La forme la plus simple de la carte géographique n’est pas celle qui nous apparaît aujourd’hui comme la plus naturelle, c’est-à-dire la carte qui représente la surface du sol telle que vue par un œil extraterrestre. Le premier besoin de fixer les lieux sur la carte est lié au voyage : c’est le mémento de la succession des étapes, le tracé d’un parcours. Il s’agit donc d’une image linéaire, telle qu’elle peut être donnée seulement sur un long rouleau.
Italo CALVINO
Le voyageur dans la carte in Collection de sable
Ligne de désir et contraintes directionnelles
La ligne de désir signifie « la courbure optimale du tracé qu’un piéton laisse dans son sillage lorsqu’il est totalement libre de son mouvement. » Mais cette notion est contrariée par les « contraintes directionnelles » réparties sur le territoire urbain, comme les passages pour piétons, la circulation à moteur, « les espaces publics mobiles » auxquels il faut ajouter les « espaces publics immobiles » installés sur les parcours afin de permettre aux piétons de jouir autrement de l’espace urbain. Ce sont tous les équipements destinés à faciliter l’accès et permettre de mieux accueillir le piéton : bancs publics, terrasse de café, kiosques à journaux etc… Entre tous ces dispositifs, le désir du marcheur urbain tend à lui permettre de privilégier « l’accès le plus direct possible à la destination. » Toutefois, cela comporte des risques. « Les piétons font des compromis pour minimiser ce risque lorsque des dispositifs le permettent, tout en essayant de préserver au maximum la ligne de désir optimale qui serait originellement leur choix. »
La géographie comme genre de vie : un itinéraire intellectuel, Paul Claval
« Les prévisions de trafic des ingénieurs reposaient sur des enquêtes menées au domicile des citadins pour préciser leurs déplacements. En mettant directement en relation les points d’origine de ces mouvements et le lieu où ils aboutissaient, on obtenait une figuration de la vie de relation à l’intérieur de la ville, indépendamment de le structure des voies. C’est par la comparaison de la carte des lignes de désir (c’est ainsi que les flèches représentant les flux étaient désignées) et de celle des déplacements réels, que les ingénieurs pouvaient choisir les itinéraires où faire porter les investissements pour faciliter la circulation globale. »