Avant de se retrouver sur notre lieu de rendez-vous, le Parc Ueno à Tokyo, nous traversons Ameyoko (ou Ameya Yokocho) qui peut se traduire par l’allée des confiseurs ou des sucreries, le produit que l’on trouvait sur place à l’époque de la création du marché.
Petite ruelle étroite très animée sous les arcades bruyantes de la voie de chemin de fer.
C’est la première fois que tu expérimentes cette organisation, s’inscrire avant d’entrer dans le restaurant bondé, dans l’une des colonnes de la fiche, noter son nom, à la suite de l’enfilade de signes japonais que tu ne déchiffres pas, les quatre lettres de ton patronyme, sourire et plaindre en même temps la serveuse qui viendra nous appeler pour nous conduire jusqu’à notre table enfin libre, le moment d’attente, en suspens, intense concentration, avant de prononcer au mieux ce nom qu’elle n’a pas l’habitude d’appeler, se lever avant même qu’elle ait terminé, non pas pressés de passer à table, mais pour éviter son embarras. Manger sans faim, se demander comment notre corps va pouvoir tenir le choc à suivre notre guide à travers la ville et les heures de marche qui nous y attendent, alors que nous venons juste d’arriver au Japon. Les merveilles aussi, ce plaisir infini d’arpenter un lieu inconnu, et même quand on commence à y trouver ses repères, troisième voyage mine de rien, se laisser aller, se perdre volontiers.
Le Parc Ueno diffère des autres jardins de la capitale japonaise avec leurs arbres à foison, et leurs étendues d’herbe à perte de vue. Ici, ce sont les zones à la surface bétonnée qui distribuent les temples et les sanctuaires, qu’on remarque avant tout. Plusieurs grands Musées Nationaux sont rassemblés dans le Parc, de larges galeries d’expositions artistiques ainsi qu’une salle de spectacle. Le fameux étang Shinobazu, et le parc zoologique.
C’est sans doute en début de printemps, pour la floraison des cerisiers japonais que le Parc se transforme réellement, transfiguré. Il devient alors l’un des lieux les plus courus et appréciés de Tokyo pour les sakura, où les rangées d’arbres (on en dénombre 8.800 au total) teintés d’un rose éclatant surplombent les inévitables bâches bleues sur lesquelles les Japonais passent un bon moment et parfois s’enivrent.
Retrouver, dans le goût un peu fade et suranné du Ginkgo biloba qui entre dans la composition du chawanmushi japonais, comparables aux pistaches, une nourriture traditionnelle en Chine, souvent servies aux mariages, parfois aussi considérées comme aphrodisiaques, la désagréable odeur de la graine de Gingko qui jonche certains parcs et qui, écrasée par mégarde, envahit nos narines et nous fait hâter le pas pour nous en éloigner au plus vite, en chasser l’odeur prégnante (la paroi externe des ovules se décompose en dégageant une odeur d’acide butyrique), pour comprendre enfin, fut-ce au prix d’une surprenante expérience culinaire, le lien entre ces graines au sol (les ginkgos plantés ont plutôt tendance à être des arbres mâles) et ceux que l’on mange dans certains restaurants, sans cela incompréhensible.
L’arbre taillé en rond de Kiyomizu Kannon-do, la belle perspective qu’il offre. Fondé en 163 et déplacé sur son site actuel en 1698, il appartenait au temple Kaneiji. Le Kiyomizu Konnondo est dédié à Senju Kannon, déesse de la miséricorde, c’est peut être pour ça qu’il a résisté dans le temps à tous les conflits, dont la guerre de Boshin et les bombardements de la seconde guerre mondiale, ce qui a fait de lui un des plus anciens temple de la capitale nippone. Inspiré par le magnifique Kiyomizu Dera de Kyoto, il en reprend les principaux traits, mais en beaucoup plus petit.
