Cet atelier s’inscrit dans le cadre d’une série d’ateliers d’écriture sur le thème de la ville que j’anime, depuis janvier 2020 pour le compte de la bibliothèque François Villon (fermée en ce moment pour travaux de rénovation) à la Maison des Associations et de la vie Citoyenne du 10ème. Je profite de la dernière séance de cette série d’ateliers pour inviter celles et ceux qui souhaiteraient y participer, à m’envoyer leur texte afin que je les diffuse sur mon blog (contact [@] liminaire.fr) ou de m’indiquer l’adresse de leur blog s’ils y participent pour que je puisse m’en faire le relais.
Pour la thématique de cet atelier je vous propose de travailler à partir de deux livres pour une séance en deux temps : 220 satoris mortels de François Matton (P.O.L.) et Le jour du chien, de Caroline Lamarche (Minuit).
Les satoris, dans la définition qu’en donne François Matton, empruntant le mot au bouddhisme zen qui reconnaît dans l’éveil une expérience transitoire dans la vie, presque traduisible mot à mot par épiphanie, le satori étant la réalisation de cet état d’éveil épiphanique, sont de « drôles d’événements non événementiel, pas spectaculaire du tout et pourtant parfaitement inédit. » C’est un « arrêt sur image. » Ou plus encore : « Une suspension du cours des choses. Une suspension du sens de tout. Vertige. Une perte de soi pour une présence de tout. » Si la légende parfois redouble le dessin, souvent elle s’inscrit en décalage avec lui et l’histoire reste à inventer. Ce rébus ou cette énigme est destiné au lecteur et nul doute alors qu’il croira y projettera ses propres histoires, ses doutes, ses espoirs.
Extrait :
« Quand on ne sait pas du tout ce qu’on comptait faire il y a à peine un instant. Quand de toute évidence la première des énigmes n’est pas près d’être résolue. Quand la vie prend des allures de Western. Quand la menace se précise. Quand on croyait avoir touché le fond mais qu’on découvre qu’il reste de la marge. Quand au bout de l’impasse on découvre une porte ouverte et qu’on s’y glisse transi de trouille. Quand le soleil et l’ombre rivalisent dans la dissolution. Quand ce qu’on voit au-dehors on le sait au-dedans. Quand on est si loin de chez soi qu’on a fini par l’oublier. Quand c’est plus qu’il n’en faut pour notre bonheur. Quand décidément tu exagères. Quand c’est une première et qu’elle ne déçoit pas. »
220 satoris mortels de François Matton (P.O.L.)
Consigne d’écriture :
Faire surgir une succession d’instants, d’arrêts sur images, de moments charnières où le temps et l’espace semblent suspendus, en alerte, de souvenirs et d’épiphanies, comme autant d’instants d’éternité, à partir de la répétition de phrases débutant toutes par le mot quand. L’accumulation de ces scènes, de ces situations qui surgissent dans le désordre de sentences à la succession chaotique, esquisse votre portrait en creux, une sorte d’autobiographie à visée universelle.
Dans ce livre de de Caroline Lamarche, Le jour du chien, c’est un jour de révélation. Ou plutôt un jour où remontent à la surface des souvenirs anciens ou récents, plus ou moins enfouis, plus ou moins ignorés, et sur lesquels tout à coup on met le projecteur, et les mots pour les exprimer. Six personnes assistent à la course folle d’un chien au bord de l’autoroute, manifestement égaré, sans doute abandonné par son maître. Le récit débute par le monologue d’un camionneur. On ne sait pas jusqu’où il va. Pourquoi il s’arrête ce jour-là ? Il est le premier à nous raconter son histoire. Ils seront six à décrire cet instant là, à cet endroit là. Six témoignages, à tour de rôle, six récits aux points de vue différents.
Extrait :
« Ils ont dû être contents d’avoir une lettre de camionneur, au Journal des Familles. Ce n’est pas souvent que ça doit leur arriver. J’ai écrit : « L’autre jour, sur l’autoroute, un chien abandonné courait le long du terre-plein central. C’est très dangereux, ça peut créer un accident mortel. » J’ai pensé, après l’avoir écrit, que « créer » n’était peut-être pas le bon mot, puis je l’ai laissé parce que je n’en trouvais pas de meilleur, et que créer, c’est mon boulot, bien que j’aie ajouté : « Mon boulot, c’est camionneur ». J’ai dit ensuite qu’il y avait un réel problème de chiens abandonnés, que ce n’était pas la première fois que je voyais une chose pareille, et que je voulais témoigner, non seulement pour que le public se rende compte, mais pour mes enfants, qu’ils sachent qu’un camionneur voit beaucoup plus de choses de la vie qu’un type dans un bureau, et qu’il a donc des choses à dire, même s’il n’a pas fait d’études. Par exemple, ai-je écrit, quand je pars le matin dans mon camion, comme je n’ai rien d’autre à faire qu’observer, je remarque les anomalies, et j’en parle. J’en parle quand je peux, quand je rencontre des gens qui ont envie d’écouter, ce qui n’est pas très fréquent parce que, dans les aires de repos où on s’arrête, on ne se dit pas grand-chose, à cause de la fatigue. Et puis moi, par nature, je ne parle pas beaucoup. Et mes enfants, je ne les vois guère. Heureusement que leur mère s’en occupe, c’est un ange. Mais moi, quand ils iront à l’université et que je serai à la retraite, il faudra que j’aie des choses à leur dire, sinon ils me regarderont de haut, comme tous les enfants regardent leurs parents, je ne prétends pas que notre famille soit une exception même si eux ils vont faire les études que moi je n’ai pas pu faire, à cause de mes parents, justement. »
Le jour du chien, de Caroline Lamarche (Minuit).
Consigne d’écriture :
Un événement en ville qui attire votre attention, un accident, une rencontre fortuite, un événement inattendu, raconter ce qui se passe à cet instant précis en utilisant trois points de vue différents, trois voix décrivant ce qui leur arrive par leurs monologues successifs, en prenant bien soin de choisir trois personnages très différents les uns des autres tout en veillant à faire apparaître l’événement qui les unit en arrière-plan.