Dimanche 16 février 2025
Tout disparaît dans la durée
Contacts successifs #90

La vie à l’improviste

J’ai commencé à publier mes textes sur un blog en 2005 (on peut en trouver de lointaines traces sur Web Archive propulsé par Dotclear). Au moment où la plateforme tooblog qui l’hébergeait a fermé, vers 2010, son créateur m’a offert un hébergement accompagné d’un nom de domaine. C’est à cette époque que j’ai créé mon site Liminaire.fr avec Spip, site que j’ai modifié au fil du temps. Depuis plusieurs années, je continue de l’utiliser activement (plus de 2600 articles, en moyenne deux publications hebdomadaires), mais je n’ai plus modifié profondément sa structure. J’ai décidé en ce début d’année, pour fêter ses 15 ans d’existence et ma présence en ligne depuis 20 ans, de le modifier enfin pour lui permettre de fonctionner en toute sécurité et de manière plus fluide, avec la nouvelle version de Spip 4.3, et de proposer à mes lecteurs une nouvelle navigation plus visuelle. Pour ce faire, après avoir réalisé un brief très complet afin d’expliquer la structure que je désirais, avec l’ensemble des rubriques (réduites à quatre : Projets, Écriture, Chronique et Création), mettant en valeur notamment les séries que je mène depuis plusieurs années, le podcast en lisant en écrivant et mon Journal du regard, j’ai travaillé avec Joachim à qui j’ai demandé de réaliser l’adaptation technique et sa traduction sur Spip. Il m’a plusieurs fois aidé lorsque mon site était bloqué après avoir été hacké. Il a créé de nombreux sites pour d’autres auteurs. Les échanges que nous avons eus ces dernières semaines ont été passionnants. C’est un site à mon image, l’image y est centrale. Dans son ancienne version, il contenait d’ailleurs une rubrique que je n’avais jamais réussi à rendre opérante : le site en images. Ce n’était jusqu’à présent qu’un diaporama photos. Dans cette nouvelle version, on navigue directement par l’image. À la fin de chaque article, une zone grisée permet de retrouver Dans les archives, le dernier article du thème ou de la rubrique et trois autres pris au hasard dans l’ensemble du site, pour inviter à la déambulation et à la lecture.

Jardin des Plantes, Paris 5ème, 2 février 2025

Nous ne formons qu’un seul corps

C’est un rêve étrange. Caroline et moi sommes montés dans un manège qui ressemble à un bus. Nous sommes à l’avant. Nous apprenons à ce moment là, devant la fenêtre ouverte, que le manège consiste à sentir tous les odeurs les plus désagréables comme le vomi, le gaz d’échappement, les égouts, les déchets en décomposition, la pourriture, l’odeur de gaz, d’œufs pourris, les fruits du durian, le hareng fermenté, les intestins nécrosés. À peine lancé, nous en descendons sans même nous en rendre compte, nous voilà errant dans les allées d’un supermarché, en mettant un peu de temps avant de comprendre qu’on est sorti du bus sans le vouloir. On essaie d’y retourner sans savoir pourquoi. Le lendemain, un autre rêve. Dans un train à l’arrêt, j’aperçois le père de Caroline attablé près de la vitre. Il se lève lentement sans me voir au moment où je m’approche de lui. J’attends son retour, mais très vite, intrigué par ce qui m’entoure, je me rends compte que je ne suis pas dans un train mais dans une immense pièce. On dirait un restaurant. Il pleut dehors, je prends des photos à travers les vitres, mais à l’intérieur aussi il pleut. Je photographie les personnes qui s’agitent en tous sens sans que je parvienne à comprendre ce qui les anime. Je finis par revenir vers mon mon point de départ. La table du père de Caroline est toujours vide. Il n’est pas revenu.

Partir pour aller où il n’y a nulle part où aller

Parfois, on a aucune prise, aucune réponse. Sans doute on se détache, on se trouble un peu. Quelque chose, on dirait, déborde à l’intérieur. Sans risquer le jour. Se placer à l’intérieur de l’attente. Une image, une série d’images. Quelque chose de tout simple. Un regard comme un appel de l’obscurité. Parfois au cœur du mot refuge j’entends tout ce que tu dis. On pourrait se taire après avoir lancé quelques mots. J’exagère mais je ne sais plus qui parle ni même à qui parler. Juste quelques phrases et disparaître. Le lieu de leur absence. Le paysage s’anime. Impatient dans le mouvement. Les feux improvisés la nuit les étoiles. Dans la répétition de leurs mouvements. une manière d’inquiétude. L’indistinction entre le jour et la nuit est à la limite. Rentrer après une courte absence. Comme l’élastique revient à sa position initiale. Ici n’est pas là ni maintenant.

Maison du Brésil, Cité Universitaire Internationale, Paris 14ème, 4 juillet 2022

À la fin quelque chose serait vrai

Parfois il faudrait oser. Hausser la voix. Dire ce qu’on pense, ce qu’on retenait jusque là, ce qui brûle en nous, là, au bord des lèvres. Parler, s’exprimer, oui. Mais parler à qui ? Ça ne sert à rien si on ne s’adresse pas à la bonne personne. Parler pour rien, dans le vide, parler et ne pas être entendu. Il faudrait pourtant se lancer, oser enfin. Il faudrait que ça sorte. Que ce soit dit, une bonne fois. Mais non. On préfère se taire. C’est plus simple. Plus facile. On est fatigué. Lassé. On se demande à quoi bon ? Pas envie d’insister, pas envie de forcer, de risquer… quoi d’ailleurs ? Un regard, une réaction, un refus ? Alors on garde tout dedans. Ça reste là, coincé à l’intérieur. Ça se creuse difficilement un passage. Ça s’insinue. Ça ronge, ça pique, ça mord. Poison lent. Jusqu’au jour où. Non. Là, ce n’est plus possible. Il faut parler enfin. Ne pas s’emporter, non. Dire les choses simplement. Les mots les uns après les autres. Les prononcer distinctement. Que ce soit intelligible. Qu’on comprenne. Pas seulement entendre. Comprendre. Soudain quelque chose se passe. Un frisson dans l’air. On le voit dans les yeux de l’autre. Qui hésite. Qui baisse un peu la tête. Qui lui aussi… peut-être… aurait voulu dire, aurait voulu parler, mais non, il n’a pas osé. Faire le dos rond, attendre que ça passe. Ça ira mieux demain. Après tout, c’est comme ça. Travailler dans le froid, on s’habitue. Il suffit de se couvrir. Non. Il ne suffit pas de se couvrir, de se cacher, de se voiler la face. Il faut parler, trouver les mots. Dire que ce n’est pas possible. Dire que ça doit changer. Dire, et alors, quelque chose se met en mouvement. Dans l’attente d’une réponse. Une autre se lève. Et oui, il faut parler. Dire pour agir. Dire pour que les choses existent. Que ça change enfin.

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