Le guide est là, montre le chemin, mais sans carte, mouvement qui paraît improvisé, qui s’organise au fur et à mesure, en fonction de nos envies, des distances et de ce qu’il souhaite nous montrer. Il nous parle comme à des amis, le tutoiement est de rigueur, les informations très fournies. Et ce moment où tu remarques qu’à force de l’écouter, marchant à ses côtés, tu n’as pris aucune photo, l’appareil devenu encombrant. Tu prends alors un peu de distance, continuant à l’écouter d’un peu plus loin, pour entrer à ton tour dans le récit que te propose la ville et dont tu commences à enregistrer quelques bribes éparses, effets de lumière, curiosités topographiques, surprises locales, gestes et attitudes, regards et sourires.
Sanctuaire Hanazono Inari, également appelé le Gojoten Jinja dont l’entrée est marquée par un énorme Torii en pierre, suivi d’une allée de mini torii en bois rouge qui rappelle le sanctuaire Fushimi Inari de Kyoto.
Trônant à l’extrémité d’une haie de lanternes de pierre, le magnifique temple de style chinois, Tosho-gu, avec ses ornements d’or et sa pagode à cinq étages. Ce sanctuaire shintô est installé dans le parc depuis 1627.
À la nuit tombée, le paysage coloré du parc de Ueno se transfome pour discrètement révéler les nombreux SDF (Houmuresu) qui s’y sont regroupés. Un temple du Parc est d’ailleurs entretenu par ces sans-abris
Gojo-tenjinsha est un minuscule lieu de culte shintoïste gardé par des renards (symbole du Kami Inari, protecteur des maisons) ce temple est vraiment bien caché. L’allée de torii rouges caractéristiques des temples permet de le repérer.
Tu n’es pas un photographe professionnel, tu utilises l’appareil comme de nombreux autres objets technologiques, un mélange de pratiques soutenues et de naïveté technique, croyant que la créativité est toujours plus importante que la technique. Tu pourrais aller plus loin en apprenant à te servir de tes outils, et l’appareil photo en premier lieu, mais tu préfères borner l’intérêt de tes photos à un savoir-faire approximatif, amateur (au sens noble du terme) et une passion dans ce que tu photographies plus que dans la manière avec laquelle tu les photographies, sûr de ton cadre, et de ce que tu y cherches, y trouve parfois, sans te douter que la technique n’est pas un frein, mais qu’elle pourrait t’aider à aller encore plus loi dans tes recherches.
Pas de buildings dans le quartier pittoresque de Yanaka, mais de belles maisons en bois entourées par le cimetière qui étire ses tombes comme les chats qui se prélassent au soleil sur les pierres tombales. Temples et pagodes se succèdent le long des petites ruelles bordées d’arbres taillés en bonzaï géants.
Tu commences à en prendre conscience, d’abord avec un léger regret, tentant de suivre les conseils du photographe, mais surtout au moment où tu admets le travail qu’il te reste à accomplir, qui au lieu de te frustrer, te ravit, comme lorsque tu envisages le chemin qu’il te reste à parcourir
Les rues de Yanaka laissent entrevoir un Tokyo plus ancien, plus historique, qui est là depuis des siècles, sans grand changement. Un quartier où il fait bon se balader pour aller de découvertes en découvertes. Ribambelle de petites maisons, adorables petits temples, cimetières nichés dans des bosquets de pins et de cerisiers, venelles et ruelles campagnardes, beaucoup de vélos, peu de voitures, et des habitants qui vivent à un rythme moins effréné qu’ailleurs.
Yanaka est composé de très nombreux temples et sanctuaires, qui ornent fièrement ses rues et ruelles, dans une sorte de labyrinthe d’allées entre le cimetière de Yanaka, la Sakura dori au sein de ce cimetière, et le temple Tenno-ji construit en 1274. À l’entrée de ce lieu sacré se trouve une statue de Bouddha en bronze construite par Ota Yemen. Il s’y trouve aussi une statue de la Déesse de la miséricorde Kannon.
