
offrandes et libations miel pain fleurs et eau fraiche vers qui invite
splendeur émouvante de se sentir appelée
ça chante pinsons et merles ça s’agite abeilles et papillons ça pique en
bouquet d’ortie
à moi la vivance de la langue à moi les grandes bêtes venez à la visite
ça crie dedans avec livrées sauvages ça cavale muscles et foulées dans
les hautes herbes
de grands pans pivotent ouvrent à de la vastitude nouvelle
de grands portes métalliques s’élèvent et donnent sur rien mais
l’horizon
ça tresse des courbures de panier ça cueille des fraises au bois
comment
ramez, disaient-elles
c’est la lumière de l’aube elle déborde soudain avec tendre assurance
s’invite dans les ombres accroche ses couleurs aux arbres à la terre aux
fenêtres jusqu’au clavier
* il y avait au long des côtes du monde une île où s’était formée une cité sur les rives d’un fleuveavec ses balcons ses rinceaux et grilles ses avenues et arbres
avec ses maisons serrées
ses fenêtres à carreaux ses rideaux fins de tulle ses femmes à corsage
et ses hommes à chapeaux
des petites filles se promenaient à socquettes
des petits garçons se promenaient à chaussettes
des grand-mères à boucles d’oreille lisaient le soir des histoires sous des lampes
près des lits
dans l’air du matin des chevaux auburn tireraient des grandes carrioles à bouteilles de lait en verre
quelque fois dans la nuit une panthère noire ferait visite
les réverbères projetaient
dans les chambres leur lumière de persiennes
chacun chacune était bientôt rangé dans son lit
geignait ronflait criait mise à mort
dormait dans leurs rêves
s’était formée une ville de toits gris de zinc
une ville de chats de quinquina de dubonnet
une ville de charbonniers
une ville de décembre en mandarines
et dans cette ville de vies de cris de morts
et dans cette île avec tous les autres
elle était

*
en écho à michel butor, Illustrations II, Gallimard, 1969. il y avait au large de l’Europe une île où s’était formée une cité considérable, pendant quelque temps la plus importante de toute la terre, sur les rives d’un fleuve large et lent, avec ses places et ses fontaines, ses grilles, ses balcons, ses stores, ses enfilades de maisons monotonement élégantes avec leurs chaînes de pierre et de briques alternées
Texte écrit par Maryse Hache qui invite mon texte L’usure du temps chez elle, dans le cadre du projet de Vases communicants : ’’le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre.’’