L’Hôtel de Lauzun, anciennement Hôtel Pimodan, est un hôtel particulier du XVIIe siècle, situé au 17 quai d’Anjou sur l’île Saint-Louis à Paris.
Pendant la première moitié du XIXe siècle, l’hôtel passe entre les mains de plusieurs propriétaires. Il est loué par des alchimistes, des teinturiers (il prend d’ailleurs un temps le nom d’hôtel des Teinturiers) mais aussi des écrivains comme Théophile Gautier ou Charles Baudelaire.
Charles Baudelaire vivra dans plusieurs domiciles sur l’Île Saint-Louis. Au 22, quai de Béthune, puis au 15, quai d’Anjou, mais son séjour le plus marquant fut celui à l’hôtel de Pimodan, rebaptisé depuis hôtel de Lauzun. Il y emménage en 1843, alors qu’il a 22 ans. Il y loue un modeste appartement au troisième étage. Il y reçoit de temps à autre son ami Théophile Gautier. Apollonie Sabatier, son amante et sa muse, lui rend parfois visite. Sa liaison tumultueuse avec Jeanne Duval, sa « Vénus noire », ancienne maîtresse de Nadar, installée dans un appartement de la rue de la Femme-sans-Tête (aujourd’hui rue Le Regrattier), déclenche les plaintes du voisinage.
Dans sa petite chambre sous les combles, Charles Baudelaire écrit de nombreux poèmes qui formeront Les Fleurs du mal.
Le club des Hashischins, fondé à Paris par le docteur Jacques-Joseph Moreau de Tours, organise de 1844 à 1849 ses réunions dans les salons de l’hôtel. Les séances mensuelles de ce groupe voué particulièrement à l’étude et à l’expérience de drogues (principalement le haschisch) avaient lieu chez le peintre Joseph Ferdinand Boissard de Boisdenier, dans un appartement loué au peintre par le baron Jérôme Pichon. De nombreux scientifiques, hommes de lettres et artistes français de cette époque (Baudelaire, Nerval, Gautier, Delacroix, Daumier, Balzac) ont fait des passages dans le club des Hashischins lors de ces séances.
Théophile Gautier invite ses amis à ces séances et fait peu à peu étendre le cercle. C’est là qu’il rencontre pour la première fois Charles Baudelaire, venu un jour en simple observateur. Une grande amitié débute alors entre les deux poètes. Théophile Gautier écrira d’ailleurs la préface des Fleurs du mal.
« Des meubles luisants,
Polis par les ans,
Décoreraient notre chambre ;
Les plus rares fleurs
Mêlant leurs odeurs
Aux vagues senteurs de l’ambre,
Les riches plafonds,
Les miroirs profonds,
La splendeur orientale,
Tout y parlerait
À l’âme en secret
Sa douce langue natale.
Là, tout n’est qu’ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté. »
Baudelaire revient de temps en temps dans cet hôtel, il racontera plus tard certaines de ses expériences dans Les paradis artificiels, une étude sur les effets du haschich et de l’opium. Il habite de 1843 à 1845 l’appartement situé au-dessus de celui du club des Hashischins, où il y trouvera l’inspiration du poème Invitation au voyage), cependant, tout comme Théophile Gautier, Charles Baudelaire ne restera pas très longtemps dans le club, il est lui aussi assez peu satisfait par les mauvais effets de cette drogue qu’il décrira dans Les paradis artificiels :
« Car d’abord, quand vous avez bien constaté qu’un nouveau jour s’est levé sur l’horizon de votre vie, vous éprouvez un bien-être étonnant ; vous croyez jouir d’une légèreté d’esprit merveilleuse. Mais vous êtes à peine debout, qu’un vieux reste d’ivresse vous suit et vous retarde, comme le boulet de votre récente servitude. Vos jambes faibles ne vous conduisent qu’avec timidité, et vous craignez à chaque instant de vous casser comme un objet fragile. Une grande langueur (il y a des gens qui prétendent qu’elle ne manque pas de charme) s’empare de votre esprit et se répand à travers vos facultés comme un brouillard dans un paysage. Vous voilà, pour quelques heures encore, incapable de travail, d’action et d’énergie. C’est la punition de la prodigalité impie avec laquelle vous avez dépensé le fluide nerveux. Vous avez disséminé votre personnalité aux quatre vents du ciel, et, maintenant, quelle peine n’éprouvez-vous pas à la rassembler et à la concentrer ! »
Théophile Gautier et Baudelaire ne participeront cependant pas souvent aux séances, disant que « Après une dizaine d’expériences, nous renonçâmes pour toujours à cette drogue enivrante, non qu’elle nous eût fait mal physiquement, mais le vrai littérateur n’a besoin que de ses rêves naturels, et il n’aime pas que sa pensée subisse l’influence d’un agent quelconque. »
Aujourd’hui, L’Hôtel de Lauzun abrite l’Institut d’études avancées de Paris.