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Textes et photographies des participants à l’atelier (Séance n°5)

Brouhaha intérieur

Il y a du brouhaha extérieur
Un sentiment familier m’envahit
La maison
Je frappe vigoureusement à la grande porte en métal
Je joue avec la poignée
Les escaliers sont sombres
Deux caisses sont posées sur les deux premières marches de l’escalier
La jaune contient de la limonade blanche
La noire de la limonade noire
Les bouteilles sont en verre, l’étiquette enroulée autour d’elles
Le bouchon est une capsule
Il y a du brouhaha intérieur
Un rayon de lumière apparaît
Le carrelage est composé de dalles noires et blanches
Une plante que j’ai toujours associé à un mini-palmier est abandonnée dans un coin
Ses feuilles sont vertes et ressemblent à du plastique
Le pot est marron
L’aiguille des secondes de la pendule que l’on a failli casser d’innombrables fois bouge frénétiquement à mesure qu’elles s’égrainent
Le palier entre les deux escaliers se trouve toujours là après une petite volée de marches
Un sac en plastique noir y est oublié
Une fine pellicule de poussière le recouvre
Ce qu’il y a dedans ne doit pas être intéressant
Un couloir se dresse devant moi
Quatre portes de tous côté offrent différentes options
Une machine à coudre trône au milieu de chutes de tissus à côté de la télévision
Du tulle pailleté
Un morceau bleu sombre
Un autre vert
dans la chambre attenante à la salle de bain
Un courant d’air soulève les rideaux et les fait danser au milieu de la pièce
Le lit à deux matelas est adossé au mur
La partie non cachée par le drap laisse entrevoir le vieux matelas rouge aux ressorts cassés à force de sauter dessus
Le papier peint est défraîchi
L’horrible pendule avec des cornes de cerf est accrochée
Des marches blanches au carrelage tacheté
Une vieille porte en bois me fait face
Par endroit il pointe comme une mise en garde
Attention aux échardes
C’est comme si la poignée allait s’arracher à chaque nouvelle ouverture
Une citerne noire se trouve au fond
Un tuyau jaune traîne près de la piscine
Des petits bancs blancs en bois
Un grand plateau en métal contient des herbes laissées à sécher près du pot de gueules de loup violettes
Une première volée de marche
En redescendant : un four
Une seconde volée de marche :
un friseur
Une dernière volée de marche : la cuisine à gauche
La source de bruit se rapproche
Le comptoir près de la fenêtre ouverte sous lequel les couverts se cachent
Un tiroir contient seulement des sachets en plastique
La vaisselle sèche à côté
Une casserole de lait sur le feu éteint recouvert d’une assiette
Une table marron aux pieds noirs
autour d’elle se trouvent deux chaises à la housse couverte de petits points gris et noirs
Dessus d’anciennes boîtes de gâteaux secs du commerce en métal
À l’intérieur d’autres gâteaux secs fait maison
Un sentiment familier s’empare de moi

Ania A.

Un alphabet lointain

Le buffet est en bois
Bois acajou
Au-dessus un tableau avec des vaches calligraphiées comme un alphabet lointain
Vase transparent
Pilles de papiers
Couscoussière jaune et rose à petits motifs sur le mur
Grande table ronde en marbre blanc
Bulgomme blanc sous nappe jaune à motifs oranges
Une petite table en bois foncé et au pied noir qui sert d’annexe
La lampe de bureau noir des années 70
Tableau rouge une tache rouge sur deux pans
Le tableau rouge domine la salle à manger
Quelques tâches de noir sur le bord
Tableau blanc et noir minimaliste et granuleux
Tableau bleu azur et sable minimal
Panneaux recouverts de papiers journal recouverts de peinture recouverte d’écritures
Miroir un miroir central
Le desseins d’une galère romaine exposé à l’école
Des desseins aux feutres et crayons pas exposés à l’école
Il y a le piano central aussi
C’est le piano de l’arrière-grand-mère
Le bois est abimé par le tube de savon à bulle fluo renversé
Le bureau est en bois clair
Les rideaux sont foncés
À côté du bureau trône un paperboard
Canapé en cuir noir
Canapé en tissu clair recouvert d’un dessus jaune clair
Des vases et un petit bouddha en bois foncé
Des petites pierres de l’Himalaya
Des petites bougies jaunes
La table basse est en bois noir
La télé est une vieille télé noire qui fait du bruit quand on l’allume et qui prend de la place
La cheminée non ramonée est obstruée par un cache en métal noir travaillé

Antoine P.

