
Un poème suscité par le passage d’un nuage, et un autre suscité par le photo d’un nuage — les deux nuages sont de forme et de taille identiques, et les ciels au fond d’un bleu identique, mais avec le second, il me faut retirer des couches et des couches de méditations esthétiques prééxistantes, toutes les influences du photographes, ses intentions, ambitions, etc. tandis qu’avec le premier, il n’y a que le problème de l’infini du ciel, et donc d’où commencer et où finir, et une fois le problème résolu, le nuage a disparu.
Cole Swensen (traduction Maïtreyi & Nicolas Pesquès) Et et et, 2025
Le souvenir au présent
C’est un monde où l’on peut être à la fois présent et absent. La source d’un écho. En apparence, oui, mais en apparence seulement. C’était encore la même altération des souffles, la même raideur de tous. Vient le silence. Puis, le cœur tout en palpitations. Et cette fois encore on ne dit plus rien. Jusqu’à ce qu’un mot soit prononcé. Un seul mot, inattendu dans le flux de tous les mots convenus. Alors les tremblements commencent. Dans cette pièce qui n’existe que dans ma tête. C’est étrange les rues juste après, quand c’est fini. Le calme. Je revois dans ma tête ce qu’on a fait. De la main jusqu’au cœur, il n’y a qu’un pas. Je laisse à d’autres le soin d’interpréter le monde. Les accidents c’est toujours à cause de quelque chose qui se trouve au milieu du chemin d’un autre quelque chose. Les gens ici sont devenus ceux qu’ils prétendent être. Ce serait drôle si ce n’était pas si grotesque. Quelque chose de beaucoup plus trouble, de beaucoup plus inquiétant et étranger, profondément étranger et pourtant décisif : un paradoxe. Celui-ci s’accorde au fur et à mesure de l’histoire à notre manière de la jouer. Chaque mot prononcé est un morceau d’ambre dans lequel on trouvera tout ce qui fait cette vie précisément. Apercevoir un visage familier. Rien n’est plus en moi que l’absence. Voir les images dans le noir pour voir si elles brillent, pour les rendre plus lumineuses encore. Un fil, infiniment fragile, s’est matérialisé de nulle part. Un minuscule rayon de soleil où tourbillonne une poussière épaisse. Un prolongement une réponse une riposte une ode un hommage un contre-pied. On perd de la vitesse, on perd tout, on ne peut plus se parler. Un trait pour chaque jour. Et rien que l’ombre d’un souvenir aujourd’hui. On ne sait jamais ce qu’il peut arriver avec les fantômes. Comme regarder des paysages compliqués par des fenêtres qui changent à chaque fois. J’ai regardé les images. Le souvenir au présent.