Dans les allées du cimetière, les chats dorment sur les dalles des tombes, comme s’ils se reposaient aux pieds de leurs maîtres.
Sur la façade d’un temple moderne, tout en béton, au deuxième étage de celui-ci, une porte ouvre sur le vide. Je me souviens avoir remarqué une même chose il y a quatre ans, lors de notre précédent voyage au Japon. J’apprends que par mesure de sécurité, tous les bâtiments doivent impérativement posséder une issue de secours par étage. En cas de besoin, un toboggan gonflable s’ouvre pour permettre une sortie rapide du bâtiment.
Arrêt à la galerie-atelier d’Allan West. Allan West est un artiste américain japonisé. Tombé amoureux de l’art asiatique (et d’une Japonaise), il vit depuis les années 80 à Tokyo, travaille à l’ancienne, réalise des objets d’arts, des paravents, des peintures et des calligraphies.
Bouteilles d’eau minérale disposés au sol pour empêcher les chats d’uriner sur les plates-bandes des maisons. Les chats ayant peur de leurs reflets dans le miroir de l’eau.
À l’angle d’un carrefour, Mikado Pain se tient sous un grand pin de l’Himalaya qui recouvre pratiquement la toiture. La boutique ne vend plus de pain de nos jours mais le commerce est toujours ouvert. Le pin a été planté à l’époque où le fondateur y avait lancé un salon de thé. À présent, le pin est âgé d’environ cent ans et sa taille dépasse la toiture. La vieille dame qui tient désormais cette boutique ne supporte pas qu’on photographie l’arbre qu’elle voulait faire couper car il menaçait sa boutique et qui a soulevé contre elle un comité de soutient à l’arbre pour le sauvegarder comme symbole du quartier.
Le sanctuaire de Nezu Jinja est classé parmi les dix sanctuaires de Tokyo les plus importants. Ses sept enceintes, y compris la principale de style Gongen bâtie en 1706, sont classées comme Biens Culturels Nationaux Importants. Le sanctuaire est très apprécié de la population locale et apparaît dans un grand nombre d’œuvres littéraires comme celles d’Ogai Mori ou encore de Soseki Natsume. Le lieu est également renommé pour son fameux site d’azalées au printemps. Roses, blanches, violettes...
Ce qu’il te raconte, qui vient se juxtaposer à ce que tu vois, ce que tu ressens au fil du chemin, entre parfois en conflit avec ce que tu perçois, contredisant tes impressions, comme tes propres pensées se mêlent parfois indistinctement en toi.
Le Parc de loisirs Tokyo Dome City Attractions est situé à côté du Tokyo Dome dans le quartier de Bunkyō. Ouvert en 1958, il fut connu jusqu’en avril 2003 sous le nom Kōrakuen. Parmi les attractions, la grande roue Big O Ferris wheel et les montagnes russes Thunder Dolphin.
Nous prenons le train jusqu’à Ochanomizu Station. Nous traversons le fleuve Kanda de nuit (lignes de train, route et lumières dans la nuit).
On ne doit pas fixer ce qui a été improvisé, c’est trop mortifère.
Temple Shinto dans l’arrondissement de Chiyoda, entre Akihabara et Ochanomizu. Détruit plusieurs fois à cause de séismes ou d’incendies, il a été reconstruit pour la dernière fois en 1934.
Le sanctuaire Kanda Myojin est le point de départ du Kanda matsuri, l’un des trois plus grands festivals shintô de Tokyo, qui se tient tous les deux ans, les années impaires, le samedi et le dimanche autour du 15 mai. D’apparence plutôt classique ce sanctuaire se démarque des autres temples par ses ema, plaquettes de bois qui servent de support pour les messages de remerciements ou les prières adressées aux dieux, décorés aux couleurs de personnages de manga par des fans. Des ema très spéciaux, décorés de personnages de manga.