Vestige d’une époque

La porte est bleue, elle est peinte mais le vernis se craquelle Le mur est vert, il est juste sale
Derrière la porte une cour
Derrière le mur, je n’ai jamais vraiment su
Et dans la cour des pavés, et de l’herbe, et des cadavres de roses On les voit depuis la véranda
Baies vitrées inondées du soleil de midi
On se croirait dans un four à pain ou au théâtre un après-midi d’août
Sous pression les escaliers hurlent à la mort
Impossible de rentrer discrètement, le soir, après la fête
Et l’ampoule du couloir s’allume mais tremblote
Et le tremblement rassure
Les dorures au plafond sont toujours aussi belles, vestiges d’une époque révolue qui résiste Et un souffle parcourt le couloir assoupi
Aucune pièce ne se fait écho
Tout n’est que dissymétrie, à en devenir fou, vraiment fou, fou pour toujours
La cuisine est collée à la chambre, collée comme une mouche sur du papier tue-mouche Pas de salle à manger
Mais un grand salon qui mieux organisé pourrait servir de salon et de salle à manger
Et des tapis, partout des tapis, de toutes les couleurs, un arc-en-ciel, une farandole de tapis Et des coussins, gris et marrons
La demeure d’un fou
Dans la cour, au fond du jardin, une pièce, plus qu’une pièce, un ensemble de pièces La dépendance, et sous elle la cave
Froide, grise de poussière et d’ennui
Trois pièces, potentiellement une deux chambres et une salle de bain
Mais en fait juste un débarras, un amas encombré de trucs et de boites Un purgatoire

Le piano a beau être beau, il n’a jamais rien produit de beau
Jamais n’en a-t-on tiré un son, ni un do, ni un la, ni même un mi bémol Tout juste est-il bon a être un vide-poche
Un bureau de fortune
Une vulgaire étagère
L’étagère d’ailleurs n’est pas loin du piano
Elle est pleine de livres, elle croule sous les livres
Elle étouffe de lignes et de titres et de quatrièmes de couverture Mais ce n’est pas une bibliothèque
En tout cas ce n’était pas sa vocation initiale
C’est sans doute pour cela qu’elle menace de s’effondrer
La table, elle, n’a jamais plu a personne
Aussitôt sortie de l’ébéniste aussitôt passée de mode
Périmée mais achetée, alors tant pis, trop tard
Vestige d’une époque dont on voudrait justement faire table rase Et dans ses rainures se coincent les miettes du repas
Pour la nettoyer, il faut sortir de couteau
La chambre en haut à gauche en sortant des escaliers est superbe Une chambre d’angle, avec deux fenêtres
Et des fenêtres aux poignées imitation or
Mais elle ne font pas illusion, les poignées
Elles ne trompent personne

Aymeric D.

la maison était désormais vide

La maison derrière la haie
sur la terrasse derrière la maison
le long de l’allée de gravillons
Un vieil escalier en bois inégal
là où résonnent le martèlement
des pas dans la maison
perdue dans l’immense jardin de la maison
au fond de la maison
monter au grenier pour retrouver
vivre dans cette maison
le parquet dépareillé
rentrer à la maison
dans les branches du grand arbre
courir à la maison
au son de l’interphone
la maison est
le toit de la maison
se recroqueville sur la canapé
au fond du garage mal éclairé
s’accroche à la rampe lisse
la maison grince sans arrêt
mis une casserole d’eau à bouillir
en faisant de la buée sur le miroir de la salle de bain
parce que la maison était désormais vide
viens à la maison
après avoir fermé les volets
la maison est plongée dans l’obscurité
l’étage du dessus
lorsque la porte s’ouvrit
la balançoire dans les airs fait tanguer la vue de la maison
la table massive assortie au buffet ancien
assortie au style de la maison
la porte d’entrée condamnée.

