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Les lignes de désir

Sa lumière froide, un dernier éclat. Une fausse annonce. Souvent cela sera tout. C’est après que tout cela pose problème. Mais là il n’y a que les voix et les rires étouffés. Le gouffre de la gorge et la densité de l’air. La vibration des sons et le silence. Appuyé contre ce qui se dérobe, il n’est plus possible de tenir très longtemps. Mais une dérive immobile à l’intérieur de ses entassements, de ces enfouissements secrets. Là encore écrire. Pas d’autres solutions. Avancer dans le récit de cette absence qui nous dépasse, qui nous trouble. Barrer la mention inutile. Tout se transforme, s’enchaîne, tout doit se tenir. Un exercice d’une mélancolie joyeuse. C’est revenir aux certitudes du début, aux temps de la maîtrise. Avancer sans savoir où l’on va avec précision, sans connaître le destination finale. C’est retomber dans la puissance et la décantation de l’aube. Du temps passe, immobile. Plus rien ne nous relie au monde, les souvenirs d’une vie antérieure, les reflets d’un autre monde.

Je regrette de ne pas parvenir à mettre à profit les moments libres, pourtant nombreux et contigus, de cette journée où je suis libre de faire ce que je souhaite. Rien n’est que ce qui n’existe pas encore. Rien ne bouge pour celui qui se détourne, tout s’éveille au-devant de celui qui reste à l’écoute. Il ne craint plus. Il s’ouvre aux autres, à tout ce qui l’entoure, le surprend et l’émerveille, le trouble et le ravit. N’écoutez plus le bruit de vos soucis, ne pensez plus à tout ce qui vous arrive, vos erreurs, vos errements, oubliez même votre nom. La nuit se fait en vous. Vous entendez les voix sous les tilleuls, leurs sons feutrés dans les branches. Vous n’entendrez plus que le bruit de la rivière. Les forces qui fondent la réalité de notre monde mouvant et changeant. Et c’est à présent l’immobile qui devient une fiction. Tout le monde n’en parlera plus. Qui parle à qui de quoi ? Et le trouble vous prend comme en ces réminiscences que la vie parfois vous offre de votre propre passé.

La souffrance des souvenirs, que ne contient plus aucune mémoire, temps figé comme un tableau peint au mur, je le regarde, mais je ne vois rien qui bouge. Au cœur, la trace de leur passage immobile à des moments puis soudain comme emporté presque pressant. Disparu à la vitesse de la lumière, l’espace d’un instant. Ce n’est pas la fiction qui est moribonde, c’est la réalité. Morbide immonde. Non la chose mais l’effet qu’elle produit. Répétitions qui fonctionnent comme un refrain, une litanie. J’ai envie de retrouver la réalité rugueuse, Cette forme de vitesse là où s’entrecoupent les événements. Écrire se place entre voler et recevoir. Dans cet infime espace, dans l’infinie lenteur, en pratique de son écriture. Pas en idées, mais en choses. Écrire, c’est maintenant disperser les ombres, l’éphémère écho d’un souffle entendu en soi, d’un signe en équilibre, pas de portes dérobées, de la mémoire, dans un vertige immobile. Dans le silence, rien d’autre que le silence, dans ses formes nues.

Les images sont extraites de deux site que je vous invite à suivre sur Tumblr : From me to you et If we don’t, Remember me.

Dans le cadre de sa résidence à la bibliothèque Robert Desnos de Montreuil, Anne Savelli m’invite à présenter Les lignes de désir, mon projet de fiction en cours d’écriture.

Les lignes de désir sont des passages coupant à travers parcs et espaces verts, visibles sous forme de pistes de terre mal dégrossies ou chemins marqués dans le paysage à mesure d’un piétinement journalier.

Lecture multimédia du texte, par Pierre Ménard et Anne Savelli, suivie d’une rencontre, jeudi 19 mai 2011 à 18h00, à la Bibliothèque Robert-Desnos à Montreuil.


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