Le quartier d’Akhihabara surnommé Electric City est une succession de magasins d’informatique et d’électronique. Écrans géants et enseignes lumineuses à profusion. On y trouve de tout et dans tous les genres. Du neuf, de l’occasion, de la location, de la récupération, du matériel pour amateur ou professionnel. Impossible de compter le nombre de magasins d’informatique, d’audio, de vidéo, de GPS, de photographie, dans le quartier. Entre les petites échoppes et les magasins géants de plusieurs étages, on est sûr de trouver tout ce qui touche de près ou de loin à l’électronique.
Le manga et les jeux-vidéo tiennent une place aussi importante à Akihabara que l’électronique. Des affiches géantes, représentant presque tous les personnages de manga et d’animé, tapissent les murs des immeubles.
Akihabara c’est aussi le quartier des magasins érotiques, qui s’élèvent souvent sur plusieurs étages. De très nombreux maid cafés et de cafés à thème également, ces cafés où les serveuses viennent vous servir habillées en soubrette et en vous appelant maître. Choc culturel en découvrant l’existence de maid nettoyage d’oreilles avec des filles qui nettoient les oreilles des visiteurs ou des bars à lait maternel.
Découverte du bâtiment historique de la Poste centrale de Tokyo.
KITTE ouvre pour la première fois ses portes en face de la gare centrale de Tokyo. Il s’agit du premier établissement commercial de la Poste japonaise. Son nom KITTE signifie à la fois timbre et Venez !
L’établissement occupe sept étages, du 1er sous-sol au 6ème étage, de la JP Tower et se compose d’une partie conservée et rénovée de l’ancien bâtiment de la poste centrale de Tokyo ainsi que d’une partie nouvelle.
Du haut de certains immeubles, la ville disparaît presque totalement la nuit. Quelques guirlandes lumineuses apparaissent encore au loin, sans nous aider à reconnaître les volumes des immeubles, leurs dimensions, la répartition et la structure des quartiers, aplanissant l’ensemble urbain en le transformant en une voûte céleste inversée où les points lumineux, pâles astres urbains peinant à rivaliser avec ceux de la rue, qui parviennent encore à nous éblouir parfois, dans certains quartiers, Shibuya, Shinjuku ou Ginza, sans nous leurrer tout à fait en reproduisant le jour en pleine nuit (comme c’est encore le cas à Times Square à News York), désignent d’inconnues constellations qu’on a peine à reconnaître, à nommer, dans un ciel noir envahissant tout.
À Tokyo, le quartier d’affaires de Shiodome accueille au pied du building du Nippon Television Network, la très poétique horloge imaginée par Hayao Miyazaki, le maitre de l’animation nippone. Cinq fois par jour, ses automates s’animent et ses aiguilles deviennent folles… Avant de reprendre leur place, pour mesurer à nouveau, la course implacable et inéluctable du temps. Cette horloge a été créée sur le modèle du Château ambulant.
Dans le quartier de Shimbashi, une locomotive a été placée ici en 1972 pour célébrer les 100 ans de la première ligne de trains japonaise de la JNR (Japanese National Railways) dont Shimbashi était le terminus.
Nous émergeons de la frénésie de Shinjuku, les jambes lourdes d’avoir marché toute la journée. Dans le dédale de rues semi-piétonnes où l’on peut se promener tranquillement, et manger dans les très nombreux restaurants enfumés. Nous sommes à Tokyo, c’est l’aventure.
Le parcours se dessine sans carte mais c’est pourtant sur une carte qu’à la fin du périple, le guide nous montrera les endroits qu’il juge intéressant et nous incite à faire de notre côté, les jours prochains, et ceux que nous avons faits dans la journée, en encerclant les endroits traversés. Non pas la forme d’une ligne serpentant sinueuse à travers les différents quartiers de la ville, mais des zones géographiques formant en nuage l’image diffractée de notre parcours de la ville.