une répétition générale.
Je ressens en moi une flamme invisible et froide, brûlant du dedans vers le dehors.
J’abandonne le thème central d’un rêve ou d’une rêverie.
Je soulève son corps qui respire, qui a peur.
Je continue fou de rage, sonnant et fouettant.
J’entre dans ce dialogue avec l’ombre.
Je suggère une course folle le long des murs.
Je vacille entre deux images de rêve.
J’ai dans la bouche un goût de métal et de cognac.
Je me replie en un seul mouvement immobile qui est vertige, pause et arrivée
Je mentionne la mélancolique boule de verre de leur vie apparemment si joyeuse.
Je réside dans la chambre d’à côté.
Je redoute la peur, presque comme une envie de vomir.
Je confonds les restes de la nuit et des rêves.
Je ressens avec une effrayante intensité.
J’oublie le mauvais sommeil de la nuit, ce vertige curieux, transparent.
J’organise une fuite immédiate.