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La photographie en acte

« Je fais des photographies pour savoir de quoi auront l’air les choses une fois photographiées. » Garry Winogrand.

Déambuler dans la rue, de manière frénétique, armé de son appareil photo, l’endroit permet de se confronter de manière plutôt intrusive, décomplexée, un large choix de situations, de figures différentes, d’origines culturelles et de catégories sociales variées, hommes et femmes amoureux ou indifférents, l’appareil toujours chargé, en main. Utiliser le grand angle pour obtenir une grande profondeur de champ qui dispense de tout réglage de mise au point, images d’une netteté implacable, aux contrastes forts, traquant chez ceux qu’il croise et photographie, la relation étrange entre intimité et acceptation du jeu social, dans un exercice sans cesse renouvelés jouant avec le potentiel constant du hasard et de la rencontre.

Travailler dans la foule, corps à corps très physique, parfois à moins d’un mètre de son vis-à-vis. Faire confiance au flux de la ville, à sa vivacité, pour produire des circonstances qu’on ne peut contrôler. Pulsionnel, le regard aiguisé, le photographe déclenche à grande vitesse, avec un geste vif, assuré, qui surprend ceux qu’il croise et photographie. Avec un regard si rapide qu’on ne parvient pas à le saisir, être sûr qu’il s’est bien posé sur nous, nous a capté. Ce temps gagné à la prise de vue lui permet d’enregistrer des situations drôles, surprenantes, percutantes, sensibles, émouvantes et poétiques, toujours saisis dans l’instant. La grande luminosité dont il dispose en travaillant en extérieur explique ses temps de pose très courts, l’aspect graphique et contrasté de ses images. Sortir avec dix rouleaux de pellicule et ne rentrer chez soi après les avoir toutes utilisées.

Dans la préface du catalogue de l’exposition au Jeu de Paume Marta Gili écrit : «   New York est pour lui un lieu de vertige, comme une grande roue, une machine en constant mouvement, avec laquelle il faut marcher coude à coude, et respirer les instants révolus ou les actes avant qu’ils n’aient lieu : en somme, expérimenter avec la proximité des gestes, la concordance des formes, la contiguïté des limites, l’affinité des mouvements ou l’échange des regards, au lieu de le faire avec l’instant décisif  ».

Garry Winogrand considérait les tirages de ses photographies comme indépendantes de l’acte photographique lui-même. Le choix des images à partir de la planche contact et leur tirage imprimé sur papier sont deux enjeux différents. Mort prématurément à l’âge de 56 ans, le photographe a laissé derrière lui des milliers de négatifs à développer (300.000 négatifs inexploités et pas moins de 2500 pellicules non-développées), qu’il n’avait même pas examinés pour la plupart, et dont certaines pellicules ont été tirées pour la première fois à l’occasion de la rétrospective du Musée du Jeu de Paume qui s’est achevée le 8 février. Un choix pas évident, alors que rentre en jeu le regard du défunt photographe.

L’acte photographique est souvent plus important que le tirage photographique lui-même.





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