Ici, on vous demande de vous couvrir les épaules et les jambes avant d’entrer dans les églises.
Ici, les chauffeurs de taxi souffrent d’une mauvaise réputation, mais il y en a qui vous conduisent à l’aéroport par des raccourcis si ingénieux qu’on s’y retrouve en un rien de temps en évitant tous les embouteillages, et d’autres qui vous emmènent où vous voulez comme si vous faisiez partie de leur famille.
Les habitants sont économes en gestes et en paroles, mais ils perpétuent une longue tradition d’hospitalité.
Ici, discrétion et secret sont synonymes.
On aime s’attabler en terrasse pour contempler les autres passer dans la rue, on appelle ça passegiata.
Tout est si peu cher qu’on a plaisir à arrondir les sommes qu’on due sans se soucier de l’appoint.
Ici, les plantes sont fantastiques, leurs noms à l’unisson : bananiers, palmiers, thuyas, cyprès, pins d’Alep, caroubiers, figuiers de Barbarie, citronniers, orangers et pêchers.
Dans le Jardin botanique de Palerme, on trouve même des ficus magnolia avec leurs racines aériennes, des cactus, du papyrus égyptien, des palmiers alignés comme des statues, des kapokier, des arbres à savon, des sycomores, des yuccas géants.
Ici, les palais sont des décors faits d’entrecroisements d’arcades et de crénelages curvilignes, certaines de leurs fenêtres ont des arcs tressés polychromes, des décors de marbres, de stucs et de sculptures.
Tous les styles se mélangent avec harmonie, les chapelles baroques côtoient les arcs gothiques qui reposent sur des colonnes Renaissance.
L’éclat des mosaïques, contrastant avec la pénombre des édifices religieux, nous invite au recueillement, propice à la méditation spirituelle.
Quand il pleut en ville, il suffit de cheminer d’église en église pour rester au sec et voir le soleil revenir en se demandant finalement si la pluie n’était pas qu’une illusion passagère.
Ici, les putti attirent notre regard et notre tendresse comme s’il s’agissait de nos propres enfants.
Ici, les marchés sont des lieux de vie avant d’être des lieux de commerce, des cantines à ciel ouvert, sur les étals les produits frais s’y mêlent et nous font de l’œil dans un désordre appétissant, tandis que le commerçant apostrophe son voisin en criant que ses produits sont bien meilleurs.
Ici, les chiens corpulents sont indolents, affalés à l’ombre, les chats plus chétifs, sont fuyants et sales. la fidélité n’est pas leur point fort et les chiens, à qui ont laisse sur le trottoir de pleines assiettes de riz ou de pâtes, leur sont souvent préférés.
La caponata remplace avantageusement la ratatouille.
Ici, on mange des panelle (crêpes de pois chiches frites), des crocchè (boulettes de purée de pomme de terre frites). Les pâtisseries sont délicieuses et colorées, fruits en pâte d’amande, cannoli à la ricotta fraîche, la glace se mange dans une brioche.
Ici, tout paraît plus sucré.
Ici, c’est une forme d’improvisation. [1]
Les escaliers et leurs volées de marches nous invitent à l’ascension, là-haut le point de vue est encore plus beau.
Les collines plongent par moutonnements successifs, dans les eaux turquoise de la mer.
La terre tremble et le volcan fume encore, on peut apercevoir depuis l’avion, au-dessus de son sommet qui dépasse la masse d’épais nuages, la fumée qui s’échappe.
Une barre d’immeubles peut cacher un temple grec, une ville moderne une ville animée de ruelles escarpées, de petites places charmantes
Ici, acropoles, temples, amphithéâtres, demeures normandes, palais, thermes, églises, nous racontent l’histoire de notre civilisation.
Ici, les cimetières résistent au tremblement de terre mais des œuvres in situ ravivent leur souvenir et préservent leur mémoire.
Ici, les vieux aux visages tannés par le soleil, restent des heures immobiles sur un banc, une chaise, un pierre et leur regard dans le vide, leur donne des allures de statues.
Ici, on ne peut parvenir à oublier Palerme.
[1] Le titre de cet article est celui d’un film d’Arnold Pasquier