| Accueil
Contacts successifs #66

Tout, partout, tout à la fois

J’ai une idée en tête, écrire un poème sous la forme d’une vidéo que je veux réaliser, j’entrevois le but que je veux atteindre, mais ce n’est jamais celui auquel je parviens à la fin. Pendant le processus de création, j’expérimente des formes, cela peut parfois aller très loin de ce que j’ai imaginé au début. Ici, après être parvenu à écrire un texte, à partir de phrases extraites d’une quinzaine de livres lus dans le mois, j’avais l’idée de procéder selon le même principe pour la composition de la vidéo. J’ai collecté pendant tout l’été, en prévision de ce travail, plusieurs extraits de films qui retenaient mon attention. J’ai découpé ces longs extraits en petits bouts pour les faire entrer en correspondance avec le texte, sans qu’ils ne l’illustrent, plutôt pour le faire réagir, mettre en avant les échos que pourraient faire naître leur confrontation. J’avais mis en œuvre ce procédé dans ma série vidéo du film des films, L’Abécédaire des prépositions, sur laquelle je reçois encore des commentaires, cinq ans après sa mise en ligne, ce qui me réjouit bien évidemment. Le résultat me plaît mais quelque chose m’empêche de le diffuser en l’état. Je prends conscience que les images vidéo que j’ai réalisées la semaine précédente entrent mieux en résonnance avec le texte que les images collectées devenues déplacées désormais, inutiles.

Bordeaux, Gironde, 6 janvier 2018

Le bonheur du regard partagé

Je ne comprends pas comment on peut dépenser 24,1 millions de dollars, frais et commissions inclus, pour acheter un vieux maillot de base-ball ! C’est le record de l’objet sportif le plus cher jamais vendu aux enchères. Il s’agit d’un maillot de l’équipe des New York Yankees ayant appartenu à la légende américaine du base-ball Babe Ruth. Même si ce maillot est lié à un événement sportif exceptionnel, en l’occurrence le match historique de la finale des World Series en 1932 opposant les New York Yankees et les Chicago Cubs, le moment où le joueur a pointé son doigt dans la direction où il souhaitait envoyer la balle, avant de frapper un home run, c’est-à-dire de la propulser hors des limites du terrain, à l’endroit précis qu’il indiquait juste avant la lancer et de faire gagner ainsi son équipe, ce maillot ne mérite pas une telle dépense.

Un miroir éclaté

J’ai annulé mon rendez-vous chez le kiné pour manger avec ma tante, Caroline et les filles. Sur place, j’avais d’abord accepté de repousser le rendez-vous, puis trouvé plus sage de remettre cette séance à lundi. Depuis plusieurs jours, j’ai un doute, je ne sais plus si j’ai vraiment annulé la séance. Je me dis plusieurs fois dans la semaine qu’avant le jour J. il faudrait que je passe le voir ou que je l’appelle pour vérifier avec lui que je ne me suis pas trompé sur la date, que j’ai bien annulé ma séance de jeudi. Je repousse l’échéance et décide finalement de ne pas l’appeler, comptant sur le fait que j’ai bien annulé. En rentrant du pot de départ d’un de mes collègues, un petit-déjeuner à la bibliothèque, un peu avant de retrouver les filles à la maison vers 11h30 pour nous rendre ensemble au restaurant, je croise mon kiné sur le trottoir d’en face. Il me regarde, tarde à me reconnaître. Une voiture passe à notre hauteur, nous masquant à cet instant précis. Notre regard se prolonge, nous finissons pas nous saluer après un temps d’hésitation dans lequel je retrouve le doute qui assaille Marion Crane, arrêtée à un feu rouge, alors qu’elle s’enfuit en voiture avec l’argent qu’elle a détourné à son travail, lorsqu’elle croise par hasard son patron qui traverse la rue devant elle et qu’il la remarque sans vraiment réaliser immédiatement ce qu’il y a d’étonnant à la voir là.

Paris 19ème, 22 août 2024

Tout le malheur du monde

Un enfant seul dans une poussette double. Un homme à l’abri d’un parapluie, assis sur un banc dans un square désert où deux brumisateurs fonctionnent malgré la pluie. Un homme glisse avec son vélo sur les pavés luisants et tombe par terre de tout son long. Un homme ramasse des mégots au sol pour les fumer. Un homme fait semblant de parler au téléphone dans la rue, dès que les passants arrêtent de prêter attention à lui, il cesse son manège et arrête de parler dans le vide.


LIMINAIRE le 04/12/2024 : un site composé, rédigé et publié par Pierre Ménard avec SPIP depuis 2004. Dépôt légal BNF : ISSN 2267-1153
Flux RSS Liminaire - Pierre Ménard sur Publie.net - Administration - contact / @ / liminaire.fr - Facebook - Twitter - Instagram - Youtube