Vendredi 4 juin 2010
offrandes et libations
Maryse Hache

offrandes et libations miel pain fleurs et eau fraiche vers qui invite

splendeur émouvante de se sentir appelée

ça chante pinsons et merles ça s’agite abeilles et papillons ça pique en
bouquet d’ortie

à moi la vivance de la langue à moi les grandes bêtes venez à la visite
ça crie dedans avec livrées sauvages ça cavale muscles et foulées dans
les hautes herbes

de grands pans pivotent ouvrent à de la vastitude nouvelle
de grands portes métalliques s’élèvent et donnent sur rien mais
l’horizon

ça tresse des courbures de panier ça cueille des fraises au bois


comment

ramez, disaient-elles

c’est la lumière de l’aube elle déborde soudain avec tendre assurance
s’invite dans les ombres accroche ses couleurs aux arbres à la terre aux
fenêtres jusqu’au clavier

* il y avait au long des côtes du monde une île où s’était formée une cité sur les rives d’un fleuve

avec ses balcons ses rinceaux et grilles ses avenues et arbres

avec ses maisons serrées

ses fenêtres à carreaux ses rideaux fins de tulle ses femmes à corsage

et ses hommes à chapeaux

des petites filles se promenaient à socquettes

des petits garçons se promenaient à chaussettes

des grand-mères à boucles d’oreille lisaient le soir des histoires sous des lampes

près des lits

dans l’air du matin des chevaux auburn tireraient des grandes carrioles à bouteilles de lait en verre

quelque fois dans la nuit une panthère noire ferait visite

les réverbères projetaient

dans les chambres leur lumière de persiennes

chacun chacune était bientôt rangé dans son lit

geignait ronflait criait mise à mort

dormait dans leurs rêves

s’était formée une ville de toits gris de zinc

une ville de chats de quinquina de dubonnet

une ville de charbonniers

une ville de décembre en mandarines

et dans cette ville de vies de cris de morts

et dans cette île avec tous les autres

elle était

*

en écho à michel butor, Illustrations II, Gallimard, 1969. il y avait au large de l’Europe une île où s’était formée une cité considérable, pendant quelque temps la plus importante de toute la terre, sur les rives d’un fleuve large et lent, avec ses places et ses fontaines, ses grilles, ses balcons, ses stores, ses enfilades de maisons monotonement élégantes avec leurs chaînes de pierre et de briques alternées

Texte écrit par Maryse Hache qui invite mon texte L’usure du temps chez elle, dans le cadre du projet de Vases communicants : ’’le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre.’’

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