Le tapis aux vieux motif enroulé
autour de boites à chaussures remplies de livres
Les câbles de la grosse télé grise
un bébé en plastique au corps blanc
sur le château rose et bleu
l’empilement des vieilles taies oranges
le jeu en bois poussiéreux aux couleurs jaune, verte, bleue et rouge délavées
des dessins d’enfants enfermés dans un cadre
l’inscription Maman sur une tasse fêlée
des cahiers gribouillés gisent à terre
au fond de l’armoire cassée se cache le tableau des tournesols
la trottinette rouge à trois roues
adossée au mur, le sommier aux lattes manquantes
le vase made in China aux motifs floraux passés
le coffret de collection minéraux : onyx noire, quartz transparent, opale laiteuse
un amoncellement de vêtements de poupées
des chaussures en cuir bleu trop petites
le casque de moto bris et blanc
des lunettes 3D sur l’étagère

Camille A.

Disparition

Un champ sec
Des rangées d’arbres qui s’alignent dans ce champ sec
Les herbes entre le vert et le paille qui nous monte jusqu’à la cuisse
Derrière nous une haie vert forêt de cyprès
La maison est là
Un parallélépipède
La couleur de la pierre
Ce jaune orangé du sud
La forêt à côté du cabanon
Serrée avec des ragondins
On a peur quand on est petit
En contrebas de la forêt une rivière
Un ruisseau
Il fait froid
Sombre
On glisse facilement
Un ravin à huit ans
Dans les arbres une cabane
Une cabane qui va bientôt tomber pour les enfants
La fenêtre de la maison
Les fenêtres de la maison couleur rouille
Avec ce volet percé d’une multitude de petits points
Couleur rouille
Dans la maison les chambres
Elle sont en hauteur et vertes pomme
Une petite bibliothèque dans chaque chambre de la maison
La maison qui n’est pas une maison mais plutôt un cabanon
Un refuge
Les murs sont blancs dans la maison
Sur les murs les araignées contrastent avec le blanc
La fenêtre du cabanon en verre
Dévoile les pommes
Des ronces dans ces pommes
Des champignons sur les arbres
On entend la route
Le klaxon des voitures qui tournent
À côté de la maison un tas de sable
J’y jouais petite avant d’y découvrir des larves d’insectes
Chaud et aride
Un matelas dans le champs à l’ombre

Une échelle de pompier en fer rouillé ancré dans le mur
Un torchon avec des pommes
Des assiettes rondes
Une poubelle en métal
Le sol poussiéreux
Une fissure dans ce sol
Le poêle
Un empilement de magazines et de papiers
Des espadrilles vertes
Un chapeau de cowboy
Popi avec petit ours brun
Un chariot en bois bleu avec des jouets
Des bottes en plastique verte pomme
Une théière en verre posée sur le comptoir en béton
Un mini frigo
Cette espèce de poubelle rouge avec des trous
Le pommeau de douche sans pression
Savon de Marseille et Klorane
Un dentifrice rose au goût étrange
Le carrelage bleu
Un lit de bébé en bois
Les toilettes au compost
Okapi
La mappemonde en 3D
Les matelas à même le sol
L’échelle de chantier
Une pompe qui fait du bruit
Un balai

Camille-Ann L.

80m2 de vide

Les arbres à perte de vue un lac des feuilles mortes. Et se dessine des murs, fragiles mais robustes, vieux. Une porte en bois qui ne se ferme pas à clef, des clous, du bleu, foncés, terne, écaillé, du parquet, non un vieux planché et encore des clous, rouillés qui sortent des murs, attention on tu mets les pieds. Normes de sécurité ? On s’en fiche un peu. 80m2 de vide, de rien, de vieux, de poussière, de sans avenir à première vue. Mais ne jugez pas trop vite.

