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Transports en commun

Le roulis des wagons du train, bercé par la vitesse constante, la monotonie des images qui défilent derrière la vitre, du mal à les fixer, la chaleur ambiante, étouffante, le bruit par toutes les fenêtres ouvertes pour laisser entrer l’air, tout nous invite à somnoler, les yeux deviennent lourds, il faut les fermer, et l’on s’endort rapidement.

Les habitués du train le savent bien, les places du côté du soleil sont à bannir dès qu’il commence à faire chaud, derrière la vitre, le soleil est plus brûlant encore, et le manque d’air devient vite insupportable.

C’est comme ce collègue qui me racontait hier qu’au Maroc pour aller plus vite, ne comprenant pas pourquoi tout le monde en ville s’agglutinait sur le même trottoir, il avait traversé pour passer de l’autre côté, sur le trottoir vide en plein soleil, se ravisant très vite, car il y avait bien sûr une bonne raison à cette cohue, la fraîcheur de l’ombre valait bien qu’on ralentisse sa marche et qu’on progresse un peu moins vite. La chaleur nous apprend les vertus de la lenteur, l’habitude celle des bonnes places dans le les transports en commun.

Il n’y avait plus de places disponibles sur le côté non exposé au soleil du wagon dans cette fin d’après-midi estivale, je me suis donc assis en plein soleil. Une jeune femme m’a imité en se plaçant juste devant moi, dans le sens inverse de la marche du train. Le soleil l’aveuglait, elle a plusieurs fois de suite fermé les yeux, placé sa main en appui de sa tête afin de la maintenir droite et de protéger ses yeux du soleil, mais la torpeur s’est rapidement emparée d’elle, envahissant tout son corps comme une fièvre. Elle a fermé les yeux et s’est rapidement endormie.

Je l’ai regardé longuement avant de la prendre en photo. Sur la vitre au verre dépoli par le temps et l’infiltration d’humidité, je ne voyais que les couleurs et les formes évasives du paysage de banlieue défilant à vive allure. J’ai pensé tout d’abord à cette myriade de points colorés qui se forment pétillants sous nos paupières lorsqu’on ferme les yeux après avoir fixé trop longtemps le soleil, vert, rouge, orange, bleu. Un feu d’artifice de couleurs. J’ai fixé longuement son visage, ses yeux fermés bougeaient, ils tressautaient de la façon qu’on peut l’observer chez une personne endormie. Elle était en train de rêver. Je voyais défiler ses rêves sur la vitre dépolie à sa droite comme projetés sur la toile d’un cinéma improvisé en extérieur.

Je l’ai prise en photo pour me souvenir d’elle, de sa beauté, de la lumière que son visage accueillait à merveille, avec douceur et tendresse. Pour me souvenir de toutes celles que j’ai déjà photographiées ainsi dans le train, mes belles endormies.

Et pour garder une trace de ses rêves dont, selon toute vraisemblance, elle ne se souvenait plus en se réveillant à l’arrivée du train en Gare de Lyon. Et c’est seulement lorsque j’ai diffusé cette image sur mon compte Instagram et qu’il a fallu lui donner un titre comme je le fais tous les jours, qu’après transports en commun, en train de rêver s’est imposé. Comme une évidence.


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