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Jouer avec le code pour hacker nos vies

De retour du festival documentaire IDFA qui s’est déroulé fin novembre à Amsterdam, Joël Ronez a dressé une liste des œuvres et des artistes les plus innovants de la sélection interactive, une source d’inspiration pour comprendre les lignes de force créatives en production numérique :

« Suivre le travail de Kyle Mc Donald (@kcimc) artiste américain qui joue avec le code pour hacker nos vies, dont le désopilant Exhausting a crowd d’après Georges Perec, ou Conversnitch (une fausse lampe qui capte toutes les conversations et les envoient sur Amazon Mechancial Turk où des humains payés à la pièce les publient sur Twitter) ou la bluffante vidéo prise avant hier à Amsterdam ou les images sont décrites en temps réel par un couplage avec un réseau neural. »

Dans les années 50, les situationnistes ont développé une réflexion sur la question urbaine, par l’intermédiaire de la psychogéographie notamment. Leurs descriptions de l’espace urbain dénonçaient un espace perçu comme ennuyeux. Leur projet était de refonder la ville afin de créer des ambiances inédites permettant la construction de situations, c’est-à-dire des moments de vie à la fois singuliers et éphémères.

En octobre 1974, Georges Perec tente de prendre note de tout ce qu’il voit sur la place Saint-Sulpice, dans le 6ème arrondissement de Paris, pendant trois jours d’affilée et à différents moments de la journée. Il en établit ainsi dans Tentative d’épuisement d’un lieu parisien, un inventaire de la vie quotidienne, sa monotonie, mais aussi les variations infimes du temps, de la lumière, du décor, du vivant.



Exhausting a crowd (tentative d’épuisement d’une foule), l’œuvre interactive de Kyle Mc Donald présente une image dont l’angle de vue et rappelle le plan général d’une vidéo surveillance enregistrant en temps réel un même lieu pendant 12 heures, la place de Piccadilly Circus, à Londres ou à Amsterdam et Rotherdam aux Pays-Bas, en rendant hommage aux situationnistes et à Perec dans l’exploration ludique d’un espace urbain spécifique. Les visiteurs du site peuvent en effet visionner le flux vidéo et ajouter leurs observations en temps réel sur l’environnement visible pour décrire les personnes et les événements qui surviennent dans l’espace public.

Kyle McDonald a également mis au point un programme baptisé NeuralTalk and Walk capable de décrire ce qu’il voit à travers la webcam de l’ordinateur. Il réussit a analyser le contexte, le décor et les textures de ce qu’il capte via la webcam. Ce programme est une version modifiée du code NeuralTalk d’Andrej Karpathy.

« Neural Talk génère un descriptif sur ce qui est posé devant soi, écrit Vincent Didier dans son article Emmenez Balzac avec vous. Bien entendu, ceci n’est pas sorti de nulle part, comme la conscience humaine. La machine ne ressort que ce qu’on y a mis. Dans un paysage complexe, seul un ou deux items vont être décrits suivant des priorités pré-définies. Une base de données est axée à un moteur de sélection visuelle. Reste à définir entre le bruit perceptif et l’objet signifiant ce qui justement va se détacher du lot. Et c’est à ce croisement-là qu’on définit l’intelligence artificielle, dans la pertinence des énoncés et l’écrêtage des massages, leur lisibilité immédiate. Il y a donc là-dessous un gros travail sur les schèmes perceptifs à partir sans doute d’images fixes, de photos. La banque de données étant extensible à l’infini, le réglage perceptif doit également s’auto-corriger, se trouver une assiette, un niveau de lecture, des choix d’items signifiants entre le palimpseste informatif et la redondance cognitive. Un algorithme d’intelligibilité entre les mots et les choses. »



Kyle McDonald, artiste-chercheur américain de renommée internationale, travaille avec le code. Il crée des systèmes complexes et des réalisations ludiques. Il partage toujours son code source et engage les autres à créer et à contribuer à son propre travail, alimentant ainsi une recherche permanente. Il était récemment chercheur invité en résidence au Yamaguchi Center for Arts and Media, au Japon et est pour le moment professeur adjoint à l’ITP.

« La base de mon travail, c’est à dire programmer, s’effectue en solitaire mais je me nourris presque exclusivement de mes rencontres. J’aime apprendre des autres et pour entamer une collaboration c’est d’abord une question de coup de cœur artistique.

La présence du corps, du visage, de l’identité sont récurrentes dans le travail de Kyle McDonald. Comme dans Sharing Faces, installation qui permet à des individus éloignés d’entrer en contact via des miroirs interactifs. Ces derniers ont la particularité de renvoyer l’image d’une autre personne. Fonctionnant sur le principe de la reconnaissance faciale et comportementale, la pièce interroge la relation à l’autre et le désir de partage.

Augmented Hand Series



« La présence du corps est récurrente dans le travail de Kyle McDonald, peut-on lire sur le site Digitalarti. Comme dans Sharing Faces, installation présentée au festival Bouillants près de Rennes en mai dernier, qui permet à des individus éloignés d’entrer en contact via des miroirs interactifs. Ces derniers ont la particularité de renvoyer l’image d’une autre personne. Fonctionnant sur le principe de la reconnaissance faciale et comportementale, la pièce interroge la relation à l’autre et le désir de partage. »



Les interactions humaines, la recherche du lien social qui unit les individus, sont au cœur du projet artistique de Kyle McDonald : « Il ne s’agit pas d’évoquer le rapport entre l’homme et la machine mais entre l’homme et l’homme. Simplement au milieu de cette relation il y a parfois une machine. C’est justement là que se situe la subtilité du travail de l’artiste. »

Blind Self Portrait



Partir à la découverte de l’inventivité de Kyle McDonald en visitant son site est une source d’inspiration et de réflexion constantes, ébouriffantes et réjouissantes, que ce soit avec Portrait Machine, une installation photographique interactive de 2009 qui permet de visualiser les relations ente les visiteurs (couleurs des vêtements, attitudes dans la pose, la forme du visage, etc.), ou bien encore dans Serendipity,
une carte montrant (et nous faisant entendre) les personnes écoutant un même morceau en même temps sur Spotify, sur l’ensemble de la planète. Et Face Substitution qui permet de substituer en temps réel le visage d’un individu (connu ou inconnu, jeune ou vieux, homme ou femme) sur son propre visage en mouvement devant l’écran et la caméra qui le filme.




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