Très peu. Une armoire en métal, vieille comme tout le reste. Les portes ne se ferment pas. Pas étonnant. Des hautparleurs, des caissons de basse, poussiéreux, vieux, mais performants forte heureusement il n’y a pas de voisin. Un jack-jack rongé par les années, relié à une MX 880 tout aussi jeune, pleins de boutons qui ne marchent pas, tant que le master fonctionne la vie peut suivre son cours, Cela relié à un disque dur en surchauffe, contenant les meilleures pépites. Un miroir taché fissuré par endroit. Des barres longeant les murs, instable, c’est pour le décor, personne ne s’en sert ici c’est pas trop notre truc.

Inès R.

Faire l’inventaire

La maison est rassurante
Le jardin trop grand
Dans le mystérieux jardin
S’impose la porte
Le garage trop grand
Le garage est froid
Les marches apparaissent
Oranges et froides
La chaleur du bois
Des portes en pagaille
Les fleurs par la fenêtre
Je retrouve le couloir
Toujours propre
Toujours froid
Les volets claquent toute la nuit
La chambre est trop grande
Les jouets auxquels personne n’a jamais joué
Les murs apportent la lumière
Les fenêtres apportent l’extérieur
Les arbres décorent la maison
Elle décore les arbres
L’odeur de pain se répand dans la maison
Miroirs couleur or
La maison disparait
Puis j’entre dans la maison
Le sol se réchauffe
Les arbres se cachent
La porte rétrécit
Les murs se ressemblent
La maison est sombre
La maison est trop grande
Ils sortent de la maison
Les arbres meurent
Les fleurs fanent
Le temps la change
La maison ne changera jamais
Les lumières s’éteignent
Elle ferme ses volets.

Un caniche à roulettes, deux rouges, deux bleus
Un clown triste sur une affiche
Un canapé-lit qui grince
Un jeu de carte incomplet entouré d’un élastique
Une porte blanche à encadrement bleu marine
Un carrelage en marbre blanc carrare
« Toilettes » en bleu sur une petite pancarte blanche
Un papier peint beige, sans motif
Une baignoire pour bébé neuve
Un panier de fruits, tous en plastique, sauf une pomme
Une poivrière et une salière, la première plus pleine que la seconde
Une tapisserie noire avec des feuilles vertes, orangées et rouges
Deux fauteuils en cuir rouge bordeaux, l’un tourne sur lui-même, l’autre non
Une cheminée avec une vitre noire sur un mur blanc
Un placard en bois verni
Une boite de gâteau à demi-mangée par des mites alimentaires
Un béret marron à rayures noires
Un téléphone fixe avec un fil qui s’enroule
Un piano mal accordé
Une armoire aux vitrines en verre propre
Une Encyclopédie
Un livre sur l’histoire de Saint-Maixent-L’Ecole
Les 50 ans du Canard Enchainé
Une brouette semi-pleine de mauvaises herbes
Un portail blanc qui se replie sur lui-même
Une grande horloge avec des chiffres romains et des aiguilles plates

Nathan G.

Fenêtre oblique donnant sur le toit
On y grimpe quand personne n’est là
Puits de lumière et caisse de résonance
Même dans le silence
Le son mat des gouttes qui s’écrasent contre la vitre
L’escalier sans fin qui s’étire sur les étages
Le parquet d’abord dur puis la moquette épaisse
L’ascension vers le sommet
Le joyau à l’arrivé
Les larges vitres du bureau
La pièce baignée de lumière la journée
Et troublée par la tour Eiffel quand vient la nuit
La lumière qui ne peut pénétrer au sous-sol
Grésillement de la lumière artificielle
Aveuglement dans la pénombre
Des jouets des bocaux des vêtements
Suspendus dans le vide et suspendus dans le temps
Lieu caché que l’interrupteur replonge dans la clandestinité
Une peluche maintes fois recousue à qui il manque le bras droit
Des médailles suspendues sous la mezzanine
Une pile de cartes postales retenue par un élastique
Des fruits et légumes en bois dispersés sur le sol
Le même album illustré, à taille humaine, de poche et classique
Des vêtements en pagaille camouflés sous des manteaux
Des poufs qui ont encore gardé la marque de leur dernier occupant
Une veilleuse cachée dans un tiroir
Des jouets oubliés dans les marches
Des chaussettes seules tombées des bras chargés de linge
Un livre encore ouvert
Son marque-page sur la marche supérieure
Un parapluie posé et oublié sur la dernière marche
Des bocaux d’ananas en boite
Des pinces à linge encore sur le fil
Un trampoline
Une cuisine en bois
Des logos à chaque coins
Des paquets de gâteaux de 8 goûts différents pour faire plaisir aux enfants
Une balle rebondissante détruisant régulièrement la sculpture en Kapla située dans le coin droit

