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Contacts successifs #84

Un Sisyphe des temps modernes

Je suis en train d’enregistrer mon prochain podcast sur Nos insomnies, le surprenant premier roman de Clothilde Sallelles. Immanquablement quelques minutes après avoir débuté, les travaux dans l’immeuble qui m’avaient réveillés ce matin et s’étaient arrêtés quelques minutes plus tard, reprennent et perturbent mon enregistrement. Je lis une phrase. Je fais une pause en attendant que le bruit de la perceuse cesse. Je reprends ma lecture. Des coups de marteaux interrompent à nouveau ma lecture. Le passage que je suis en train de lire évoque justement les bruits de travaux d’un voisin, ce qui me fait sourire : « Celui-ci était engagé dans un cycle perpétuel d’activités manuelles : cognements secs et plus ou moins réguliers du marteau, sifflements de la perceuse, cris métalliques de la disqueuse, vibrations et bourdonnements d’une panoplie d’engins motorisés. Un cycle inventif : terrasses, escaliers, mur de soutènement, bassin, murets et allées, dépendance, et - alors qu’il semblait avoir épuisé toutes ses possibilités - abri servant à contenir ses engins motorisés... Un Sisyphe des temps modernes. »

Rue de Crimée, Paris 19ème, 3 janvier 2025

La division par l’épuisement

Je lis sur le site Dans les algorithmes l’article en ligne Vers un internet plein de vide ? qui analyse le phénomène d’un « internet zombie », rempli de contenus générés par IA souvent vides de sens, visant uniquement à capturer l’attention pour des revenus publicitaires. Ce phénomène, qui colonise réseaux sociaux et plateformes, reflète une dérive où l’IA devient un moteur idéologique, submergeant l’espace numérique de bruit algorithmique. Les enjeux incluent la désorientation des utilisateurs et la disparition progressive des créations humaines face à ce contenu artificiel omniprésent. L’article alerte sur un futur où l’intérêt et la qualité cèdent au remplissage stérile. Il s’achève sur cette question qui me laisse songeur : Qu’est-ce qui est vraiment réel ?

Ce qui se cache dans l’obscurité

Un homme contemple un paysage traversé par des ombres, où réalité et rêve se mêlent. Les images surgissent, fragmentées, comme des éclats de mémoire ou des visions, guidant ses pas dans un labyrinthe d’instincts et de mystères. Chaque rêve devient une clé, une vérité voilée qui éclaire l’obscurité, révélant des présences énigmatiques et des secrets enfouis. Dans ce monde, les frontières vacillent : les personnages ne sont plus que des fragments d’un décor qui respire, tandis que les objets, eux, murmurent des histoires oubliées. Une tension sourde émane de ces lieux figés, où les silences pèsent autant que les paroles. Les arbres murmurent, les ombres s’allongent, et l’intuition s’impose face à la froideur du rationnel. Une image surgit, née d’un hasard, et ouvre un chemin nouveau. L’inconscient s’étend à l’écran, immense, faisant émerger des scènes où le visible et l’invisible se répondent. Chaque mouvement, chaque silence, chaque éclat de lumière devient le fragment d’un récit plus vaste, où l’inconnu s’invite pour troubler, questionner, révéler. Un cercle infini où le commencement rejoint la fin, une voix murmurant un nom dans la nuit. Le temps se dérobe, les visages se métamorphosent, et les identités se perdent dans un dédale où règne le paradoxe. Chaque rideau, chaque porte entrebâillée dissimule un monde en tension, vibrant de ce qui ne se montre pas mais insiste. Le velours sombre étouffe les secrets, les chants enjôleurs masquent une violence latente, et le regard devient une clé pour pénétrer l’obscène — ce qui est derrière, ce qui nous dépasse. Le spectateur est happé par une curiosité insatiable, oscillant entre fascination et malaise, attiré par l’invisible qu’il devine sans pouvoir le saisir. Le mystère ne se livre pas, il résiste, insaisissable. Ce qui est montré ne fait qu’effleurer une profondeur inavouée, où se cachent des vérités troublantes, des forces insoupçonnées. Une étoffe dissimule, une ombre révèle. Loin de la simple surface, chaque image devient un voile à soulever, une obscurité à explorer. Et dans cet obscur, un autre monde s’agite, prêt à surgir, mais jamais entièrement à se dévoiler. Un grondement sourd traverse le silence, un souffle étrange dans ce qui semblait familier. Chez soi, l’intimité vacille, et le quotidien se charge d’une tension rampante. Un silence qui murmure des brisures, un son invisible qui griffe les murs d’une pièce, transformant l’habitude en étrangeté. Chaque film, chaque scène, s’écrit dans ce souffle caché, où l’ombre d’un son devient l’âme d’un lieu. Chaque note, chaque vibration, révèle l’indicible. Une tension, une émotion enfouie. Les histoires s’ouvrent comme des labyrinthes, les chemins se croisent, se dérobent, laissant derrière eux l’empreinte d’un trouble indéchiffrable. Dans ce monde, le familier devient étrange, et l’étrange s’enveloppe d’une beauté sombre. Les femmes y sont à la fois lumière et ombre, sources de désirs et miroirs de la mort. Elles dansent sur un fil entre douceur et menace, jamais vraiment accessibles, jamais pleinement comprises. Dans leur regard, une promesse et un abîme, un murmure qui dit : « Tu ne m’auras jamais. » Une silhouette s’éloigne dans la lumière tamisée, une voix chuchote derrière les murs, et tout s’évanouit dans le noir, laissant un écho : le mystère ne se résout pas, il se vit, éternellement suspendu dans l’inconnu.

Palerme, Sicile, Italie, 3 mai 2018

Lignes de désir

Le chantier de réaménagement de la place du Colonel Fabien, qui a pour but de créer une forêt urbaine d’ici le printemps 2026, vient de débuter. J’ai décidé de le suivre de près, travaillant dans la bibliothèque à côté. Chaque jour, je le prends en photo, je note quelques remarques sur ce qui attire mon attention, et je décris l’évolution du chantier. Avec l’idée d’accompagner ces travaux jusqu’à leur terme. C’est à la fois un travail professionnel, cela s’inscrit dans un cycle de rendez-vous (conférences, visites, balades urbaines, ateliers d’écriture, de création sonore, stages photos), En lieu et place, et un projet personnel. Ce Journal du Combat que je viens de commencer, est un clin d’œil au Journal de bataille lancé avec Piero entre 2011 et 2012 autour d’un chantier situé Place de la Bataille de Stalingrad devant lequel nous passions régulièrement tous les deux. Je publierai sans doute quelques extraits de ce journal sur ce site. Cette première semaine j’ai observé la manière avec laquelle les habitants et les passants ponctuels cherchaient systématiquement à contourner les barrières et les plots mis en place par les ouvriers le premier jour pour délimiter leurs zones de travail et proposer malgré tout une circulation certes contraignante mais fonctionnelle, pour les véhicules et les piétons. Ces derniers ne peuvent s’empêcher d’ouvrir certaines barrières pour créer des raccourcis qui les mettent en danger car ils traversent la route sans aucune protection. Le détour paraît insurmontable. Le changement insupportable.


LIMINAIRE le 19/01/2025 : un site composé, rédigé et publié par Pierre Ménard avec SPIP depuis 2004. Dépôt légal BNF : ISSN 2267-1153
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