Cet atelier s’inscrit dans le cadre d’une série d’ateliers d’écriture sur le thème de la ville que j’anime, depuis janvier 2020 et jusqu’en juin, pour le compte de la bibliothèque François Villon (fermée en ce moment pour travaux de rénovation) à la Maison des Associations et de la vie Citoyenne du 10ème. Dans l’impossibilité de le mener encore une fois sur place pour des raisons sanitaires, je propose aux participants inscrits une version vidéo, à distance, de cet atelier d’écriture. J’en profite pour inviter celles et ceux qui souhaiteraient y participer, à m’envoyer leur texte pour que je les diffuse sur mon blog ou de m’indiquer l’adresse de leur blog s’ils y participent pour que je puisse m’en faire le relais.
Pour la thématique de ce dernier atelier en ligne sur la ville j’ai pensé aux noms des rues. Dans les variations sémantiques des noms de ville dans Du côté de chez Swann, de Marcel Proust, l’évocation du simple nom d’une ville suffit au narrateur pour imaginer des voyages merveilleux. Pays rêvés ou pays réels, Noms de pays : le nom constitue une invitation à la réflexion sur la puissance évocatrice des mots et des noms :
« Les mots nous présentent des choses une petite image claire et usuelle comme celles que l’on suspend aux murs des écoles pour donner aux enfants l’exemple de ce qu’est un établi, un oiseau, une fourmilière, choses conçues comme pareilles à toutes celles de même sorte. Mais les noms présentent des personnes - et des villes qu’ils nous habituent à croire individuelles, uniques comme des personnes - une image confuse qui tire d’eux, de leur sonorité éclatante ou sombre, la couleur dont elle est peinte uniformément, comme une de ces affiches, entièrement bleues ou entièrement rouges, dans lesquelles à cause des limites du procédé employé ou par un caprice du décorateur, sont bleus ou rouges, non seulement le ciel et la mer, mais les barques, l’église, les passants... »
Je vous propose donc un atelier où vous irez puiser dans le nom des rues, des quartiers de la ville où vous avez passé votre jeunesse, où vous vivez aujourd’hui, où vous travaillez, matière à écrire de courts textes autobiographiques, à partir du livre de Jacques-François Piquet, Noms de Nantes, paru aux éditions Joca Seria, en 2002.
Présentation du texte :
Jacques-François Piquet a passé toute son enfance à Nantes. Dans ce livre, il se souvient de tous les lieux qu’il a fréquentés alors, qui fonctionnent comme le théâtre de la mémoire. Sa jeunesse inscrite dans le nom des rues de la ville. Quartiers, places, jardins, ruelles, se succèdent en un classement topologique, et c’est toute une biographie familiale qu’on découvre, avec ses fêtes et ses chagrins, ses peurs et ses amitiés. De rue en rue, au fil de ses souvenirs, l’auteur revient sur les traces de son enfance, dans les différents endroits de sa jeunesse, toute une époque où la présence ressurgit dans les creux du souvenir d’un visage, d’un prénom, d’une musique, d’un amour.
Extraits :
Le Petit Port
« Sur la pelouse de l’hippodrome, durant la saison des courses, vous y veniez presque chaque dimanche, ta mère s’asseyait sur l’herbe avec tricot ou revue, ton père s’installait face aux tribunes, feuille de paris en mains, mais ne jouait pas d’argent, jamais, simulait seulement, faisant ses comptes ensuite et déclarait plus souvent pertes que gains, l’illusion du jeu, vois-tu ; un jour pourtant à quelques pas de toi, un homme en blouse grise armé d’un pistolet abattit un cheval blessé et le hennissement de la bête avorté par le tir longtemps te poursuivit : illusions perdues, jeu de vie et de mort. »
Le Jardin des Plantes
« Dimanches de printemps, azalées, camélias, rhododendrons, grands arbres d’essences exotiques, faons nouveaux nés dans les enclos près des grilles, poissons rouges et carpes de belle taille dans les bassins d’eau claire ; mais ils marchaient dans les allées du jardin comme ils vivaient sous leur toit, séparés silencieux, ton père dix pas devant ta mère, et toi gamin navette courant d’une main à l’autre, disant deux fois les jolies fleurs, deux fois les gentils animaux, histoire de, pour ne pas, jusqu’au jour où lassé, essoufflé, ne te voulant plus ni entre ni avec, tu t’installerais hors de leur portée, dans ton silence, ailleurs. »
Gare d’Orléans
« C’est là, quelque trente ans plus tôt, que ta mère avait attendu ton père, connu son plus fol espoir en ne le voyant pas dans le dernier train annoncé depuis l’Allemagne ; c’est de là que tu partis cap à l’est, exact chemin contraire, direction Tübingen en Bade-Wurtenberg, vingt-quatrième régiment de chasseurs mécanisés : corps en uniforme, tête en guerre, tes rêves de petit soldat se joueraient sur une autre scène ;
une seule certitude : tu reviendrais à Nantes, mais pas de sitôt ! »
Noms de Nantes, Jacques-François Piquet, Joca Seria, 2002.
Avant d’aborder la consigne de cet atelier, je voudrais vous proposer un autre atelier que nous avons expérimenté lors des premiers ateliers à la Maison de la Vie Associative et Citoyenne du 10ème. Il s’inspirait d’un extrait du livre de Jérôme Leroy : Le déclenchement muet des opérations cannibales paru aux Éditions des Équateurs, en 2006. Le premier souvenir qui revient en mémoire à l’évocation d’un lieu. Par petites touches, succession d’instantanés scintillants, en vrac, en dresser l’inventaire versatile. Un lieu, un souvenir. Cet exercice vous permettra à coup sûr d’aborder la consigne de manière plus libre.
Consigne d’écriture :
Puiser dans le nom des rues, des quartiers de la ville où l’on a passé sa jeunesse, où l’on vit, où l’on travaille, matière à écrire de courts textes autobiographiques, fragments de vie, biographie familiale, ces lieux fonctionnant comme théâtre de la mémoire.