Pauline R.

Disparition

Une fontaine à la peinture bleue et orange délabrée dans le jardin. L’entrée par deux escaliers débouchant sur la terrasse. Les abeilles qui ne cessent de tourner autour des dattes et du thé. La chaleur permanente.
Le chauffe-eau paré de la théière trônant en permanence sur les plaques de gaz. L’entassement des torchons fleuris, à côté des grosses boîtes en aluminium de condiments. Les assiettes rondes cernées de motifs alambiqués posés sur les séchoirs en hauteur. Plusieurs sacs plastiques de pain plat entassés sur la table ronde devant la fenêtre. Y sont dressés également plusieurs pots de miel familial. Le rire des enfants qui courent. Un rideau de perles qui tinte.
Le tapis persan, la moquette. 2 lits, trop durs. Un backgammon sous un des lits, des jeux de cartes. La télé qui diffuse le même son nasillard toute la journée. Les dés du jeu qui ne cessent de rouler.
Un couloir : la machine à laver ronronnante, le panier à linge vert, de la moquette rosâtre. Des chambres, deux lits encore trop durs, une pile de livres : les Lettres Persanes, Une maison de poupée, Journal d’un vampire.
Les éclaboussures dans la grande salle de bain sans cabine, le tuyau d’arrosage qui y passait. Une baignoire jaunie, un pommeau de douche qui fonctionne à peine, et des dizaines de produits étalés sur le sol.
La moquette rosâtre du couloir. Au bout, un salon inusité, puis un autre encore, pour les grandes réceptions qu’il accueillait autrefois. Une deuxième télé, des DVD : les Indestructibles, Gang de Requins, la Môme. Des canapés et fauteuils recouvert d’une housse protectrice tout autour de la pièce. Une chaleur étouffante. La climatisation en permanence. Une porte avec des vitraux dont le soleil fait éclater les couleurs dans le salon inusité. La terrasse tout autour de la maison. Des plants fleuris qui parviennent à peine à pousser. Des pavés fissurés. Et de l’herbe, beaucoup d’herbe.

Sara D.

