C’est difficile la nausée
Ce matin Alice a l’air fatigué, elle m’annonce qu’elle n’a pas bien dormi, qu’elle a mal au cœur. Cette expression me surprend toujours, d’ailleurs quand je fais une recherche à propos de ce terme sur Internet, l’ambiguïté persiste. Mal au cœur remplace souvent douleur au cœur. Il y a quelque chose d’enfantin au cœur de cette expression. Quelque chose qui ne passe pas, qui reste au bord. Le cœur au bord des lèvres.
Difficile la distance
Dans le calme de mon bureau, j’entends depuis le quatrième étage de la bibliothèque, en contrebas dans la rue, les cris perçants d’un bébé. Cela dure longtemps, envahit tout l’espace. Je ne perçois rien d’autre à l’extérieur, tous les autres bruits paraissent atténués, enfouis dans une ouate étonnante. Seul son cri tranche avec le reste, une note répétée. Je ne parviens pas à en découvrir la provenance dans la rue. Je comprends avec un retard étonnant que le bébé qui pleure est à l’intérieur de la bibliothèque mais que j’avais l’impression de l’entendre dehors, par un effet d’acoustique surprenant qui brouille sa provenance, entre intérieur et extérieur. Quelques heures plus tard, je vois passer l’information qu’en Israël des drones émettraient des sons d’enfants et de femmes pleurant pour attirer les Palestiniens avant d’ouvrir le feu sur eux, dans le camp de réfugiés de Nuseirat situé au centre de la bande de Gaza. Bien sûr, l’information n’a pas été confirmée. La violence cruelle de l’image marque cependant les esprits.
J’irai voir demain
Je travaille à la maison. J’hésite toute la journée à sortir me promener. Je repousse cette échéance. Plus je retarde ce moment, plus les nuages assombrissent le ciel. Je finis par sortir avant qu’il ne soit trop tard. En fermant la porte derrière moi je ne sais pas quelle direction je vais prendre. Je choisis au dernier moment. Je marche vite, sans réfléchir. Je me dirige vers Belleville. Je croise une lectrice de la bibliothèque. je la laisse me dépasser. Je marche lentement derrière elle. Ce qui me permet de remarquer sur le trottoir un petit panneau blanc sur lequel il est écrit : J’irai voir demain. Tout un programme. J’aime marcher au hasard des rues, me perdre dans un quartier que je connais en empruntant des rues que je n’ai jamais prises. Passer d’un arrondissement à un autre sans s’en rendre compte. Tourner plusieurs fois de suite dans des ruelles jusqu’à perdre ses repères. Et malgré tout parvenir à rentrer chez soi. En découvrant des lieux inédits. Sans jamais avoir besoin de se situer sur un plan.
I can’t breathe !
Un accident. Un officier de patrouille tombe sur une voiture vide ayant heurté un poteau électrique. Le conducteur du véhicule s’est réfugié dans un bar voisin. Ce que prétend un passant. Les agents de police entrent dans l’établissement. Une altercation s’ensuit alors qu’ils tentent de l’emmener au sol, l’homme crie à plusieurs reprises : Ils essaient de me tuer ! La pression du genou d’un des policiers sur le cou de l’homme par terre. Il crie : Je ne peux pas respirer. Je ne peux pas… Lâchez mon cou ! Les agents finissent par se relever. L’homme reste immobile au sol, face contre terre, pendant ce temps-là les policiers discutent avec les clients du bar. Ils vérifient ensuite l’état de l’interpellé, qui ne pas réagit pas. Ils cherchent son pouls, vérifient qu’il respire bien. Huit minutes après l’avoir menotté, ils lui détachent les poignets et tentent enfin de le réanimer. Pris en charge par une ambulance, l’homme meurt dans un hôpital local. Ce n’est pas un accident, c’est un meurtre.