
Une minute dure six respirations
Ce n’est pas la première fois que je lis un livre tête-bêche, dans lequel on peut débuter par des entrées différentes. Le plus connu, et celui qui m’est le plus cher, est bien sûr Marelle de Julio Cortázar. Je me souviens aussi du livre de Milorad Pavić, L’envers du vent. Dans ce livre, l’auteur serbe invente la forme du roman-sablier. Composée de deux parties disposées tête-bêche, cette œuvre possède deux débuts et une seule fin, située au milieu du livre. Une fois lue la première moitié de l’ouvrage, il faut ensuite le prendre à l’envers pour en poursuivre la lecture de la même manière que l’on retourne un sablier. Dans le livre que je viens de terminer, Salamalecs d’Antonythasan Jesuthasan, le récit peut se lire d’un côté comme de l’autre. Rien ne nous laisse deviner le contenu de ces deux parties. Sur le recto et le verso de la couverture, aux motifs semblables mais aux couleurs subtilement différentes, l’emplacement du code-barre de l’éditeur incite à commencer la lecture par le récit du parcours du personnage à son arrivée en France. Ce que j’ai fait, car je ne voulais pas lire les premières pages du livre pour faire mon choix. Une fois le livre achevé, je serai curieux de connaître les impressions des lecteurs qui commencent le récit par l’autre côté, la vie du personnage dans son pays, le Sri Lanka, avant qu’il doive le quitter. Ce livre retrace en effet le destin d’un homme, immigré tamoul, d’origine srilankaise, tiraillé entre deux univers opposés qui pourtant se prolongent en miroir. [1]
Même l’oubli fait corps avec nous
L’oubli se mêle à la matière qui nous compose. On avance, sans savoir si le mur devant nous va résister ou si nous refusons de céder. L’air lui-même réclame ses limites. Revenir sur ses pas, c’est éprouver la différence du monde à chaque détour. Les mots, parfois, s’enferment dans un mutisme si dense qu’il devient promesse. Un repos dans le bruit, une éclaircie passagère dans le ciel. Les portes, même closes, laissent passer l’attente. Personne ne ferme sa porte de la même manière. Certains tirent doucement le battant vers eux, d’autres le laissent claquer avec fracas. Tout persiste dans sa forme provisoire. On pourrait s’arrêter là, accepter que ce qui ne s’ouvre pas ne s’ouvrira plus. Mais, l’espace continue à battre, replié sur lui-même, comme un fruit dans la lumière, plein de sa propre fin. On regarde, on écoute. Le silence a des angles inédits, des poids, des ombres. Il se glisse entre les vitres, s’étire entre nos pas. Le monde se referme à la mesure de nos gestes, puis recommence à respirer. Ce qui nous entoure ne s’éloigne jamais vraiment. Il attend seulement que nous changions de place.
Chaque jour des énergies différentes
Bien sûr, mes activités quotidiennes ne sont pas toujours aussi variées qu’aujourd’hui. Après avoir été invité par mes collègues du pôle adultes de la bibliothèque à leur présenter le nouveau fichier Excel que j’ai mis au point pour organiser l’ensemble de nos valorisations physiques et numériques en bibliothèque (pour les gérer mois par mois, et service par service), l’ensemble de leurs actions de valorisation et de médiation numérique, j’ai assisté (en tant qu’observateur) à la répétition de l’exercice incendie qui aurait lieu avec le public aux heures d’ouverture de la bibliothèque. Puis, je suis rentré à la maison pour manger. Au retour à la bibliothèque, avec l’une de mes collègues, responsable de l’accueil des séniors et du Portage à domicile, nous nous sommes rendus ensemble au Club Sénior à proximité de la bibliothèque pour participer, comme d’autres structures associatives et municipales, à un accueil dans leurs locaux où nous avons présenté un jeu de cartes à partir de photographies vernaculaires. L’œil en coin est un jeu avec 100 cartes grand format de photographies anonymes issues du fonds de la galerie Lumière des Roses, mais également de la collection privée de l’enseignant et chercheur en photographie, Cédric de Veigy. Un joueur choisit une photographie dans son jeu et lui attribue une légende. Les autres joueurs s’inspirent de cette légende pour sélectionner à leur tour une image. Une fois toutes les cartes retournées, les regardeurs devront retrouver la photographie du légendeur. Le jeu a attiré et intrigué le public. À force de nous poser des questions sur ces cartes singulières, les personnes se sont pris au jeu. De retour à la bibliothèque, j’étais chargé du standard. Pendant ce temps, j’ai finalisé une affiche pour notre grand rendez-vous de l’année prochaine sur le textile. Je suis rentré vers 19 h. Caroline et moi, nous avons accueilli à la maison l’assemblée générale de L’Air Nu, dont nous sommes respectivement, trésorière et président depuis 10 ans déjà.
Nous pouvons nous demander ce qu’est en réalité ce réel
L’armée israélienne a utilisé régulièrement des animations 3D, représentant les cibles du Hamas, du Hezbollah ou de l’Iran, depuis octobre 2023. Ces films, identifiables par leur style uniformisé, constituent une nouvelle approche visuelle d’un conflit. L’enquête de Jack Sapoch, spécialiste de la reconstruction 3D, dont l’enquête est retracée dans son intégralité sur +972 Magazine, révèle que ces images reposent rarement sur des preuves vérifiées. Sur 43 vidéos étudiées, il identifie des environnements réutilisés, des erreurs spatiales et de nombreux emprunts à des artistes et institutions extérieurs, comme le créateur américain Ian Hubert qui réalise des modèles sur mesure pour son projet de science-fiction Dynamo Dream ou le Scottish Maritime Museum. Ces décors imaginés pour des œuvres de science-fiction ou des reconstitutions patrimoniales se retrouvent ainsi transformés en « sites terroristes ». Ces vidéos sont produites en interne par une petite cellule d’animation au sein de l’unité du porte-parole de l’armée israélienne, avec des logiciels accessibles comme After Effects et Blender. Ces animations brouillent la frontière entre preuve et fiction, participant à une guerre de perception où l’image précède souvent le fait. Faute de journalistes présents sur le terrain, elles sont le plus souvent reproduites sans véritable analyse critique par de grands médias internationaux. Cette enquête révèle l’importance croissante des animations 3D dans l’information et la manière dont celles-ci influencent les opinions publiques en temps de guerre, déformant la véracité des faits en construisant une réalité parallèle digne d’un métavers.
[1] Salamalecs, d’Antonythasan Jesuthasan, traduit du tamoul (Sri Lanka) par Léticia Ibanez, Zulma, 2025