Une chance

Sur la gauche de l’image le bureau (hors cadre, à gauche, la fenêtre qui donne la lumière, sur la rue) sur lequel on aperçoit une bouteille d’eau en plastique et de nombreux dossiers, un premier plan de dossiers posés sur une table de télévision (achetée lors d’une brocante sur le boulevard), plus loin l’abat-jour des années soixante au dessus de l’ordinateur de bureau qu’on distingue à peine ; derrière il y avait une étagère, on y avait posé quelques statues, on ne les distingue pas, quelques pots contenant stylos usagés et pinceaux, je ne sais plus, outils ou autres objets, ce qu’on voit en dessous, c’est le radiateur (le chauffage est collectif, on n’a jamais froid, on n’allume jamais, et puis c’était un certain confort et puis c’était là, on n’y prenait ni garde ni attention – la seule chose qui restera), juste sur le côté une autre bibliothèque (une première, qu’on tente de distinguer bord cadre à gauche, un peu surélevée porte des volumes dont je ne sais plus dire les titres, mais il y avait là le Grévisse, et les trois tomes des lieux de mémoire) - on l’avait fabriquée lors de l’achat de ce bureau (il a coûté une blinde, un bras, un oeil...), au bazar, il y a vingt ou trente ans de ça et mise sur le bureau - la troisième bord cadre à droite, quatre fois plus grande que celle qui fait face, derrière la chaise (récupérée, poncée, repeinte, d’un bleu profond sur laquelle on distingue peut-être une chemise rouge posée sur un coussin d’une même teinte, tout ça n’a aucun sens), des livres des documents, à droite la housse d’une guitare (laquelle est-ce je ne sais plus, est-elle électrique acoustique qui peut le dire, le tout se trouve disposé sur un fond noir de suie), on distingue en amorce, à droite de l’image au premier plan le dossier arrondi d’un fauteuil en osier – noir,il avait été beige -, le miroir est légèrement au dessus du centre de l’image posé sur la bibliothèque (on y avait posé les livres de sciences humaines) - il ne reflète plus rien - il avait été offert par AM. Lors d’un anniversaire – AM s’en est allée, emportée par ce cancer il y a des années, on n’oublie rien, de rien, on s’habitue c’est tout – les amis les plus chers comme ceux qu’on ne voit qu’une seule fois, les parents immortalisés sur ces images à présent noires de suie, cet incendie qui dévasta tout, qui d’une pellicule, grisâtre brune graisseuse, recouvrit tout, cette odeur qui perdure encore dans les livres « sauvés », trente mois plus tard tu imagines ça ? Moi, non je ne m’en relève pas, vraiment j’erre, je nettoie, je reprends encore ces lectures interrompues, ce ne sont que des objets, sans doute, ils n’existent d’ailleurs plus… Pour contrer le remords, le souvenir, la perte, j’étais passé là, un jour de février ou d’avril, et fait cette image-là, de l’entièreté de la surface de l’appartement (ici ce n’est que le bureau, un coin du salon – j’avais gardé cette image-là, elle était là (à l’oreille, l’assurance - en la voix de sa chargée de clientèle - bonjour le poids – qui disait « mais non, monsieur, c’est à vous de régler l’enlèvement des déchets – ils sont à vous » – six mille euros, tu vois ça d’ici – cette ignoble compassion définitive mais tellement dans son droit, combien d’ordures abjectes a-t-on croisées à cette occasion ? J’ignore. Je préfère omettre, penser à autre chose, rechercher cette image tellement représentative de ces gens-là. Je l’ai gardée six semaines sur le bureau, en attendant de trouver l’autre, et puis finalement, non, j’ai écrit. Plus tard, hier, ce matin, recherché sur le disque dur externe qu’on ne voit pas mais qui était dans un des tiroirs du bureau, celui du bas, à la gauche de celui (ou celle) qui s’y assoit. La veille (je ne m’en souvient pas, mais la date est écrite sur le dossier de sauvegarde) je l’avais branché sur la rallonge qui épargnait d’aller chercher le port derrière l’ordinateur, et j’avais préservé ce qui pouvait l’être (opération pratiquée tous les mois, quand j’y pense) : la chance, elle est là.

La seconde, elle, date de septembre : les travaux, ils ont commencé par la pose de deux conteneurs, l’un bleu, l’autre rouge, dans la rue – la photo existe quelque part par là… ; les déchets, les peintures, les trous au sol, au plafond, aux murs, les vérifications, les rendez-vous, les évaluations, les listes, les vérifications encore, puis les enduits, les peintures à nouveau, les sols plastifiés d’un revêtement au lin, les portes et les huisseries, les plomberies et les électricités, et aussi les fenêtres qui viendront en leur temps, on répare, on refait, on n’en parle pas, on en dira plus quand c’en sera fini : ici, plus rien, de la lumière, des morceaux de quelque chose, qui sortent du sol, les conduits du chauffage, peut-être et puis un lampadaire qui a résisté au feu (gauche cadre, coupé), à la benne, à la poubelle, il reste aussi un radiateur, posé là (gauche cadre, en amorce, coupé), pour ne pas le jeter j’imagine – j’ai oublié de m’en faire, j’ai oublié mais non, tout est là, en mémoire, mais sur ces souvenirs, j’ai jeté un voile, un tulle, opaque peut-être… mais cette suie...

PCH


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