Dans ce passage guère accueillant, qui conduit au parking de cet immeuble sans charmes, ce lieu qui n’est pas un lieu, lieu de transition plus qu’un lieu de passage, tout en longueur, on n’y traîne guère. L’immeuble est au bout, en retrait de la rue, assurant la relative tranquillité de ses habitants. Une fois passé le porche d’entrée, dans le mur, sur la droite il y a une niche dont l’entrée est protégée par une porte à barreaux métalliques qui ne ferme plus. Qui dit porte, qui dit verrou, dit forcément protection de nos jours, dans nos villes fermées à double-tour. Ce recoin est devenue une cachette, les enfants ne jouent pas dans cet endroit, une cache donc. Mais un homme ne peut y pénétrer. Ici, c’est toute une communauté secrète qui dissimule dans cet endroit, comme d’autres dans des coffres forts, leurs précieuses affaires, valises et sacs de voyages improvisés, draps et matelas enroulés à la hâte protégés de la pluie et des intempéries par des sacs de fortune trouvés dans la rue.
Il suffit parfois d’ajouter une chose à une autre pour que le sens de l’une et l’autre crée quelque chose d’inédit. Une phrase en appelle une autre et leurs échos répétés produisent quelque chose d’inattendue, un sens nouveau. Une note sur la partition. L’arbre dans la ville est ainsi, révélateur. Son ombre court sur le mur. Sa course lente aux rythmes des heures qui s’écoulent. C’est cela une ville, l’ombre fuyante d’un arbre sur un mur de marbre, de béton ou d’acier. Forme libre, évolutive sur forme fixe. À chaque heure du jour, et même la nuit, sous les éclairages urbains. La souplesse, la fluidité de l’un dialogue avec la rigidité, la présence inaltérable de l’autre. Chaque jour y laisse sa trace. Rues étroites et profondes. Rues à reprendre sans cesse, où reprendre souffle, palpiter d’émotions anciennes, de toute cette épaisseur de temps ainsi éprouvée. Les heures trop vives de nos vies. Vieux mur effondré doucement sous l’afflux de lumière, ultime coquetterie de ce jour automnal.
Texte révisé le 23 juin après lecture du 31 mai au 3 juin 2010 sur France Culture par Rebecca Stella et Olivier Claverie (comédiens), dans l’émission Les Passagers de la nuit de Thomas Baumgartner. Le texte « Les lignes de désir » composé de 1001 fragments de 1001 signes chacun, est un récit à lecture et circulation aléatoire et c’est aussi dans le processus d’élaboration du texte sur internet qu’on invente comment on avance. Au jour le jour...